Dakaractu – Suite à l’article publié le vendredi 31 Mai 2013 intitulé « Parfum de scandale autour d’un Contrat de trois milliards signé par Aly N’gouille N’diaye », notre rédaction a reçu un communiqué sous forme de mise au point de la part du Ministère en charge de l’énergie. Nous voudrions répondre aux interpellations de ce communiqué et expliciter les arguments développés dans notre article.
1. Dans son communiqué, le Ministère de l’Energie soutient qu’il s’agit ici : « d’un programme financé par un crédit acheteur dont les règles de fonctionnement sont les suivantes : le banquier du pays exportateur octroie le crédit en faveur de l’importateur en vue de payer directement sur place le fournisseur de matériel qui est établi dans le même pays que le banquier au fur et à mesure qu’il exécute les prestations. Préalablement au paiement, les factures sont validées par le client. Cette règle est facilement vérifiable auprès de la profession bancaire.»
Réponse : Le Ministère ne nous apprend rien de nouveau ici. Ce type de financement appelé « financement lié », est très connu car il permet l’exportation de biens et services d’un pays prêteur avec un taux minimum à respecter de ces biens et services pouvant aller de 50 à 100 % du montant total du contrat d’achat. Toutefois, il ne soustrait pas automatiquement le fournisseur à un processus de sélection entre entreprises du même pays ou dans ce cas précis, entre entreprises de pays membres de l’OCDE, puisque l’Autriche à travers l’OeKB en fait partie. Cela aurait permis un contrôle du prix des équipements contenus dans le Contrat signé par Mr Aly N'gouille N'diaye, qui selon plusieurs spécialistes du secteur, est deux à trois fois supérieurs à ceux pratiqués sur le marché actuel.
2. Le communiqué ajoute : « le processus commence donc par la signature d’une convention de financement par le Ministère de l’Economie et des Finances ce qui a été fait. Dans son annexe 2 cette convention précise l’identité de l’exportateur chargé de fournir le matériel. Dans un tel cas, les dispositions du Code des Marchés Publics en particulier le recours à l’appel d’offres ne s’applique pas. C’est seulement après la réalisation de ces deux préalables que le Ministère de l’Energie et des Mines, commanditaire des travaux, est intervenu pour signer le contrat d’approvisionnement…. »
Réponse : Le Ministère de l’Energie ne dit pas la vérité ici. En effet, la Convention de Crédit à l’exportation dont nous publions copie, signée entre le Ministre des Finances sénégalais et la Banque Autrichienne Unicredit bank Austria AG est datée du 28 Mars 2013. Or, le Contrat d’approvisionnement signé par Monsieur Aly N'gouille N'diaye et la société autrichienne Elektro Merl Ges.m.b.H., est daté du 27 Mars 2013. Cela pose un sérieux problème de régularité et de légalité du Contrat, car il est signé antérieurement à la Convention de crédit. Il n’est également dit nulle part dans cette convention de Crédit que seule la société Elektro Merl Ges. M.b.H. doit être sélectionnée pour exécuter ces prestations. Le fait de rajouter le nom du fournisseur à l’annexe 2 n’est pas une condition d’exécution de la convention, une autre société aurait pu y figurer. L’accord stipule d’ailleurs en son article 2.4 la notion d’indépendance entre la Convention et le Contrat d’achat : « Cette convention et le Contrat d’achat sont des accords distincts et indépendants ». Par ailleurs, on ne peut pas ne pas s’étonner que pour un contrat de travaux, aucune forme de garantie, de caution d’exécution ou d’avance ne soit requise du fournisseur et que pratiquement 80% du contrat lui soit payé avant qu’un seul équipement ne foule le sol sénégalais. C’est inadmissible et déséquilibré par rapport aux intérêts de l’état du Sénégal.
3. Le communiqué poursuit : « c’est le deuxième programme, après celui réalisé par la même entreprise dans l’arrondissement de FIMELA qui concernait huit (08) villages, que notre Gouvernement a trouvé sur place…. Le coût global du premier programme s’établit à 3138790 Euros soit 392348,75 par village alors que grâce à l’implication de l’ASER dans le deuxième programme, ce coût s’élève à 4988650 Euros pour 19 villages soit 262564,2 Euros par village y compris la formation et le montage du matériel sous le contrôle de l’ASER…. L’économie ainsi réalisé est de 129784 Euros par village soit 33% ».
Réponse : Si le travail d’évaluation adéquat avait été effectué par l’actuel Ministre de l’Energie, il se serait rendu compte avant de signer cet accord, que le premier programme auquel il fait allusion est également un scandale. Il avait été réalisé sous l’autorité de l’ancien Ministre des énergies Renouvelables, Mr Louis Seck et avait fait l’objet de plusieurs critiques de spécialistes, car ni l’ASER, ni la SENELEC n’avait été associée à sa préparation. Les équipements ne sont pas adaptés aux besoins des populations locales, car comme pour ce nouveau programme, aucune étude sérieuse des sites concernant la taille et les populations des villages n’a pas été réalisée au préalable. Les prix appliqués alors, comme l’évoque la mise au point du Ministère étaient tout simplement scandaleux et ils sont toujours choquants avec ce nouveau programme signé par Mr Aly N'gouille N'diaye. En effet, il est de notoriété publique que le prix des équipements solaires a connu une baisse importante depuis 3 ans et l’on est surpris par l’argument du Ministre qui se compare bien volontiers au gouvernement précédent qu’il a pourtant tellement décrié. Les conteneurs photovoltaïques composés chacun de 54 panneaux de 250 WC tel qu’indiqué à l’annexe 2 de la Convention de crédit ne dépassent pas 14 KWC de puissance pour un montant unitaire élevé de 219 150 Euros par rapport aux prix de marché actuel. Pire, comme nous l’indiquions dans notre article du vendredi dernier, le prix unitaire des lampadaires (Panneau de 130 watts) fixé à 4990 Euros pièce est ahurissant selon plusieurs spécialistes du secteur y inclus des techniciens de l’ASER et de la SENELEC.
C’est en fonction de tous ces éléments que nous préconisions donc le recours à un appel d’offres et avions décrié les conditions de ce contrat. La rédaction de DAKARACTU est uniquement motivée par un souci d’informer le peuple sénégalais en toute objectivité. Notre respect pour nos élus demeure intact, mais ne saurait remettre en question notre volonté inébranlable d’éclairer les sénégalais sans verser dans la calomnie ou le mensonge. Un proverbe africain nous a bien appris qu'«on ne coupe pas un arbre pour en cueillir les fruits.» Cette phrase devrait être ainsi méditée par un grand nombre de nos élus et dirigeants, car on ne peut pas continuer à dilapider nos maigres ressources sous prétexte que des travaux doivent être réalisés en urgence.
La vraie compétence doit conciler la mise en place de nouvelles infrastructures avec une transparence permettant de les réaliser à des coûts acceptables, Monsieur le Ministre de l’Energie! Votre prédécesseur pourrait d’ailleurs vous donner quelques conseils à ce propos et notre rédaction est disposée à apporter d’autres éclaircissements sur «ce parfum de scandale »… CQFD
MISE AU POINT du Ministère de l'Energie et des Mines