En annonçant publiquement sa décision de soutenir le candidat Macky Sall à la présidentielle de 2019, Talla Sylla solde ses comptes avec Idrissa Seck, à qui il n’aurait pas pardonné de l’avoir écarté de l’entourage de premier cercle de Me Wade au milieu des années 90. En 2014, leur alliance stratégique était programmée devoir faire long feu : entre le fondateur du Jëfe Jële et son prédécesseur à la tête de la mairie, ça n’a jamais été le parfait amour. Pour preuve : entre 1998 et 2012, il a successivement soutenu Djibo Kâ, Niasse et Ibrahima Fall. Jamais Idy !
Militant, dès l’âge de 14 ans, du Parti africain de l’indépendance (Pai), Talla Sylla a commencé à fréquenter, assidument, Me Wade à la fin des années 80, lorsque étudiant en France, le quatre-vingt-huitard revendait, à la criée, des exemplaires d’Un Destin pour l’Afrique du pape du Sopi.
Après ses études, il a créé, avec des amis démissionnaires de plusieurs formations politiques sénégalaises, Jeunesse pour l’Alternance (Jpa). Dans la foulée, il intègre officiellement le Parti démocratique sénégalais. A l’époque, il était un pion essentiel du dispositif d’audience du secrétaire général du Part démocratique sénégalais. Notre source informe qu’il a joué un rôle déterminant pour que Modou Diagne Fada devienne le leader de l’Union des jeunesses travaillistes et libérales (Ujtl). Sa popularité grandissante auprès des Thiessois semblait alors porter ombrage à Idrissa Seck, rentré des Etats-Unis d’Amérique avec des moyens pour conquérir la Cité du rail et de l’ambition pour se positionner en dauphin du leader sopiste. Wade arbitre à l’avantage de Idy, qui, « grâce à son savoir et à son avoir », a pris de la bouteille au point de chasser Me Ousmane Ngom du poste de numéro 2. Déçu, Talla Sylla quitte le Pds pour fonder le Jëfe Jële. Il propose à Aminata Touré (futur Premier ministre du Sénégal) de briguer la vice-présidence du nouveau parti. Si Mimi n’est pas devenue son adjointe, c’est parce que celle-ci mettait du temps à donner corps à son désir.
A la veille de la présidentielle de 2000, le Jëfe Jële met sur pied le Jury de la Jeunesse pour auditionner tous les candidats. Invité, Me Wade souhaite que Talla et Cie reçoivent Idrissa Seck. Ce qui a frustré les membres du jury, qui jettent leur dévolu sur Moustapha Niasse. Au lendemain de cette présidentielle, une haute figure du Pds a appelé au téléphone M. Sylla pour lui proposer un poste de ministre. Le rebelle décline l’offre. Le Jëfe Jële vole en éclats. Les proches compagnons de Sylla, tels Modou Aïssa Ndiaye, Serigne Seck, Aly Nar Ndiaye actuel leader karimiste… rejoignent la mouvance présidentielle.
Entre 1998 et 2012, le boss de Fal Askan Wi a successivement soutenu Djibo Kâ, Moustapha Niasse et Ibrahima Fall. Jamais Idrissa Seck, même durant les heures chaudes de l’épisode des « Chantiers de Thiès ». En 2014, le rapprochement entre Idy et Talla relevait d’un calcul politique. Non seulement le premier nommé avait annoncé dès 2013 son départ de la mairie, mais, pour bâtir un embryon d’alliance à la prochaine présidentielle, il avait besoin du second. Qui plus est, accusé de tous les péchés d’Israël pour sa gestion, Yankhoba Diattara n’avait pas bonne presse auprès des électeurs.
« Idrissa Seck serait pire qu’Hitler s’il prenait le pouvoir ». En prononçant cette phrase, Talla solde de vieux comptes. Toute la question est maintenant de savoir si son soutien à Macky Sall sera moralement soutenable, pour quelqu’un qui était presque rayé de la carte politique avant les locales de 2014 et qui, en devenant maire de Thiès, doit une fière chandelle à son alliance avec Rewmi.