Le 4 février 2010, le gouvernement du Sénégal rendait public un arrêté général portant reconnaissance de l’ensemble des écoles coraniques du pays. Acte favorablement accueillie par de larges segments de la société sénégalaise, en ce qu’il se conformait surtout à la Constitution de notre pays – qui stipule en son article 22 alinéa 3 que «les institutions et les communautés religieuses et non religieuses sont également reconnues comme moyens d’éducation».
Un pas décisif venait d’être accompli dans le renforcement de la liberté de culte, qui venait ainsi de connaître une consécration avec la reconnaissance officielle des «Daaras», longtemps objets d’exclusion, qui exposait davantage de frêles enfants à de multiples périls. Cet arrêté était surtout sensé mettre un terme à la discrimination dont sont victimes les écoles coraniques, et les «talibés» (apprenants) qui les fréquentent, par rapport aux écoles privées catholiques et laïques qui, elles, bénéficient de subventions étatiques. Une des plus grandes des injustices que notre pays ait jamais connues, depuis l’aube de la colonisation, venait enfin d’être réparée.
L’Organisation islamique Jamra et l’Observatoire de Veille et de Défense des Valeurs Culturelles et Religieuses, Mbañ Gacce, tout en saluant l’initiative du gouvernement actuel d’avoir conçu un montage financier avec des institutions bancaires comme la Bid (Banque islamique de développement) pour financer ce «Projet de Réforme des Daaras», n’en regrettent pas moins l’absence de concertation avec les intéressés au premier chef, que sont les Maîtres coraniques. Regroupés dans des associations et fédérations, ils ruent présentement dans les médias se plaignant légitiment d’avoir été laissés en rade.
Le fait que le Ministère de l’Education nationale, maître d’œuvre de ce projet, ait effectué une tournée d’information auprès des chefs religieux de différentes confréries est certes louable mais insuffisant. Car, les véritables acteurs de l’Ecole Coranique ce sont ceux qui les gèrent au quotidien. Et qui, justement, se plaignent d’avoir été mis devant le fait accompli, avant d’être fortement soutenu dans leur fronde par le Khalife général des Mourides Serigne Sidy Makhtar Mbacké.
La méthode utilisée pour la mise en œuvre de ce projet de modernisation des «Daaras» rappelle de triste mémoire le «forcing» du projet de découpage administratif d’avril 2011 – que Jamra avait fustigé dans les médias -, et qui s’était dramatiquement soldé par une mort d’homme à la Communauté rurale de Sankalkam, dont les populations s’étaient révoltées pour n’avoir pas été impliquées dans cette réforme qu’on voulait leur imposer.
Puisqu’il n’est jamais trop tard pour bien faire, Jamra & l’Observatoire Mbañ Gacce proposent à l’Etat de consentir à accompagner ce projet par une large concertation, impliquant, dans le cadre d’un Séminaire nationale, tous les acteurs de la corporation et, au besoin, les organisations religieuses non-gouvernementales, dont la plupart gèrent depuis des décennies des «Daaras», où les «talibés» ne se livrent pas à la mendicité. Aucune concertation ne devrait être de trop pour contribuer à consolider ces foyers d’excellence, que sont ces institutions traditionnelles d’enseignement religieux, pour les sécuriser d’avantage contre toute intrusion inopportune, et préserver le droit de nos enfants à une éducation coranique saine.
Dakar, le 05 Janvier 2015
Imam Massamba Diop
Coordonateur national de
L’Observatoire « Mbañ Gacce »
Président exécutif de l’Organisation
Islamique Jamra – ongjamra@hotmail.com