Dakaractu – Que cache l’incroyable déséquilibre noté dans le contrat liant la Société Autrichienne Elektro-Merl Ges.m.b.H à l’Etat du Sénégal?
Après l’annonce à grands renforts de la signature d’un accord révolutionnaire avec la société Green Energy, (accord qui semble bien loin d’être mis en œuvre), voilà que le Ministre des Mines et de l’Energie, Mr Ali N'gouille N'diaye a signé le 27 mars dernier, un contrat d’approvisionnement avec la société autrichienne Elektro-Merl Ges.m.b.H, pour l’électrification de 19 villages dans diverses
localités du pays.
Ce contrat d’électrification rurale d’un montant 4.988.650 Euros a été directement signé par le Ministre sans aucun respect des procédures habituelles régissant la Senelec et l'Aser, en la matière.
En grand adepte du gré à gré, le Ministre n’a évidemment pas pris le soin de passer par un appel d’offres. En effet, le Contrat a été
directement signé avec le fournisseur autrichien le 23 Mars 2013, sur la base d’un crédit d’exportation de la Banque Unicredit Bank Austria AG concédé à l’Etat du Sénégal. L’Autriche étant membre de l’OCDE, ce contrat aurait même dû faire l’objet d’un appel à concurrence.
Après plusieurs échanges avec des techniciens de la Senelec et de l’Aser, nous nous devons de noter que tous fustigent les conditions dans lesquelles cet accord a été finalisé. Et pour cause : les conditions de paiement du fournisseur se font dans un manque total de contrôle et transparence; le paiement de l’avance de démarrage équivalent à 30% du montant du Contrat par la Banque Autrichienne, directement au fournisseur (1.496.595 Euros), se fait sans aucun suivi ni garantie pour l’état du Sénégal; aucune forme de caution n’est requise au fournisseur; aucune sanction n'est prévue en cas de manquement, et il suffit pour la société Elektro-Merl Ges.m.b.H de présenter une facture commerciale accompagnée d’une demande de paiement signée toutes deux…….. par elle-même, pour que l’avance soit payée par la Banque. A aucun moment une structure de contrôle sénégalaise n’intervient dans ce processus. Plus grave, on se rend vite compte que presque 80% du montant du Contrat seront payés au fournisseur directement par la Banque Autrichienne, avant qu’un seul équipement n’arrive au Sénégal. Ce contrat est une carte blanche au fournisseur autrichien qui est libre de tout contrôle et se fait payer à des milliers de kms par une banque de son propre pays.
Certains des techniciens avec lesquels nous nous sommes entretenus, nous ont fait part de leur sentiment de frustration et de surprise à la lecture du Contrat : « Ce n’est pas le métier du Ministre de l’Energie de négocier ou de signer ce genre de Contrat sans appui des techniciens du secteur. Il n’y a ni contrôle ni intervention des structures capables de le faire au niveau de l’Aser ou de la Senelec. Cela montre bien une volonté de faire les choses en catimini et en dehors des règles de passation ou de transparence.»
Un autre technicien d’ajouter : « Si on veut faire cadeau d’un Contrat à une société avec des prix sans contrôle, c’est très bien joué de la part du Ministre. Sur les 19 villages ciblés, aucune étude préalable n’a été réalisée, aucune évaluation sur site effectuée. Les prix des générateurs solaires sont exorbitants. Les techniciens ont été mis hors du coup, et on se demande même si ce n’est pas le Ministre lui-même qui va se charger d’installer le matériel une fois arrivé… »
En fait les montants des équipements sont très élevés. Par exemple, les lampadaires solaires à fournir sont au prix de…. 5000 Euros/ pièce, ce qui fait plus de 2 fois le prix de ce type d’équipement, aujourd’hui. . Le fournisseur n’a pratiquement aucune obligation ou contrainte dans cet accord. Des spécialistes du secteur ont qualifié ce contrat de scandaleux. Le Ministre ne semble pas vouloir s’arrêter en si bon chemin puisqu'il est annoncé après cette phase test de 19 villages, une phase complémentaire de près de 100 villages.
A un moment où l’on ne cesse de parler de gouvernance vertueuse et traque de biens mal acquis, ce contrat montre bien que les mauvaises
habitudes de nos gouvernants n'ont pas changé… Mêmes causes, mêmes sanctions disait l'autre!