Pour ses débuts sur le banc de l’Equipe nationale olympique du Sénégal, Aliou Cissé, sélectionneur-adjoint, a fait un baptême du feu plus ou moins réussi. Le novice s’est déjà fait une réputation dans son groupe. Quel genre de coach est-il ? Ses joueurs apportent la réponse.

Contre les Emirats Arabes Unis, Aliou Cissé est venu au stade de Coventry emmitouflé d’un manteau pour se protéger de la pluie et du froid. Mais au bout de quelques minutes, il s’en est débarrassé. Ses coups de gueule et son langage gestuel traduisaient une certaine nervosité sur la main-courante. Les erreurs répétées de quelques-uns de ses joueurs lui avaient donné de la rage. Heureusement, le sérum de Moussa Konaté lui a fait du bien. Avec ce match nul (1-1) devant les Emiratis, l’ancien capitaine des Lions écrit doublement l’histoire du football sénégalais : un quart de finale aux JO, après celui du Mondial en 2002.

Cependant, il avait bien dissimilé ses émotions. Aucun signe d’autosatisfaction. Au moment de faire son face-à-face avec la presse pour commenter cette qualification historique, Aliou Cissé a affiché un flegme bien casamançais. Sa personne est le cadet de ses soucis. Le travail bien fait est le principal. En Equipe nationale du Sénégal, il cherche à asseoir une philosophie, une identité de jeu basée sur «le collectif, la technique et la rigueur». «Peu importe celui qui héritera du fondement, mais nous allons le poser, brandit-il. Avec cette équipe, on peut bâtir l’avenir du football sénégalais». Dans sa volonté de réaliser quelque chose de différent, il a initié un nouveau concept : «Ntj : Nouveau type de joueur», inspiré des «Y en a marristes» et de leur historique «Nts : Nouveau type de Sénégalais».

Un des cadres de l’Equipe nationale a eu chaud devant lui

Avec Karim Séga Diouf, l’entraîneur en chef, il essaie d’imprimer sa marque pour un groupe sain, purgé des scories qui ont longtemps fait le lit des désillusions footballistiques sénégalais : «Des jeunes qui se comportement correctement et ne tombent pas dans les fait-divers, confie Karim. Se faire découvrir tout en défendant dignement les couleurs nationales.» Pour Aliou Cissé, les règles sont claires : «Il faut avoir des qualités, mais aussi un bon état d’esprit.» Etre bon sur le terrain et savoir se comporter en dehors. Dans ce groupe des olympiques, «peu importe le statut qu’ont les joueurs dans leurs clubs, s’ils arrivent en Equipe nationale, le statut est pareil pour tout le monde». Un des cadres de l’Equipe nationale A l’a appris à ses dépens en amical contre l’Afrique du Sud à Durban.

Promu capitaine ce jour-là, il était resté sur les rampes de sa lancée à la Can 2012 désastreuse. Il refusait de prendre ses responsabilités sur le terrain. «A la mi-temps, rapporte un joueur sous le couvert de l’anonymat, il a eu droit à une soufflante d’Aliou Cissé. Dans la salle, on pouvait entendre les mouches voler. Le gars était non seulement le capitaine, mais l’un des joueurs les plus expérimentés, tout cela n’a pas empêché au coach de tenir un langage de vérité, dans toute sa rigueur. C’était son premier match sur le banc.»

Devant ses joueurs, Aliou Cissé s’appuie sur son aura d’ancien capitaine-courage pour se forger un caractère. Ses poulains ont en mémoire «sa fougue, son envie de gagner et sa personnalité». «Personne ne peut faire la star devant lui, confie un des Lionceaux. Il a connu ce maillot bien avant nous et fait partie d’une génération dorée, celle de 2002. Ce n’est pas pour rien qu’il en était le capitaine». Dans son équipe, le boss, c’est lui, la star, c’est la nation et les choix, on les respecte sans broncher. «Qui choisit élimine, nous disait-il. On peut comprendre qu’un garçon ne soit pas content, mais il n’a pas le droit d’avoir un comportement au détriment du collectif et au détriment de l’Equipe nationale du Sénégal.»

Cette conduite trouve l’adhésion du président de la Fédération sénégalaise de football. Augustin Senghor est enchanté : «On a vu tout long de la préparation et pendant la compétition des valeurs nouvelles incarnées par cette équipe qui nous donnent des raisons d’espérer.» Bref, résume Fadiga, «Aliou Cissé et Karim Séga Diouf ont fait du bon boulot». Henri Camara, lui, avait très tôt vu venir. Il n’est pas surpris qu’«Aliou soit devenu entraîneur». «En 2002, se remémore le Lapin-flingueur, avant chaque match, il prenait toujours la parole pour nous galvaniser. C’est un leader. Il avait les mêmes aptitudes que Diouf, Coly et Salif. Je suis très fier du travail qu’il est en train d’abattre.»

Autant d’idées qui confortent la Fédération sénégalaise de football dans son choix. Augustin Senghor : «Notre rôle, en termes de management, est de choisir des personnes qui peuvent nous apporter un plus. Connaissant Aliou en tant que joueur et ayant pris les informations nécessaires, nous avons pensé qu’avec Karim Séga Diouf, un homme de poigne, ils peuvent faire un bon duo et booster ces joueurs, leur faire dépasser leurs capacités habituelles. Cela a donné des fruits. Ce n’était pas évident quand on l’a fait, mais l’histoire montre qu’on a besoin d’hommes neufs qui ont des valeurs et des principes à même de permettre à notre football et aux jeunes d’aller de l’avant. On a besoin de passionnés dans le football, des gars qui sont prêts à tout donner pour leur pays. Ils ont ces atouts.»

Aliou Cissé : «Je suis un travailleur. J’essaie toujours de progresser et d’apprendre. Chaque jour mérite sa peine. Je suis bien entouré. Je me donne les moyens d’y arriver.»

Le protecteur

Jamais satisfait, toujours aussi exigeant dans le jeu, Aliou Cissé sait aussi couver ses poulains d’affection et de passion. Parfois, le fouettard se révèle en père protecteur. Quand il s’est agi de monter au front pour défendre Saliou Ciss, voué aux gémonies par la partie britannique à la suite d’un tacle appuyé sur Craig Bellamy lors de la première journée, le coach n’a pas hésité à riposter. Au terme du quart de finale contre le Mexique, il n’a pas voulu «s’arrêter sur la déception ou les erreurs individuelles de l’axe central». Il a préféré positiver et les mettre dans le compte de la jeunesse et des aléas de l’apprentissage. Ça aussi, c’est Cissé. «Il ne faut pas que les garçons soient sous pression, affine-t-il. La pression, il faut la laisser aux coaches. On peut la prendre. On joue pour notre place. C’est nous qu’on va virer quand cela ne marche pas, il n’y a pas de problème, on va l’assumer. La presse va nous critiquer, mais les joueurs doivent être loin de ça.» Ses propos ne vous rappellent-ils pas un illustre entraîneur… Un impitoyable compétiteur qui s’est autoproclamé «The special one»…

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