La campagne électorale débutée le 5 février au Sénégal prend fin vendredi 24 février à minuit. Depuis trois semaines, les quatorze candidats à la présidentielle sénégalaise occupent le terrain selon des stratégies bien différentes. Revue de détail.

Macky Sall et Abdoulaye Wade : une campagne à cent à l’heure

Le 4 février, Macky Sall faisait partie des huit candidats qui affirmaient le plus solennellement du monde qu’ils feraient campagne commune contre la candidature controversée d’Abdoulaye Wade. Trois jours plus tard, l’ancien dauphin du président sortant rompait le pacte et menait sa propre campagne en solo. Une rupture vécue comme une trahison par les autres candidats. Depuis, Macky Sall s’est livré à un périple à travers l’ensemble des 45 départements du Sénégal.

Fort de l’expérience de la campagne victorieuse de 2007 (il était alors le directeur de campagne de Wade), Sall a tracé sa route sur celle de son ex-mentor. Il a visité Touba (la ville sainte des mourides), la Casamance, Saint-Louis… S’est arrêté dans les plus petits villages, dans lesquels ses discours ne duraient pas plus de dix minutes. A tenu des meetings à trois heures du matin. Et a pris soin, comme Wade, de multiplier les visites aux chefs religieux et coutumiers.

Un de ses proches ne s’en cache pas : « Nous avons calqué notre campagne sur celle de Wade en 2007. L’idée était de traverser le plus de villages pour toucher le plus de monde ». Ce n’est pas un hasard si sa caravane, à plusieurs reprises, a croisé celle de Wade. Le président sortant, lui, a fait taire les critiques. Ses opposants le disaient fatigués, incapable, à près de 86 ans, de mener une campagne agressive. Ils ont vite déchanté. Dès le premier jour de la campagne, quand ses adversaires ne réunissaient pas plus de 1 000 partisans à Dakar, « Gorgui » prenait un bain de foule à Mbacké, au centre du pays.

Mais certains de ses meetings n’ont pas attiré les foules. D’autres ont carrément fait un bide. « On est loin de l’engouement de 2007 », analyse un journaliste qui a suivi ses deux campagnes. Mais le bilan, au final, est « satisfaisant », estime l’entourage du président sortant : selon l’un de ses porte-paroles, Serigne Mbacké Ndiaye, Wade a tenu 43 meetings et 62 « marches bleues » (des caravanes qui consistent à s’arrêter dans les villages et à rendre visite aux chefs traditionnels) en vingt jours.

Tanor, Dieng et Niasse : du retard à l’allumage

Après bien des hésitations, le leader du Parti socialiste et le candidat de la coalition Benno Siggil Senegaal ont eux aussi pris le chemin de la brousse. S’ils ont consacré la première semaine de la campagne à la lutte contre la candidature de Wade, circonscrite à la capitale, ils se sont vite rendus compte que cela ne les mènerait à rien. Et ils ont imité Macky Sall, en soutenant de loin les manifestations du M23 (Mouvement du 23 juin) et en menant leur propre campagne. Durant les deux dernières semaines, Ousmane Tanor Dieng et Moustapha Niasse ont parcouru le pays au pas de charge. « On a perdu une semaine », se désole un collaborateur de Tanor.

Seck, Dièye et Fall : à Dakar et nulle part ailleurs

L’ancien Premier ministre de Wade, Idrissa Seck, le député maire de Saint-Louis, Cheikh Bamba Dièye, et l’ancien ministre socialiste, Ibrahima Fall, ont opté pour une stratégie diamétralement opposée. Pour eux, très peu de meetings en brousse, pas même (ou très peu) de caravane dans la capitale. Les « trois candidats de la place de l’Indépendance », comme les nomme avec ironie le ministre des Affaires étrangères, Madické Niang, ont fait de la lutte contre la candidature de Wade leur unique objectif. Durant les deux dernières semaines de la campagne, ils se sont échinés – en vain- à investir la place de l’Indépendance, devenue le symbole du combat contre le sortant.

Fidèles à la déclaration du 4 février, régulièrement malmenés par les forces de l’ordre, ils ont gagné en sympathie auprès de la jeunesse radicale. Fall et Dièye sont même devenus des héros sur les réseaux sociaux. Mais cette reconnaissance n’a pas dépassé les frontières de la capitale, et risque de peser lourd à l’heure du décompte des suffrages.

Pendant ce temps, les sept autres candidats ont parcouru le pays avec les moyens du bord, et sans faire grand bruit.

 

Rémi Carayol,envoyé spécial à Dakar

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