Pas brusque, pas mort-née, l’agonie s’est allongée, elle s’est improvisée souffrance, presque auto infligée par des rêves coûteux, pour un salut convoité. De révolutionnaire à rebelle en passant par repenti, Sénégal s’est battu, il s’en est sorti indépendant, mais toujours pas libre. La souche de virus qui l’a emporté a muté servitude en servilité, Sénégal s’est prolongé. Ses héritiers, asphyxiés de plaintes et d’encombres, s’incriminent du même mal. Ils s’accusent. Pour cause, leur pater s’est livré aux gourous, prêtres et almoravides, défoncé en cobaye idéologique et, par la suite, accablé de reproches et de mépris.
L’héritier est perdu au rang de simple punissable, victime à jamais. Il est dans cette lassante représentation du fossé entre aspirations à la modernité et hantises de subordination. L’intellectuel africain en est là, intégré, troublé puis réexpédié vers lui-même, vers son tréfonds retentissement indigène. Senghor n’est plus, Diouf vivote entre l’idéal blanc et la promesse des banquets de l’universel. Dans tout ça, Wade virevolte, fou de rationalité et branché aux clichés. Il a d’abord compris puis recopié les troubles du commun des sénégalais. Il a produit Macky primo, pareil que lui en disposition et en élasticité.
Farba Ngom, député républicain, griot traditionnel et ami de la famille présidentielle, résume et indique l’aberration du placage institutionnel. Il déjoue les combinaisons savantes de vitrine démocratique. Il compromet la sécurité des reproducteurs paresseux de schémas déjà saturés de commandes d’un temps autre et d’un espace lointain. Plus qu’un simple geste de défiance, Farba s’insurge contre la brutalité inopérante des proclamations de valeurs et de principes. Les mandements et montages sociaux et communautaires relèvent de l’utopie. C’est d’abord dans l’intimité des foyers, suspendus à la conjoncture, que l’élan de citoyenneté prend forme.
Par simplisme ou par laisser-aller, l’intellectuel sénégalais s’est incrusté dans les banalités. Il décrie, mime et caricature les tares, faiblesses et faussetés sans jamais s’interroger sur sa condition sociale d’automate. Sa résistance à l’aliénation décousue et téléguidée contre l’occidentalisation amplifie la résonance de l’arabisation. Voilà que tout l’effort des vigiles fougueux se dilue dans la brutalité des conformistes et des arrangements.
Tout confus, les héritiers s’inventent un kit de survie et des mécanismes de survivance. Il est question de refus des postures débonnaires d’épuisement, de rejet des certitudes grossières de l’Occident et de veto aux incursions furtives de l’Orient. L’activisme identitaire aux allures anticonformistes, mais profondément mimétique et réactionnaire, est à renouveler. De cet élan laborieux et purgatif, mais ô combien lumineux et guidant, naitront la paix des héritiers et l’impérieux africain sens pratique de la renaissance.
Entre la récusation sans alternative crédible et l’inféodation systématique, il y a cette troisième voie, celle du fonctionnalisme. Il est question d’ériger la quête de dignité au cœur des préoccupations et du débat public. Sans Lampedusa, point de stigmatisation, moins de frustrations. Le développement humain des sénégalais, intérêt immédiat au cœur de l’action politique, est l’enjeu majeur pour l’assurance, et de ce fait, pour la libération. Il s’agit de vaincre et convaincre méthodiquement sans tambour ni trompette.
L’espoir est permis. Être prêt, tout est là.
Birame Waltako Ndiaye