Home International Présidentielle : ce qu’il faut retenir de l’interminable débat de TF1

Présidentielle : ce qu’il faut retenir de l’interminable débat de TF1

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François Fillon, Benoît Hamon, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron se sont affrontés pour la première fois lundi soir, lors d’un débat long et parfois brouillon.

De la sécurité aux retraites, de l’immigration à la moralisation de la vie publique, du travail à la laïcité, les cinq principaux candidats à l’élection présidentielle – François Fillon, Benoît Hamon, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron – ont ferraillé pour la toute première lundi soir 20 mars, à moins de 40 jours du premier tour. Que faut-il retenir de ce (très) long débat de plus de trois heures, diffusé par TF1, et présenté par les journalistes Gilles Bouleau et Anne-Claire Coudray ? Sur quels sujets les cinq prétendants se sont-ils distingués ?

# TF1 et l’organisation du débat critiquées

Quel président serez-vous ? C’est la première question qui a été posée aux cinq candidats, lundi soir. Avant même de présenter leur projet, trois d’entre eux ont commencé par prendre pour cible le choix de TF1 de limiter ce débat à cinq candidats. A commencer par François Fillon, le premier à prendre la parole :

« On est 11 candidats à l’élection présidentielle. Il y en a 5 ici. C’est un problème démocratique. Avec cette règle-là, je n’aurais pas pu participer à la primaire de la droite et du centre », a-t-il expliqué.

Il fut aussitôt imité par Emmanuel Macron puis Marine Le Pen. Critiquer TF1, et les journalistes, un passage obligé pour occuper le créneau (très porteur) de l’anti-système ?

Sécurité, immigration : les discours anxiogènes de Le Pen et Fillon

En matière de sécurité et d’immigration, Marine Le Pen et François Fillon ont un point commun : un discours anxiogène, où l’accent est clairement mis sur les nombreuses menaces qui nous entourent, et le prétendu laxisme des autorités. Sur le plan des propositions, en revanche, les deux candidats plaident pour des choix différents. « Notre police a besoin d’être réarmée en effectif et en matériel, mais aussi psychologiquement », a expliqué la candidate frontiste. « Ce sont des promesses qui ne seront pas tenues ou qui conduiront à la faillite », a enchaîné le candidat de la droite, s’opposant au « toujours plus d’effectifs », et endossant sans surprise les habits de « père la rigueur ».

A gauche, le ton fut évidement bien différent. Benoît Hamon a mis l’accent sur la police de proximité et la nécessaire amélioration entre police et population par la mise en place de récépissés lors des contrôles d’identité. Interrogé sur l’abaissement de la majorité pénale à 16 ans, que promettent Fillon et Le Pen, le socialiste s’y est opposé, adressant même une première pique à Marine Le Pen, candidate « droguée aux pages faits-divers ». Sur ces questions, les points de convergence entre le socialiste et Jean-Luc Mélenchon furent très nombreux.

Laïcité et burkini : Macron  hausse le ton face à Le Pen

Sur les questions de sécurité, d’immigration et de laïcité, Emmanuel Macron est longtemps resté en retrait, avec une ligne relativement floue, comme s’il peinait à se positionner clairement entre droite et gauche sur ces sujets. Jusqu’à ce que Marine Le Pen s’en prenne à lui.

« Vous ne voulez pas voir la réalité de la gravité de ce qui se passe dans notre pays, mais il n’en demeure pas moins qu’il y a quelques années, il n’y avait pas de burkini sur les plages, je sais que vous êtes pour Monsieur Macron », a-t-elle attaqué, au détour d’une prise de parole. Emmanuel Macron a immédiatement réagi, et haussé le ton. « Non, s’il vous plaît, Mme Le Pen, vous serez gentille, je ne vous fais pas parler, je n’ai pas besoin d’un ventriloque ! », s’est énervé le candidat de En Marche !, en montant dans les tours. Et d’enchaîner :

« Vous mentez aux Français en déformant la vérité Madame Le Pen ! »

Jean-Luc Mélenchon s’est alors immiscé dans le débat, en lâchant à l’adresse de la candidate frontiste :

« Vous ne pouvez pas établir une police des vêtements dans la rue. Vous avez aussi l’intention d’interdire les gens aux cheveux verts ou aux jupes trop courtes ou trop longues ? »

# Lobbies, argent : Hamon titille Macron

Hamon-Macron. C’était l’un des duels à suivre, au cours de ce débat. C’est sur la question de la place des lobbies que les deux hommes ont eu des échanges plutôt vifs, lundi soir. Obligé grignoter dans l’électorat de Macron, le socialiste s’est engagé à se montrer intransigeant sur influence des lobbies et de l’argent. Et de questionner le candidat En Marche ! :

« Pouvez-vous prendre l’engagement ici, parmi ces personnes qui ont fait des dons, n’y a-t-il pas plusieurs cadres de l’industrie pharmaceutique, de l’industrie chimique ?

.@benoithamon @EmmanuelMacron : « N’êtes-vous pas financé par de grands patrons de l’industrie pharmaceutique ? »

« Ça n’a aucun sens », a démenti Emmanuel Macron. « L’identité des donateurs est protégée par la loi, je ne fais pas un contrôle d’identité. Je fais l’engagement de n’être tenu par personne ». S’il s’est défendu, Emmanuel Macron a néanmoins paru, par moments, un peu fébrile sur ce thème.

