Les actions prioritaires de son mandat articulées autour de cinq projets phare visent la « renaissance économique de Kaolack ». Mais loin de s’enfermer dans un carcan régionaliste, Serigne Mboup est en train de mettre en place les outils de mise en œuvre du pôle Sine-Saloum.
Friand de bonnes affaires ? Naturellement ! Vérité de La Palice. Lui-même le déclare dans une interview accordée à Jeune Afrique Magazine : Serigne a été « préparé » aux affaires par feu son père Bara Mboup qui fut un grand opérateur économique. D’ailleurs, à l’oral, le patron du groupe CCBM (comptoir commercial du nom de son pater) affiche un tic : il s’humecte les lèvres.
Dans un édito sur le site web de la chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Kaolack (CCIAK) aux résonnances d’une profession de foi, il signe : « En acceptant de nous engager à Kaolack, nous voulons que les défis du développement économique soient relevés par le secteur privé ».
Le président de l’union des chambres de commerce, d’industrie et d’agriculture du Sénégal plaide pour le secteur privé national. Justement, dans l’interview rappelée supra, il soutient que le secteur privé (local) doit être protégé, aidé et promu « sans complexe » par l’Etat. Il récidivait au forum économique de Kaolack. S’adressant cette fois au président de la République, Serigne Mboup attirait son attention sur le fait que « nos entreprises sont confrontées à une forte concurrence de puissantes entreprises étrangères qui bénéficient du soutien de leurs Etats ».
Le Président Macky Sall n’a pas eu l’oreille sourde au plaidoyer de Serigne Mboup. C’est le moins qu’on puisse dire. Il n’a eu non plus les mains stériles pour satisfaire la demande de l’homme d’affaires saloum-saloum, puisque le Groupe CCBM signait plus tard, à travers sa filiale Saloum Investissement et Développement (SID), un contrat de construction-exploitation-transfert (CET ou BOT pour build, operate and transfer en anglais) pour la matérialisation du projet « Cœur de Ville » à Kaolack.
En assumant ainsi sa responsabilité historique pour la « renaissance économique » de Kaolack, l’homonyme de Serigne Mbacké Madina, fils aîné du premier Khalif général des mourides, montre qu’en matière de PPP, « les Sénégalais et les Africains ont un bel exemple dans le cas du partenariat entre l’Etat colonial et la communauté mouride du Sénégal. Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké (1927 – 1945) a négocié en main de maître et assuré le suivi du gigantesque projet de la construction du tronçon de chemin de fer Diourbel-Touba qui a duré de 1929 à 1931 ».
Quatorzième président de la CCIAK, il a imaginé « cinq projets prioritaires qui, une fois concrétisés, développeront de façon exponentielle la compétitivité de l’ancienne capitale du bassin arachidier ». Il s’agit d’un programme de réhabilitation du port commercial de Kaolack et de la redynamisation de son activité ; de l’implantation d’un port sec sur un domaine de 10 hectares dans la commune de Mbadakhoune ; de l’amélioration des capacités de l’aérodrome de Kaolack ; de l’édification de « Cœur de Ville » et de la redynamisation des zones industrielles situées à Koundam et Kahone.
Mamadou (nom emprunté) est un jeune conducteur de taxi. Il est rentré de son « exil » de Thiès, ville qui se distingue par la variété de l’offre de transports, parce qu’il n’a pas pu s’y épanouir, professionnellement. La cité du rail constituait pour lui un « ailleurs meilleur ». Le rêve se reconstruit alors à Kaolack, sa ville natale. « Malgré la concurrence avec les motos Jakarta et les minibus TATA, les chauffeurs de taxi s’en sortent bien », nous confie-t-il sur la route de l’hôtel Adjana où se tenait le forum des maires sur le pôle Sine-Saloum, du 19 au 21 février 2016.
« Ici, ça roule ; les taximen se font de l’argent ! », affirme-t-il. La cohabitation sur la route avec les autres modes de transport (calèches, motos taxis, minibus) ne rend pas les choses difficiles parce que « les Kaolackois étaient déjà habitués aux deux-roues pour ne citer que ce service de transport ».
