La nouvelle polémique qui s’est emparée du pays depuis une semaine, suite aux informations relatives au dépôt par le président de la République de sa «Déclaration écrite de patrimoine» au Conseil constitutionnel – une première dans l’histoire du Sénégal – peut paraître curieuse. En ce sens qu’on aurait compris cet état de fait si Macky Sall avait refusé, à l’image de ses prédécesseurs, de se plier à un exercice qui obéit à une disposition de la Constitution – l’article 37 – et à une exigence démocratique et de transparence dont les Sénégalais sont sevrés. Cependant, qui relève le défaut d’une publicité – étape supplémentaire relevant du Conseil constitutionnel – qui doit accompagner cet acte novateur et salutaire, peut comprendre cette averse de suspicions charriant questionnements et supputations. Toutes choses qui ont poussé Libération, qui n’est pas dans l’obligation d’attendre que les Cinq Sages libèrent les Sénégalais par la publication de cette fameuse «Déclaration écrite de patrimoine» dans le Journal officiel, à s’intéresser particulièrement à la question. Au nom du droit d’informer. Autant d’efforts qui ont finalement abouti à connaître de la totalité du contenu du document authentique que nous allons vous exposer, en exclusivité. Tout en y greffant des remarques complémentaires obtenues de sources dignes de foi.
«Le président de la République est installé dans ses fonctions après avoir prêté serment devant le Conseil constitutionnel en séance publique. Le serment est prêté dans les termes suivants : “Devant Dieu et devant la Nation sénégalaise, je jure de remplir fidèlement la charge de président de la République du Sénégal, d’observer comme de faire observer scrupuleusement les dispositions de la Constitution et des lois, de consacrer toutes mes forces à défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire et l’indépendance nationale, de ne ménager enfin aucun effort pour la réalisation de l’unité africaine”.
Le président de la République nouvellement élu fait une déclaration écrite de patrimoine déposée au Conseil constitutionnel qui la rend publique».
Une première au Sénégal
Engagé dans la course à l’élection présidentielle, Macky Sall avait promis de respecter le dernier alinéa de l’article 37 précité de la Constitution. Vingt-sept jours après son accession à la magistrature suprême et trois semaines après son installation dans ses fonctions, au terme de sa prestation de serment, il passait à l’acte. En effet, c’est le 23 avril 2012, que le Greffier en Chef du Conseil constitutionnel a donné récépissé au ministre de la Justice, Aminata Touré, mandaté par le président de la République pour le dépôt, le même jour, de sa «Déclaration écrite de patrimoine».
Que contient ce document de quatre pages rédigé trois jours auparavant, le 20 avril 2012 ? Le Président Macky Sall y liste ses biens immobiliers directs et indirects, c’est-à-dire enregistrés à son nom et au nom de sociétés dont il est actionnaire ; ses titres sociaux et son parc automobile, avant de clore son exposé par une «affirmation de sincérité» ainsi déclinée : «Je déclare sur l’honneur que la présente Déclaration de patrimoine est sincère et véritable et que les fonds ayant servi à l’acquisition desdits biens proviennent pour partie de mes gains et salaires, de prêts auprès d’organismes financiers et de dons d’amis, de militants et sympathisants sénégalais.»
Une villa à la Patte d’Oie acquise en 1998
Au chapitre des biens immobiliers directs, inscrits à son nom, apparaît la première acquisition de Macky Sall qui remonte à 1998 : un terrain de deux cent cinq (205) mètres carrés auprès de la Scat Urbam, situé au niveau de la Patte d’Oie. Ce n’est que trois années plus tard, en 2001, qu’il y construit une villa, surtout grâce à un crédit de huit (08) millions de francs Cfa de la Banque de l’habitat du Sénégal (Bhs), remboursable sur quinze (15) ans. Un bel investissement, car aujourd’hui, la valeur de la villa, qui abrite depuis six mois sa Cellule de Veille Communication, est estimée à plus de deux cents (200) millions de francs Cfa eu égard au prix moyen des transactions dans la zone.
