À l’heure où la dengue, cette maladie infectieuse virale, transmise par la piqûre du moustique femelle aedes aegypti, caractérisée par la fébrilité du sujet, des douleurs et une démarche raide, a fait son apparition au pays de la Téranga mais, heureusement, a été très vite jugulée ; le transport en commun ne paye pas de mine.
En effet, dans son ensemble, il renoue avec une forte crise cyclique liée ou induite par la recrudescence d’accidents de la route meurtriers. Face aux menaces agitées contre eux, les transporteurs se braquent.
Le système de transport a la dengue. Il décrit les mêmes symptômes en plus grave. Le Sénégal est-il dingue de son transport ?

Au risque de paraphraser tous les chroniqueurs ayant pignon sur rue, les penseurs sans carte de visite et même les pamphlets anonymes et autres textes apocryphes de la large et fournie presse sénégalaise à travers les éditoriaux des journaux, les émissions thématiques radiophoniques, les talk-shows et la toile , nous revenons au-delà de la lancinante question des accidents de la route sur la gestion du système de transport en commun. A la charge des hauts d’en haut !
On ne le dira jamais assez, la conjugaison des trois facteurs connus entraine le pire : l’humain, le matériel et l’infrastructurel. Mais au fait qui a la responsabilité ne serait-ce que morale des facteurs ci-haut invoqués. ? Suivez notre regard.
Nous ne nous attarderons pas sur les conducteurs. Ils ne sont que la partie visible de l’iceberg. Dès qu’on gratte un peu le vernis, apparait la longue chaine de souffrance du hideux système de transport urbain et inter-urbain de notre pays. Qui n’épargne personne. Dans ce qui apparait comme un cirque, le chauffeur est le dindon de la farce. Comme toujours le lampiste trinque pour les autres !
La prévention routière est trop ciblée sur les automobilistes en laissant les autres acteurs dans un flou artistique organisé. En direction des pauvres, éternels smicards qui se tuent à la tâche au propre et au figuré, on agite de façon inconsidérée le bâton. Il est trop simpliste de tirer sur leur indiscipline et de s’en arrêter là. Pour parler comme Térence, nous dirons que le chauffeur est du Sénégal et rien de ce qui est sénégalais ne lui est étranger. Bref, il n’est pas plus indiscipliné que le commun d’entre nous.
Laissons le chauffeur à ses soucis et intéressons-nous à ses outil et lieu de travail. Nous voudrions bien poser les phares sur les deux derniers facteurs qui dépendent plus directement des pouvoirs publics.
Le matériel roulant est vétuste. C’est une lapalissade. Mais ce qui est difficile à accepter, c’est de constater comment les autorités ferment les yeux devant ces véhicules d’un autre temps ? Bons et aptes pour la casse sinon pour les récifs artificiels.
Les usagers des véhicules de transport en commun sont bien malheureux ; ils ne sont pas traités avec égard, ils ne sont pas dans un minimum de confort et ne sont pas en sécurité dans les gares routières à fortiori sur les routes.
Chez nous, la carrosserie d’usine est renforcée à coup de bois et de …ferraille. Très souvent, il n’y a que les pneumatiques et les vitres qui ne soient pas en métal. Imaginez le danger. Des sièges avec un minimum de confort : le rêve fou du passager. Chut ! Ne parlons pas d’airbags.
Quittons l’auto pour descendre sur la chaussée.
Mais l’aspect le plus inconcevable, c’est l’état des routes. D’année en année, le macadam rétrécit. Cherchez l’erreur. Les immatriculations grimpent à vitesse exponentielle, or les routes ne changent pas en considération de la circulation. Un demi-siècle d’ingénierie ès ponts et chaussées plus tard, l’essentiel du cahier de charge n’a pas bougé en termes de confort et de sécurité. Que valent des routes de 4 cm d’épaisseur sur une largeur de 7 m ? Nos routes sont dangereuses. Leur coût ne cesse de renchérir.
