Tel un jeu de rôle, les générations se succèdent et arborent selon les étapes de leurs développements des postures de conquête, de doute ou d’abandon. De ces mutations inéluctables, naissent des différences, mais surtout des conflits entre jeunes combatifs et nostalgiques désillusionnés. « C’était mieux avant » disent les soixante-huitards et compagnie, comme pour dénoncer la fraîcheur et décréter leur propre isolement. Ils ne se lient plus, ils ne s’émerveillent plus, ils n’enlacent plus. Ils se privent davantage par crainte que par sobriété.
Tout est prévu et déjà réglé, il ne reste plus que prolongement et diffusion des préceptes recueillis et normalisés. Faux! C’est ce que toi, aspirant vieux, tu veux me faire croire, sclérosé dans ton imaginaire, ta nostalgie et tes regrets. Moi, petit débutant, du haut de ma jeunesse et de mes agréments, je m’oppose à cette fatalité de saturation. J’y suis à pic, ma force me dicte initiatives et actions tranchantes. Je m’abandonne, rigide et dopé à la vie, nymphe gaspilleuse de charmes, pour en recueillir grâce et consolation, n’en déplaise aux passéistes tristes et trouble-fêtes.
La marche du temps est plus que jamais en branle. Le temps s’élance et interpelle tout le monde. Que ceux, pris par un destin forclos, me disent au nom de quoi je dois renoncer à l’enthousiasme et à l’audace des engagements de renouveau? Je dois réinventer le monde pour honorer la promesse de pérennité. Voilà le sens des modes, goûts et découvertes, enchainements linéaires et témoins complices des liaisons et contestations entre générations successives.
À toi, grincheux et accusateur des vigueurs juvéniles, rien à cirer de ta sagesse attentiste, ramassis de prudence, de faiblesse et de lenteur. Ma fougue me guide là où, pour paraitre fixe, seule la vivacité de l’esprit libre et audacieux aide à tenir tête. À ton sourire narquois qui traduit envie simplement, je réponds simple puissance des profits et portée de ma seule volonté. En même temps et à chaque fois, je séduis, je charge et je façonne une vie. N’est-ce pas vie que passe-temps, bonheur, certitude et appétit?
Pendant que, toi expert désœuvré, ta démission annonce ta mort imminente, décomposition d’ardeurs et de désirs, j’étreins, j’entrelace et j’embrase, bourré de passions et d’aplombs. Moi, jeune, versus toi vieillissant de repentances, vieillissant de désillusions, en retraite des enjeux présents, je te reproche ta relâche lorsque les bonheurs viagra ou Cialis se conçoivent très bien et transportent sans façon. La médecine promet disponibilité jusqu’à la fin, le pluralisme cautionne les écarts, la démocratie approuve tout plaisir occasionnel.
Du conflit et des différences de tempéraments, s’emballe le moteur de la vie sociale. De cette énergie dépend l’équilibre renouvelé entre la force juvénile des guerriers et l’hospitalité du vécu des mages. Posture d’interprètes, chaque génération connait un élan d’empressement et fait les frais du dédain et de l’arrogance des plus anciens. C’est seulement par la suite qu’elle s’improvise à son tour juge et oppresseur des esprits vifs et victorieux. Il est question de message et d’ordre que le destin envoie pour nous aligner, nous étiqueter et nous comparer pour enfin bien rire de nous.
Birame Waltako Ndiaye
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Birame Waltako Ndiaye