Un terrain nu aux Almadies
Toujours dans Dakar, au niveau des Almadies, peu de temps après son arrivée à la Primature, en avril 2004, Macky Sall bénéficie des Impôts et Domaines, et sur instruction du président de la République d’alors, Me Abdoulaye Wade, d’un terrain nu d’une superficie de deux mille soixante neuf (2 069) mètres carrés, estimé à deux cents (200) millions de francs Cfa. Un bien qu’il a failli vendre, à la veille de la dernière campagne électorale, pour renflouer sa caisse, avant de se raviser.
Une exploitation agricole à Sébikhotane
Enfin, dans la région dakaroise, le Président Macky Sall avait bénéficié, en 2004, d’un bail sur un terrain de neuf (09) hectares situé à Sébikotane pour usage d’exploitation agricole. Présentement, il y développe assez timidement un projet d’élevage.
En dehors de la capitale, l’actuel président de la République a acquis, toujours en 2004, moyennant douze (12) millions de francs Cfa, une villa consistant en des peines et soins édifiés sur un terrain de deux cent quarante (240) mètres carrés à Niague, près du lac rose. Un bien tombé presque en ruine et qui n’a pas enregistré de plus-value en raison de sa vétusté.
Deux villas à Saly
Sur la Petite-Côte, Macky Sall a deux biens immobiliers. Une villa R+1 bâtie sur une superficie de deux mille mètres carrés (2 000) à Saly, face à l’hôtel Téranga, acquise en 2003 auprès de la Société d’aménagement et de promotion des côtes et zones touristiques du Sénégal (Sapco), moyennant un bail annuel de huit cent quatre-vingt mille (880 000) francs Cfa.
Un an auparavant, en 2002, à Plein Sud-Saly, il avait acquis une maisonnée de deux chambres avec salon d’une valeur de trente-cinq (35) millions de francs Cfa, prêtée depuis des années à un de ses proches collaborateurs et compagnon politique.
Un seul bien à Fatick : un terrain nu
Dans sa ville natale de Fatick dont il fut maire de 2001 à 2012, hormis le domicile familial, qui appartient à feu son père, Macky Sall n’a qu’un terrain nu dans le lotissement de Fatick2 d’une superficie de mille deux cents (1 200) mètres carrés estimé à six (06) millions de francs Cfa.
Comme bien immobilier indirect, inscrit au nom de la Sci Bilbassy (lire plus bas) et listé dans la «Déclaration écrite de patrimoine» du Président Macky Sall, ne figure que la villa qu’il occupe actuellement à Fenêtre Mermoz. D’une superficie de six cent quatre vingt dix neuf (699) mètres carrés, il l’a acquise en octobre 2006 à cent trente (130) millions de francs Cfa. Alors élevée sur un niveau avec terrasse, cette villa n’avait rien à voir avec l’imposante demeure d’aujourd’hui que l’occupant s’est évertué à bâtir cinq années durant moyennant des prêts et apports personnels. En effet, ce n’est qu’en fin 2011 que Macky Sall a emménagé à Fenêtre Mermoz dans la villa transformée en R+1.
La villa qu’il occupe à Fenêtre Mermoz
Entre cette date et le début de sa traversée du désert consécutif à sa séparation d’avec le Président Wade, en octobre 2008, l’actuel président de la République, ne pouvant s’installer dans sa demeure trop exiguë de la Patte d’Oie, avait loué une villa à Fann Résidence. Aujourd’hui, au regard du prix moyen des transactions dans la zone, cette villa de Fenêtre Mermoz est estimée à trois cent cinquante (350) millions de francs Cfa. Elle est enregistrée au nom de la Sci Bilbassy, au capital de un (01) million de francs Cfa.