Voyager au Sénégal n’est pas une partie de plaisir. L’un dans l’autre, la situation est indigne d’une nation qui se veut émergente.
Les chauffeurs ne sont pas exempts de reproche. A leur insu, ils prêtent trop le flanc. Cependant, au fond, il nous semble que la plupart d’entrez eux sont moins coupables que victimes. Des menaces pèsent sur eux avec le fameux permis à points annoncé à grands cris et jusque-là reporté, Une épée de Damoclès sur la tête des gens du volant ! Le permis à points n’est pas une panacée. Loin s’en faut ! L’on se fonde sur des perceptions pour les mettre sur l’échafaud. Au Sénégal, aucune étude scientifique sérieuse n’a conclu la primauté d’un facteur sur les autres.
Que vaut la vie du Sénégalais moyen ? C’est comme si on banalisait la vie des Sénégalais. Tout porte à le croire. Comment comprendre que les autorités laissent faire ? De coupables négligences s’étalent le long de nos routes.
En réalité, les négligences existent dans tous les domaines. Pour chaque accident au décompte macabre, les victimes des dégâts collatéraux sont fondés à se constituer partie civile contre…l’Etat. Dans le cas d’espèce, la responsabilité de l’Etat n’est plus sans faute ; elle est pleine et entière.
Comment se fait-il que certains véhicules aptes pour la casse soient agréés par la visite technique ? La surcharge tolérée ? Ne parlons pas de l’étroitesse de la chaussée. La dangerosité des routes latéritiques rurales pompeusement baptisées de pistes de production.
Combien de braves mères, de pères de famille affectueux, de fils prometteurs ont été ravis à l’affection des leurs sur l’autel de la fatalité. A nos yeux, la sécurité des élites est plus prise en charge que celle du commun des Sénégalais.
Tous les protocoles ont été déjà définis et validés mais le comble, ils sont rangés dans les tiroirs poussiéreux de la bureaucratie pour ne pas dire de l’oubli. Le diagnostic est fait. Et plus que des esquisses et des pistes, des débuts de solution ont été proposés.
Mais au Sénégal, l’on nous joue le même film. L’on s’émeut, l’on hurle avec les loups, l’on vilipende, l’on tape du poing sur la table. Suprême manipulation, une commission d’enquête est ouverte avec force promesses de sévir pour un…enterrement de première classe de la question dès qu’une autre actualité se présente au devant de la scène.
Puis le temps passe, la mémoire s’efface. Les victimes s’arment de fatalisme, le peuple feint l’indifférence et les autorités remettent aux calendes grecques les bonnes décisions. L’amnésie sélective collective, quoi ! Jusqu’au prochain drame.
Le Sénégal, singulière cité de satiation !
Au total, nous ne tirons pas les leçons de nos échecs répétés. Pourtant, nous sommes souvent estimés et demandés grâce à la qualité de nos ressources humaines. La réputation n’est pas surfaite. Nos concitoyens : agro-pasteurs, artisans, artistes, intelligentsia, travailleurs, etc., ont une expertise avérée en bien des domaines mais hélas, nous ne faisons pas preuve d’expérience au sens d’enseignement issu de la pratique que l’on a eue de quelque chose.
Quel peuple sommes-nous ? Que sommes-nous devenus ?
Face au tollé suscité par la cascade d’accidents meurtriers, les pouvoirs publics sont prompts à des réactions épidermiques sans aller au fond des choses. Ces discours guerriers faits d’effets de manche n’émeuvent plus des citoyens fatigués. L’Etat réussit toujours son jeu de diabolisation des corporations au point de les soulever contre le reste de la population.
Un peuple, on l’éduque par l’exemple. Gouverner, c’est prévoir.
Dahra, le 20 novembre 2017.
NDIAYE Bouna Sémou
paakuur@gmail.com

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