Les Wolofs, dans leur époustouflante inventivité langagière, ont une métaphore savoureuse pour décrire une situation de pagaille, inspirée par le foutoir sans nom qui marque souvent la fin d’une séance de tam-tam : «Sabar bu tass… » En cassant hier son galan, cette baguette magique qu’il maniait avec une rare virtuosité, Doudou Ndiaye Coumba Rose a laissé orphelins ses mbeung-mbeung, xiin, cool et autres toungune, ces tams-tams avec lesquels il avait réussi à faire danser le monde entier. Et une foule de souvenirs de se bousculer dans notre mémoire : ce documentaire où on le voit à Gorée, sautillant et trépignant comme un possédé, avec son escouade de batteurs et de bateleurs, se surpassant au point de faire se trémousser un bambin de trois ans à peine… Souleymane Faye, autre légende de la musique lui rendant un émouvant hommage dans la chanson Diamono Twist… Son intro d’anthologie dans le morceau Kiniane du fabuleux groupe Xalam 2…Mais Doudou Ndiaye, c’est surtout le générique mythique de la Rts qui a bercé notre enfance, qui ouvrait le 20h de ce qui était alors la chaine unique du Sénégal. Quel sublime hommage à son immense talent cela eût été, si la vénérable institution du Triangle Sud avait eu l’idée de le remettre au gout du jour pour l’occasion. Doudou Ndiaye, pionnier de la parité, le premier à avoir enrôlé des femmes dans cet univers si macho, bien avant l’arrivée des femmes flics ou troufions…. Doudou Ndiaye, disciple inconditionnel de Serigne Babacar Sy mais, dans une incroyable leçon de tolérance qui fait le charme de notre pays, pilier du dialogue islamo-chrétien, composant avec Julien Jouga ce qui restera comme l’une des meilleurs productions musicales du Sénégal….Comme dans une sorte de mauvais gag, le fameux tambour-major a choisi de s’éclipser, juste après avoir enterré son complice Vieux Sing Faye, autre grand maitre du sabar. Une amitié légendaire unissait les deux compères inséparables qui, dans une sorte de gentlemen’s agreement, avaient opéré une subtile division du travail : pour respecter la pure tradition griotte de Dakar, le père du percussionniste de choc du Super étoile Mbaye Dièye Faye et des Sing Sing rythmes, Bacc Guewel officiel de la capitale avait, pour ainsi dire, le monopole exclusif sur le couronnement du Grand Serigne, des grands moments de lutte ou d’incantation à l’intention des génies protecteurs de l’univers lébou. Le génie de Doudou Ndiaye, à priori handicapé par le fait d’être gaucher, fut d’occuper tout le reste. C’est-à-dire avoir puissamment contribué, grâce au normal »>sabar un instrument à l’air si banal, à placer le Sénégal sur une mappemonde. Cet esprit audacieux, qui n’hésita pas à réinterpréter la Marseillaise à la sauce Mbalax, consacré « trésor vivant » par l’Unesco aura beaucoup contribué au rayonnement culturel de notre pays, à l’image d’un Youssou Ndour et son Mbalax, Baaba Maal et son normal »>Yela, Yandé Codou Sène et ses polyphonies sérères, venues de la nuit des temps, Soundjoulou Cissokho et sa Kora, Samba Diabaré Samb et son xalam ou les Touré Kunda, précurseurs de la World music… Dans sa générosité, l’on nous raconte qu’il fit d’un ordinaire chauffeur de taxi, nommé Abdou Baba Ly, une véritable vedette, en lui dédiant un air appelé normal »>«Yaba composé» qui était le clou des séances de sabar à Dakar! line-height:115% »> «La sonothèque a fermé les paupières mais le langage inépuisable des percussions a été transmis » .Voilà ce que Christiane Taubira, ministre française de la Justice, fière et authentique descendante d’esclave, qui a donc le rythme dans le sang, a écrit dans un tweet, pour saluer la mémoire du prodigieux fils de Coumba Rose.

Barka Ba Journaliste

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