Une Sci et une Sarl mise en veilleuse
Laquelle Société civile et immobilière est déclarée au chapitre des «Titres sociaux» du patrimoine du président de la République, qui détient soixante pour cent (60%) des parts sociales, contre quarante pour cent (40%) à son épouse, la Première Dame, Mme Sall née Marème Faye.
Macky Sall a aussi soixante dix pour cent (70%) des parts sociales de «M3 Consult Sarl», un cabinet de consultance, qui n’a véritablement jamais fonctionné. D’ailleurs, elle vient de faire l’objet d’une suspension d’activité et mise en sommeil aux termes d’un procès-verbal des délibérations de l’Assemblée générale, le 11 avril 2012, à Dakar et publiée conformément à la loi.
Les 35 voitures du parc automobile
Enfin, s’agissant de son «Parc automobile» qui, ces derniers jours, a figuré au cœur de la polémique, le Président Macky Sall indique dans sa «Déclaration écrite de patrimoine» qu’il est constitué de trente cinq (35) véhicules divers qui servent essentiellement aux activités politiques de son parti, l’Alliance pour la République (Apr).
Cependant, Libération est en mesure de détailler ce parc automobile. Aux quatre (04) véhicules (une Land Cruiser, deux Mercedes dont une GL et une Prado) acquis entre la dernière année passée à la Primature et son départ de l’Assemblée nationale, est venue s’ajouter une petite flotte de trente et un (31) véhicules pour la plupart offerts par des soutiens, en 2011, et utilisés à battre campagne aux quatre coins du pays. Il s’agit de vingt-quatre (24) Pick-up simples, de six (06) Thundra et d’une (01) Land Cruiser.
Ce que possède son épouse
Cet exposé fait, le président de la République, dans un souci de transparence accrue, a ajouté à sa «Déclaration écrite de patrimoine» un nota bene, à titre d’information. Il y liste les deux villas R+1 dont est propriétaire son épouse, Marème Sall. L’une se trouve à Sacré Cœur 3 et sert de siège à l’Apr, et est estimée à quatre vingt (80) millions de francs Cfa. L’autre, d’une valeur de quatre-vingt-dix (90) millions de francs Cfa, se situe à la cité Comico 3.
L’appartement de Houston
Au cœur de toutes les polémiques qui ont surgi ces huit dernières années relativement à son patrimoine, figure le fameux appartement que le Président Macky Sall possède à Houston, la plus grande ville de l’État du Texas aux États-Unis. Au descriptif, dans sa «Déclaration écrite de patrimoine», on n’y étouffe pas : il fait trois cents (300) mètres carrés. Cependant, son coût n’a rien d’exorbitant, à l’image de ces appartements du XVIe Arrondissement parisien ou de la City de Londres. Dans cette ville dotée d’une grande industrie pétrochimique qu’il connaît bien pour y avoir fait un stage alors qu’il était à Pétrosen, Macky Sall acquiert cet appartement en 2002 au prix de deux cent vingt mille (220 000) dollars, soit un peu plus de cent neuf (109) millions de francs Cfa. Qu’il ne paie pas cash. Grâce au système de crédit bancaire appelé mortgage, il verse un acompte de trente mille (30 000) dollars, un peu moins de quinze (15) millions de francs Cfa. Le reste est étalé sur une durée de quinze (15) années, à raison d’un paiement mensuel de mille trois cent soixante dix (1 370) dollars, soit six cent quatre vingt deux mille (682 000) francs Cfa. En somme, ce n’est qu’en 2017 que Macky Sall sera propriétaire de plein droit de l’appartement. En attendant ce terme, ça ne lui coûte presque rien : depuis son acquisition, il l’a mis en location. Ce qui lui apporte, au gré des fluctuations du marché de l’immobilier, entre deux mille (2 000) et deux mille sept cents (2 700) dollars. Soit de quoi rembourser son prêt bancaire et payer les prestations de l’agence immobilière qui a en charge l’appartement.