Par la voie de l’Agence nationale de l’Aménagement du Territoire (ANAT), le gouvernement du Sénégal a depuis quelques mois jeté les bases de travaux destinés à mettre en place le Plan national d’Aménagement et de Développement territorial (PNADT). A quoi servira ce plan ? La question est assez pertinente dans un contexte où, depuis plus de quatre (4) ans que Macky Sall a succédé à Abdoulaye Wade au pouvoir, le Sénégal semble un chantier à ciel ouvert où réformes et plans – Acte III de la décentralisation, PUDC, PSE, PUMA, etc. – sont concoctés et exécutés pour mettre le Sénégal sur le sillon du développement. Au regard de la vision qui le sous-tend mais aussi des finalités qu’il s’est fixées, le PNADT aussi, en tant que réceptacle spatial de ces projets et programmes, parait un plan bien susceptible de propulser définitivement l’émergence nationale.

Déjà, sa conception est bâtie sur une démarche inclusive qui prévoit la mobilisation de toutes les franges de la société sénégalaise. Acteurs étatiques comme du milieu privé des différents secteurs d’activités, universitaires ainsi que membres de la société civile y sont tous conviés et impliqués.

Bien que peu connu, le PNADT se démarque aussi littéralement de tous les autres projets de l’État par les missions qu’il s’est assignées. Entres autres objectifs, il prévoit de réduire sensiblement les inégalités territoriales qui se traduisent par un accès inégal des Sénégalais aux services sociaux de base tels l’alimentation en eau potable et en électricité, l’accès à des services de santé et d’éducation commodes, le désenclavement. Cette épineuse question des disparités territoriales lui tient à cœur. Tant il sait combien la persistance de l’occupation inégale de la géographie nationale affecte la cohérence territoriale, étouffe l’économie du Sénégal ou même porte préjudice à l’efficacité de sa gouvernance. Par exemple, avec seulement une superficie de 0,3% du territoire national, Dakar à lui seul concentre près de 50% de la population urbaine du Sénégal et plus du ¼ de la population totale au moment où la région de Tambacounda, avec 22% du territoire national, n’enregistre à peine que 5 % de la population totale. C’est pour corriger les dysfonctionnements que ces disparités engendrent que le PNADT a pris l’option de trouver les moyens d’inverser la tendance, d’équilibrer les concentrations humaines sur l’étendue du territoire sénégalais.

Pour venir à bout de l’éternel problème de l’enclavement de certaines régions comme la Casamance et le Sénégal oriental, le PNADT prévoit aussi le maillage du Sénégal par des infrastructures structurantes pertinentes. Il est prouvé qu’au Sénégal les régions situées le long du littoral ouest, notamment Dakar, Thiès, Saint-Louis, Diourbel et Louga sont de loin mieux loties en infrastructures sociales de base que celles de l’intérieur. Il en est de même pour les indicateurs de la qualité de vie comme le revenu, l’incidence de la pauvreté, la mortalité infantile, etc. L’enclavement, tout le monde le sait, mine le développement des zones qu’il affecte, empêche la valorisation de leurs richesses, rend pénible leur gouvernance ainsi que la gestion de leur sécurité. Pour le cas spécifique de la Casamance, n’eût été la difficulté d’accès à cette région, bon nombre de malades n’auraient pas péri, faute de ne pouvoir pas être évacués vers les hôpitaux de la capitale ; aussi des milliers de tonnes de mangues, d’anacardes, d’oranges et d’autres fruits ne pourriraient pas annuellement sous les arbres faute de ne pouvoir pas être acheminés vers les autres localités du pays où ils sont en grand manque. Mis à part ce gâchis humain et fruitier auquel l’enclavement confronte la riche région du sud du Sénégal, plusieurs travaux scientifiques voient en ce fléau l’élément majeur qui a favorisé l’éclatement de la crise casamançaise et qui ne facilite pas sa résolution. C’est dire qu’il existe un lien assez étroit entre l’enclavement de la Casamance et l’insécurité qui y a perduré au point d’y avoir plusieurs fois sapé les nombreux efforts fournis en vue d’y instaurer la paix.

Le PNADT veut enfin mettre en valeur les ressources naturelles et les potentialités de nos territoires dont la faible valorisation a jusqu’ici tiré notre économie vers le bas. La résolution de cette question est fondamentale pour l’émergence du Sénégal surtout quand on apprend avec le PSE que 60% de la population sénégalaise dépendent des secteurs en rapport avec les ressources naturelles – agriculture, foresterie, pêche, etc. Valoriser ces richesses du Sénégal signifie pour le PNADT procéder d’abord à l’identification des ressources et potentialités de chaque territoire. Ensuite, seront mises en place des infrastructures structurantes qui aideront à promouvoir efficacement ces ressources. Il est prévu dans cette mesure la création dans chaque territoire d’un établissement qui formera la main-d’œuvre ainsi que les cadres en charge de la valorisation des ressources locales. Des voies de communication seront aussi renforcées ou créées afin de faciliter la circulation des produits. Il sera en outre procédé à l’identification de zones franches, de parcs industriels et artisanaux et autres afin de faciliter l’accès au foncier puis alléger les charges fiscales. Ces mesures permettront d’attirer des entreprises nationales ou multinationales vers ces territoires.

La valorisation des ressources de chaque territoire va générer des emplois et accroitre son attractivité. Au Sénégal, le problème principal du développement est le défaut d’attractivité des régions situées à l’intérieur du pays. Parmi les quatorze (14) régions, quatre (4) seulement ont un solde migratoire positif. Les dix (10) autres ont un solde migratoire négatif et constituent donc des régions répulsives. Parmi les quatre (4) régions à solde migratoire positif, Dakar se détache avec un solde supérieur à 200 000. Les trois (3) autres régions ont un solde certes positif, mais très faible. Il s’agit des régions transfrontalières : Tambacounda, Sédhiou et Kaffrine. Plus qu’une attractivité à l’échelle du territoire nationale, ces régions semblent constituer plutôt des zones de passage de migrants venus des pays de la sous-région tels le Mali, la Gambie, la Guinée Bissau, la République de Guinée. Le développement de l’économie de chaque zone aboutira à la naissance des pôles territoires qui constitueront les leviers de l’économie nationale.

Ainsi, la merveilleuse vision du PNADT consiste-t-elle à assurer le développement du Sénégal à partir de ses territoires à l’horizon 2035 par la valorisation durable de ses ressources et potentialités ainsi que la mise en place d’infrastructures structurantes. Loin d’être un plan de plus, le PNADT vise à corriger et renforcer les politiques publiques mises en place par le gouvernement de Macky Sall pour qu’enfin sorte définitivement de terre la fameuse « émergence ».

Abdourahmane Mbade SENE
Professeur Planification territoriale et environnementale
Université Assane Seck de Ziguinchor

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