Un Schéma classique d’élections anticipées ou Chronique d’une société bloquée et d’une crise de confiance programmées
1.
- Le Dialogue Pouvoir/Opposition n’est pas un luxe ni une faveur mais un mécanisme basique du jeu démocratique multipartisan sénégalais
Autant la Majorité présidentielle est pérenne, mais tout de même indécise, instable et incertaine au regard de son mode de composition par juxtaposition d’appareils vieillis et hétéroclites, autant le PDS et Sopi restent stables et redoutables sur les plans politique, parlementaire et sociologique : 35 % au premier tour de la présidentielle de 2012, 35 % au second tour, et last but not least, ce parti adulte et rompu à la tâche constitue l’Opposition parlementaire légale dans la présente législature !
Le Sopi est l’Opposition historique du Sénégal en théorie et en pratique : 26 ans de combat, 12 ans d’exercice du Pouvoir, et dispose d’un électorat massif et d’un carnet d’adresses respectable dans le pays et à l’étranger, avec des ramifications dans les organisations socioprofessionnelles et civiles, paysannes, citadines et rurales, femmes, jeunes, y compris dans les diasporas et dans l’émigration
- La marche à la crise de confiance
Une coïncidence entre agitation sociale gréviste, crise parlementaire, scandales financiers et politico-judiciaires non expurgés, etc., posera invariablement une question de confiance qui s’emparera de l’opinion et ne laissera pas indifférents les partenaires au développement
Avec tout le respect que le pays doit au Président de la République et à son mentor le Président Wade, à la Mouvance présidentielle ainsi qu’à son Opposition légale et légitime, – et ce, et malgré ses suggestions dernièrement de ne pas saisir la presse -, il y a des raisons de penser que le Dialogue sinon national, du moins séquentiel entre l’Opposition officielle, parlementaire politique, voire historique et le Pouvoir légal-démocratique légitime s’impose. Faute de quoi, une crise de confiance va s’installer dans le pays, et cela, de la manière la plus évidente, à partir du moment où c’est une Opposition qualifiée et reconnue qui en a fait la demande insistante, avec l’appui de l’Opinion. Dans toutes les Nations qui s’honorent ou qui sont réputées et titrées démocratiques, nul Pouvoir ne peut rester sourd à son Opposition sans conséquence. Encore moins contester le bien-fondé, ni la légalité de la demande, mais seulement l’opportunité, au regard des défis sociaux urgents (ressources publiques, emplois des jeunes, foncier urbain et rural, pensions et retraites, effondrement du secteur touristique, crise scolaire et universitaire, etc.). Mais, à tout le moins, l’Opportunité est une question bien différente de la licéité de l’action et des formes de lutte d’une Opposition sociologique, légale et légitime dès lors qu’elle réfute les actes du Pouvoir. Car dans ce cas précis, c’est une manière de crise de confiance politique, sociale, parlementaire, judiciaire, qui est posée à grande échelle. Une manière de dire que la légitimité même des actes du Pouvoir appelle un arbitrage des électeurs et des Citoyens.
A moins donc d’ouvrir les stades pour y parquer les manifestants, ou de réquisitionner les sites touristiques désespérément délaissés pour des raisons qui sont pas seulement liées au visa d’entrée, il serait sage et indiqué, conforme à la sociologie de notre pays, d’en appeler au Dialogue, et au Dialogue seul, en lieu et place de ces confrontations et de ces menaces de passage à l’acte de part et d’autre ; ou encore de ces formes de mépris de race et d’orgueil mal placé, ou d’imprévoyance qui enclencheront invariablement un processus d’élections anticipées, pour le moins irresponsable de la part de toute la classe politique.
- Sans Dialogue ni Ouverture, la Marche aux Elections anticipées est évidente, si le Pouvoir n’invite pas l’Opposition au Dialogue sur la situation nationale
L’opinion sera en situation de juge, et sera divisée à son tour : et le choc de deux légitimités fortes : celle du Pouvoir et celle de l’Opposition légale et parlementaire fera le reste.
L’interview présidentielle à la presse étrangère du 16 mars 2015 élude le Dialogue Pouvoir / Opposition, qui est la précondition même de l’achèvement et de la législature actuelle et du Premier mandat du Président Macky Sall, indépendamment de savoir s’il va être de 5 ou de 7 ans, avec ou sans référendum !
- Entre le Dialogue et les Anticipées, il faut choisir
Sans dialogue basique et consensus entre Pouvoir et Opposition, la crise de confiance se produira en crise parlementaire, ou bien l’agitation sur le Verdict mènera à une société bloquée qui posera dès lors la crise de confiance à l’Assemblée et dans l’opinion.
Sinon l’anarchie évidemment, que les forces vives de la Nation ne sauraient observer sans se mettre en mouvement, une fois passé l’étonnement qui ne manquera pas de saisir les citoyens – étonnement au sens fort : frappé par le tonnerre !
Le Pouvoir et l’Opposition ne jouent pas le même rôle dans le fait de désamorcer cette issue à laquelle visiblement l’interview de Macky Sall à la presse étrangère en date du 16 mars 2015, est loin d’avoir pensé.
Car, en vérité, et au-delà de la question Karim Wade, Me Sall et les autres, c’est une perturbation inattendue du calendrier républicain préétabli, qui s’annonce entre un Verdict éventuel ou probable du 23 mars et le Référendum annoncé par le Président en 2016 !
Aussi, est-ce d’abord au Pouvoir d’agir pour éviter à notre pays cet engrenage, dans un contexte dominé par la crise au Mali, en Tunisie, etc., sans compter Ebola qui est encore à nos portes !
Un Appel solennel est donc lancé aux autorités coutumières, civiles et religieuses de se faire entendre pour éviter des ruptures dues à l’incommunication fatale des élites ainsi qu’aux Xeexu Sindax contre lesquels Dabaax n’avait cessé d’instruire la Nation, encore et toujours
Professeur Malick NDIAYE, Sociologue, UCAD
Coordonnateur du Cercle des Intellectuels du Sénégal – CIIS
Fait à Dakar, le 17 mars 2015