Nelson Mandela, qui fête ce jeudi ses 95 ans, a effectué deux visites au Sénégal, dont la première a eu lieu en 1962, dans le cadre d’une tournée au cours de laquelle il cherchait des soutiens à l’étranger pour la lutte armée que le Congrès national africain (ANC), avait décidé de mener dès juin 1961.

Mandela arrive le 1-er juin 1962 à Dakar avec son camarade Oliver Tambo, en provenance de Conakry (Guinée), pour une visite de six jours dont il parle sur deux pages (364-365) de son autobiographie, « Un long chemin vers la liberté » (Fayard, 1995).

Dans la capitale sénégalaise, ‘’la grâce des bateaux de pêche très fins qui glissaient dans le port de Dakar n’avait d’égale que l’élégance des Sénégalaises qui se glissaient dans la ville vêtues de robes flottantes et la tête recouverte d’un turban’’, écrit Madiba.

‘’Je me promenais sur la place du marché voisin, enivré par les épices et les senteurs exotiques. Les Sénégalais sont beaux et j’ai beaucoup aimé notre bref séjour dans leur pays. La société montre comment des éléments très disparates – français, islamiques et africains – peuvent se mêler pour former une culture unique et distincte’’, ajoute-t-il dans son récit.

Il rapporte qu’en allant voir le président Léopold Senghor, son camarade Oliver Tambo, victime d’une violente crise d’asthme, a refusé de rentrer à l’hôtel. ‘’Je l’ai porté sur mon dos pour monter dans le bureau du président, précise Nelson Mandela. Senghor était très inquiet de voir Oliver dans cet état et il a insisté pour que son médecin personnel le soigne.’’

Le responsable de l’ANC signale qu’on lui avait conseillé de se méfier de Senghor, ‘’car on disait que des soldats sénégalais combattaient avec les Français en Algérie et que le président lui-même aimait un peu trop les coutumes et les charmes de l’ancien régime’’.

‘’Dans les nouvelles nations, il y aura toujours une attirance durable pour le mode de vie des colonisateurs – moi-même je n’en étais pas exempt’’, commente-t-il, relevant que le président Senghor leur avait parlé de ses recherches sur Chaka et leur posa ‘’quantité de questions sur ce grand guerrier sud-africain’’.

Mandela et Tambo lui firent un résumé de la situation de l’Afrique du Sud et lui demandèrent une aide pour l’entraînement de leurs soldats ainsi que de l’argent. Ce à quoi Senghor répondit ‘’qu’il avait les mains liées jusqu’à la réunion du Parlement’’.

En attendant de s’occuper de la question, le président Senghor les envoie parler de leurs problèmes d’entraînement militaire avec le ministre de la Justice – Gabriel Darboussier –, Mandela écrit ‘’M. Daboussier’’. Avant de leur présenter ‘’une très belle jeune fille française’’, qui, expliqua Senghor, serait leur interprète. Mandela se sentit ‘’gêné’’ même s’il ne dit rien.

Précis dans ses appréhensions, il ajoute : ‘’Je ne me sentais pas à l’aise à l’idée de parler de questions très délicates d’entraînement militaire devant une jeune femme que je ne connaissais pas et dont je ne savais pas si je pouvais lui faire confiance. Senghor a compris mon embarras car il m’a dit : +Ne vous inquiétez pas, Mandela, les Français d’ici s’identifient tout à fait à nos aspirations d’Africains+’’.

Arrivés chez le ministre, les deux responsables de l’ANC rencontrent des secrétaires africaines à la réception. ‘’L’une d’elles, raconte Mandela, a demandé à la Française ce qu’elle faisait là. Elle lui a répondu que le président l’avait envoyée pour servir d’interprète.’’

Après la discussion qui s’ensuivit, une des secrétaires se tourna vers Mandela pour lui demander : ‘’Parlez-vous anglais, monsieur ?’’. Il lui dit oui et elle répondit : ‘’Le ministre parle anglais, vous pourrez discuter directement avec lui. Vous n’avez pas besoin d’interprète.’’

La jeune Française resta là pendant qu’il alla parler au ministre, qui leur promit de répondre à leurs demandes. ‘’Au bout du compte, conclut Nelson Mandela, Senghor ne nous fournit pas ce que nous étions venus chercher, mais il me procura un passeport diplomatique et nous paya le voyage en avion de Dakar à Londres.’’

Madiba avait quitté clandestinement l’Afrique du Sud par le Botswana, en janvier 1962, pour aller suivre un entraînement militaire et chercher des soutiens à l’étranger. Il a reçu un entraînement militaire en Ethiopie et à Oujda au Maroc, près de la frontière algérienne.

En décembre 1961, l’ANC avait reçu une invitation de Mouvement panafricain de libération de l’Afrique orientale, centrale et australe (PAFMECSA, ancêtre de l’Organisation de l’unité africaine – OUA), pour assister à sa conférence d’Addis-Abeba en février 1962.

‘’Ma mission an Afrique ne consistait pas seulement à assister à la conférence ; je devais trouver un soutien politique et financier à notre nouvelle force militaire et, plus important, des possibilités d’entraînement pour nos hommes dans le plus grand nombre d’endroits possible sur le continent’’, explique Nelson Mandela dans son autobiographie ‘’Un long chemin vers la liberté’’.

Il visite le Botswana, le Tanganyika (actuellement Tanzanie), le Nigeria, l’Ethiopie, l’Egypte, la Libye, la Tunisie, le Maroc, le Mali, la Guinée, la Sierra Leone, le Liberia, le Ghana, le Sénégal, le Soudan, passe une douzaine de jours à Londres avec Oliver Tambo, qu’il avait retrouvé à Accra. Mandela revient en Afrique du Sud en juillet, en passant de nouveau par le Botswana, qui s’appelait alors Bechuanaland.

Nelson Mandela est revenu à Dakar en 1991 pour une visite de trois jours (7, 8, 9 novembre), destinée notamment à remercier le peuple sénégalais de son soutien à la lutte du peuple sud-africain pour démanteler l’apartheid. A cette occasion, un concert avait été organisé au stade Demba Diop, à l’initiative de Youssou Ndour.

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