# Affaires : un sujet qui n’a presque pas été abordé

Comment moraliser la vie publique ? Cette question fut posée en milieu d’émission à chacun des candidats. La réponse de François Fillon était évidemment très attendue. Le candidat, mis en examen la semaine passée dans l’affaire des emplois présumés fictifs de son épouse, s’est contenté de répondre très brièvement en promettant la création d’une commission pour la transparence pour éviter tout conflit d’intérêt. A noter : aucun de ses rivaux ne l’a relancé ni attaqué sur cette question. De la même façon, aucun des deux journalistes – ni aucun des candidats – n’a mis en avant les démêlés judiciaires de Marine Le Pen et du Front national…

Attaqué, Emmanuel Macron a, lui, eu l’impression de l’être un peu trop souvent. « Ca c’est pour moi » : à plusieurs reprises dans la soirée, Emmanuel Macron a prononcé cette phrase, dès qu’il se sentait visé par les critiques proférés par ses adversaires, en particulier celles de Marine Le Pen.

# Economie : un débat brouillon sur le travail

Le ton est nettement monté sur la question du chômage et du temps de travail, entre François Fillon, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon. Favorable à ce qu’il n’y ait pas « de base légale pour le temps de travail », l’ancien Premier ministre s’est heurté à la vive opposition des deux candidats de gauche.

« C’est incroyable la société que prépare François Fillon ! Vous avez été Premier ministre pendant 5 ans, vous avez échoué lamentablement, vous avez été Premier ministre, vous nous proposez d’augmenter le temps de travail, c’est-à-dire d’inciter les chefs d’entreprise à allonger la durée du travail en payant moins leur salariés pour ne pas créer d’emploi. C’est un retour en arrière catastrophique », a attaqué Hamon.

Et le socialiste de lancer cette punchline :

« Vous êtes très fort en soustraction, un peu moins en addition, sauf quand il s’agit de votre propre argent. »

Un débat brouillon à l’égard duquel Marine Le Pen est astucieusement restée à l’écart avant que les journalistes finissent par lui donner la parole. Une aubaine afin d’afficher ses différences avec les quatre autres candidats qui venaient de s’écharper. Et la frontiste de qualifier Fillon et Macron d' »ultra-libéraux », de promettre la défense de l’emploi français, et de s’en prendre à l’Europe. Et donc de donner l’illusion d’être la candidate du social. A ce sujet, elle fut toutefois tancée par… François Fillon :

« Le vrai serial Killer du pouvoir d’achat, c’est Mme Le Pen avec la sortie de l’euro », a accusé le candidat de la droite, avant de comparer un peu plus tard le programme frontiste à celui du PS en 1981.

Ce débat sur l’économie a par ailleurs permis de dégager un premier point de désaccords entre Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon (ils furent rares lundi soir), à savoir sur le revenu universel, l’idée-phare du socialiste. Le leader de la France insoumise s’y est dit défavorable, tout en saluant quand même une « idée brillante »…

# Russie : l’autre désaccord Hamon-Mélenchon

Quelle place pour la France dans le monde ? Il a fallu attendre 23h45 pour que cette question cruciale soit enfin abordée. La dernière partie de ce débat, consacrée aux questions internationales, s’est toutefois révélée bien plus courte que les autres, en raison du retard conséquent pris par l’émission.

Il a évidemment été question du rapport de la France avec la Russie. C’est d’ailleurs sur ce point que Benoît Hamon a tenté de se distinguer de Jean-Luc Mélenchon, avec qui il est annoncé au coude-à-coude dans plusieurs sondages. Offensif, Hamon a interrogé Mélenchon sur les frontières de l’Europe, et notamment le sort de la Crimée, comme pour mieux mettre en avant les ambiguïtés de son ancien camarade, moins flamboyant sur ces sujets. « C’est là que nous avons un désaccord », a même fini par trancher le socialiste.

De son côté, François Fillon s’est évertué à renvoyer à plusieurs reprises à Marine Le Pen à son « irréalisme » concernant la politique de défense, comme il l’avait fait un peu plutôt sur l’économie et l’euro. La frontiste a elle ciblé Emmanuel Macron, comme à de nombreuses reprises lundi soir.

« Emmanuel Macron a un talent fou : il a parlé sept minutes sans avoir rien dit. J’attire l’attention des Français : un petit peu de ceci, un petit peu de cela… je trouve cela très inquiétant. »

Réplique immédiate de l’ex-ministre de l’Economie :

« Contrairement à vous, je ne veux pas pactiser avec Poutine, je veux une politique française forte mais responsable. Contrairement à vous, une France forte mais dans l’Europe ! »

# Terrorisme : la surenchère de Marine Le Pen

Comme au tout début du débat, sur les thèmes de la sécurité et de l’immigration, François Fillon et Marine Le Pen ont utilisé – sans surprise – des mots très offensifs sur la lutte contre le terrorisme en toute fin d’émission. Et la candidate du FN d’égrainer ses nombreuses propositions en la matière : retrouver la maîtrise de nos frontières, interdiction des organisations islamistes, expulsion des étrangers islamistes « fichés S », fermeture des mosquées salafistes, déchéance de nationalité pour ceux qui sont convaincus de fondamentalisme (défendue aussi par François Fillon). Des mesures loin d’être toutes applicables ou réalistes…

S.B.

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