« Ça commence à bouger par ici, regardez le projet Cœur de Ville, le port de Kaolack », ajoute notre « guide ».
La parenthèse du transport urbain fermée, Mamadou embraye sur un autre sujet : le transport de… marchandises sur le fleuve Saloum et l’océan atlantique.
Le dragage du fleuve est un enjeu important sur le projet de réhabilitation du port commercial de Kaolack. Il permettrait une meilleure navigabilité des bateaux. Mais en attendant sa réalisation, l’on croit trouver la solution : tous les mois, un cortège de petits bateaux débarquent à Kaolack, prennent du sel et repartent sur le port de Dakar où ils se déchargent sur un gros navire destiné à l’exportation, confie El Hadj Cheikh Ndao, adjoint au maire de Kaolack. Le même procédé est utilisé apparemment pour acheminer de l’arachide et du rakkal (1) pour le bétail de pays comme la Mauritanie voisine du Sénégal.
A travers le projet du port sec, la CCIAK s’inscrivait déjà dans le processus de construction du pôle Sine-Saloum. L’infrastructure portuaire sera reliée par voie ferroviaire au port autonome de Dakar et fera de Kaolack un important centre logistique. « Ce projet permettra de désengorger le port de Dakar et de desservir la sous-région tout en diminuant le trafic des camions de marchandises sur l’axe Dakar-Mbour-Fatick-Kaolack », mentionne le plan stratégique sur cinq ans de la chambre de commerce. Une telle vision renforce l’idée selon laquelle le pôle Sine-Saloum, par sa position géographique, est un outil d’intégration nationale et internationale.
Le projet de port sec n’est jusqu’à présent pas lancé. Les populations de Mbadakhoune s’interrogent. Le maire de cette nouvelle commune qui va abriter un des projets les plus ambitieux du Plan Sénégal émergent (PSE), soutient : « On a attribué des terres, mais on n’a pas de feedback de la part de Serigne Mboup ». Même s’il dit comprendre que, à un moment donné, l’opérateur était confronté à un problème de tutelle pour ce projet structurant. Dans la foulée, Jean-Marie Silmang Senghor parle de l’université du Sine-Saloum prévue sur son périmètre communal. Même si les travaux tardent à démarrer, « Monsieur le maire » semble réconforté par sa présence au sein du comité de suivi pour la réalisation de l’université El Hadj Ibrahima Niasse.
En plus de bénéficier de l’accompagnement médiatique de sites web comme Kaolackois.com et Sinesaloum.info, le magnat du Saloum pourrait s’appuyer sur un médium puissant, la télé, pour la visibilité et la vulgarisation de ses projets. Serigne Mboup est en effet le promoteur de la TVS (Télévision du Saloum) dont la vocation est de « susciter plus de dynamisme dans l’activité économique ». Situé dans l’enceinte de « Cœur de Ville », la télé de la région pousse les limites de l’entité administrative pour atteindre d’autres cibles jusque dans les régions de Fatick et Kaffrine. Et même au-delà : la TVS est suivie à Gossas, Keur Madiabel, Fatick, Thiadiaye et une partie de la Gambie. Elle ne serait pas « une télévision de divertissement », mais plutôt un médium d’éducation, de sensibilisation et d’éveil des consciences.
Le 1er janvier 2016, le « père noël » est à Ndangane. Plus de 2000 enfants rassemblés sur l’esplanade de « Cœur de ville » attendent leur cadeau. En chœur avec son épouse Yaye Fatou (maire de la commune de Ngathie Naoudé et mère Teresa le temps d’un après-midi au Saloum), Monsieur le 14ème Président de la CCIAK semble infléchir son action à la raison de l’inter-commu-na-li-té ! Mais uniquement pour rendre heureux « leurs » enfants.
- Rakkal : aliment en granulé pour le bétail
Magazine Gouvernance Territoriale du ministère de la Gouvernance locale, du Développement et de l’Aménagement du Territoire