Si l’Etat souhaite que tout le potentiel d’électeurs participe au référendum de 2016, il devra mettre les bouchées doubles pour faciliter le renouvellement des cartes nationales d’identité numérisées. Des millions d’entre elles ont été confectionnées en 2006 pour 10 ans et exigent d’être renouvelées. Pendant ce temps, les autorités annoncent des cartes à puce pour tous les Sénégalais, et ce projet tarde à être exécuté.
Le «probable» référendum de mai 2016 devra se faire avec des électeurs détenteurs de carte nationale d’identité (Cni) valide. Celles qui étaient confectionnées entre fin 2005 et 2006 sont en train de vivre leurs derniers mois. Elles concernaient 4 millions 917 mille 157 électeurs de l’élection présidentielle de février 2007, étant donné que la demande de la carte d’identité et l’inscription sur les listes électorales étaient simultanées.
Pour ce faire, le Président Abdoulaye Wade avait, entre autres actions, promulgué la loi n° 2005-28 du 6 septembre 2005 instituant «une carte nationale d’identité numérisée réalisée à partir de données biométriques» suivie d’une refonte du fichier électoral. Depuis l’annonce des cartes à puce, l’Assemblée nationale n’a pas encore statué sur un projet modifiant cette loi susmentionnée. L’actuel chef de l’Etat n’a pas non plus fait publier au Journal officiel un décret allant dans le sens de l’instauration des cartes à puce.
A l’avènement de la biométrie dans le fichier national d’identification, le processus n’inspirait point confiance aux opposants. En effet, le 6 février 2006, le Président Wade s’est rendu à la sous-préfecture de l’arrondissement des Almadies pour retirer sa carte d’identité nationale «biométrique» et sa carte d’électeur numérisée. Ce fut le tournant d’une grande opération controversée de confection et de retrait de ces documents qui concernaient plus de trois millions d’électeurs, en plus des citoyens en âge de voter et des non-inscrits lors des précédentes ouvertures des listes électorales.
Expiration des dix ans
Lors de l’examen du projet de loi de Wade par l’Assemblée nationale le 31 août 2005, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Me Ousmane Ngom, déclara que 5 millions 640 mille Sénégalais disposaient d’une Cni. Tous avaient jusqu’au 30 avril 2006 pour demander gratuitement une carte biométrique. Le délai avait été plusieurs fois prolongé. N’empêche que cette opération avait semé le doute sur la fiabilité du processus électoral devant mener au scrutin présidentiel de février 2007. Cela risque de se reproduire, car l’article 3 de cette loi précise que cette carte est valable pour une période de dix ans.
Aujourd’hui, l’obligation de renouveler concerne des millions de détenteurs de Cni, si ces derniers doivent participer au référendum à venir. A treize mois de ce rendez-vous électoral, aucune disposition de prise en charge de ces cartes n’est visible. Et ce n’est pas un genre de cadeau que les maisons de production spécialisées offrent à un Etat. En 2005, Me Ousmane Ngom avait fait savoir aux députés que le marché de fabrication de cartes d’identité numérisées devait coûter à l’Etat du Sénégal 13 milliards 800 millions de F Cfa.
Le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique veut tourner cette page. Devant les députés qui examinaient son budget de 2015, Abdoulaye Daouda Diallo a d’ailleurs annoncé la rupture du contrat portant sur un marché de 1,289 milliard de francs Cfa, qui lie l’Etat du Sénégal à la société anglaise De La Rue qui fabrique les cartes numérisées, à la fin du mois de décembre 2014. L’effet a été immédiat. La Direction de l’automatisation du fichier avait fait subir aux demandeurs une pénurie de Cni durant le premier trimestre de cette année.
Cartes d’électeur à puce
A la place, le ministre promet des cartes à puce. «L’idée de base du projet de création d’un système de cartes d’identité et d’électeur à puce est la possibilité d’intégrer d’autres éléments dans la carte à puce. C’est ainsi que nous avons reçu des propositions d’intégrer le permis de conduire, mais par prudence, nous allons d’abord commencer par les cartes d’identité et d’électeur et si tout se passe comme prévu, nous allons intégrer d’autres éléments», avait-il affirmé en session plénière. Ce qui signifie que toutes les cartes devaient être retirées de la circulation, du moins avant l’élection présidentielle de 2017. Le référendum prévu l’année prochaine risque de perturber le plan de confection de ces documents. La distribution dans les délais requis par le Code électoral sera compromise vu que le référendum aura lieu dans moins de 13 mois alors que les cartes à puce demeurent encore un projet sur papier.
Pour la Présidentielle de 2007, la distribution des nouvelles cartes avait démarré un an auparavant. Cela n’avait pas empêché à une certaine classe politique de décrier des étapes du processus électoral. Cette fois-ci encore, les services de Abdoulaye Daouda Diallo voulaient lancer un appel d’offres pour les cartes à puce. A défaut de reporter ce projet, la réalité du processus électoral devrait amener à choisir d’autres mécanismes de passation de marché, sous le prétexte de l’urgence. Pour l’année en cours, le budget d’investissement du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique est arrêté à 19 milliards 036 millions de F Cfa. Ce montant inclut des prévisions de dépenses autres que les nouvelles cartes.
Dans le plan de passation de marché publié par le ministère pour l’exercice 2015, quatre marchés (des Demandes de renseignement et de prix) relatifs aux cartes d’identité ont été programmés. Les attributions provisoires étaient prévues pour le 19 mars dernier sauf pour le marché portant sur la location de licence pour la production de Cni qui devrait emprunter la voie de l’«appel d’offres ouvert». Vaines ont été nos tentatives de vérifier le niveau d’avancement du projet de confection des cartes d’identité et d’électeur à puce auprès de la Direction de l’automatisation du fichier.
Seneweb