En vue d’élargir les bases de sa croissance, le Sénégal a décidé de faire du tourisme une priorité dans son processus d’émergence. Ce sous-secteur des services, négligé dans le passé malgré ses avantages comparatifs, a un fort impact sur l’économie. Le Plan Sénégal Emergent (PSE) ambitionne de régénérer la destination Sénégal en optimisant ses potentialités pour faire du Sénégal un hub touristique. Dans cette perspective, des mesures pertinentes ont été prises, avec de bons résultats déjà, pour que la destination Sénégal puisse enfin profiter au mieux de l’essor du tourisme en Afrique et dans le monde.
Economie du tourisme
Le touriste non résident est le visiteur qui séjourne dans un pays étranger pour une durée inférieure à un an en l’absence de toute activité rétribuée.
Le tourisme est la principale activité au niveau international après le trafic d’armes. Il est un sous-secteur des services même s’il est parfois considéré comme une industrie compte tenu de ses effets d’entraînement.
Effets dans un pays comme le Sénégal: amélioration des termes de l’échange suite à l’augmentation de la demande des biens non échangeables et donc de leurs prix relatifs, avec une élévation du taux de change réel et du bien-être global. Il se produit des effets sur la dépense et les affectations de ressources comparables à ceux du «syndrome hollandais».
Impacts économiques: soutien à la balance des paiements, source de croissance, de devises, de recettes fiscales, d’emplois, de revenus ; facteur de développement local et de lutte contre la pauvreté.
Six étapes du cycle de vie de la destination touristique: exploration (peu de visiteurs, hébergements modestes, ressources naturelles et écosystème préservés) ; décollage avec début de spécialisation ; développement avec croissance touristique significative; consolidation avec approfondissement de l’étape du développement ; stagnation avec perte d’attractivité et de compétitivité; post-stagnation, déclin continu ou régénération.
Etat des lieux du tourisme au Sénégal
Le tourisme, première source de devises au Sénégal, est retracé dans le poste « Voyages » de la balance des paiements. Le solde de ce poste est structurellement excédentaire au Sénégal : 135,8 milliards de FCFA en 2014 contre 134,2 milliards de FCFA en 2012 selon la BCEAO dans sa publication « Balance des paiements et position extérieure globale » du Sénégal en 2014.
Plus grand pourvoyeur d’emplois dans les régions autres que Dakar, il a des activités connexes, transport et restauration. Il représente 6,5% environ du PIB au Sénégal.
Des études économétriques montrent qu’une hausse de 10 % des dépenses de touristes internationaux dans un pays comme le Sénégal se traduit par une augmentation moyenne de 0,6 % du revenu par tête à travers le processus du multiplicateur.
Principaux pays émetteurs: France (46%), Espagne, Italie, Belgique, Etats-Unis, Suisse, Allemagne, pays africains.
Produits: tourisme de loisirs (56%), tourisme culturel et écotourisme (18%), tourisme d’affaires (26%).
Motifs : loisirs, familles, amis, affaires, conférences.
L’évolution du poste « Voyages » de la balance des paiements renseigne une nette prépondérance des voyages à titre personnel (loisirs, familles, amis) comparativement aux voyages à titre professionnel assimilés au tourisme d’affaires.
Illustration en 2014 : 165,4 milliards de FCFA (164,8 en 2012) au crédit des voyages à titre personnel contre 43,6 milliards de FCFA (42,9 en 2012) seulement au crédit des voyages à titre professionnel selon la BCEAO dans sa publication « Balance des paiements et position extérieure globale » du Sénégal en 2014.
Destinations: Dakar-ville, Gorée, Lac Rose, Ngor, Saly, Mbour, Casamance, Saint-Louis, Sine Saloum, Sénégal oriental.
Types d’hébergement : hôtels, habitat privé, auberges, campements.
Principaux acteurs: ministère du tourisme, professionnels à savoir hôteliers et assimilés, agences de voyages.
Atouts: pays accueillant, qualité des établissements hôteliers, qualités humaines des Sénégalais, sites attractifs, climat subtropical ensoleillé, proximité avec le marché touristique européen et américain, bonne cuisine, stabilité politique, démocratie, sécurité, télécommunications adéquates, attractivité culturelle, infrastructures de qualité.
Difficultés : faible diversification de l’offre et des marchés émetteurs, prépondérance du tourisme de loisirs, offre avec déficit d’innovations, déficit de compétitivité et de promotion de la destination Sénégal, disparition de plages, coût du billet d’avion, insuffisance des incitations financières, impôts élevés, manque d’investissements publics, mauvaise gestion, baisse des entrées et des recettes, harcèlement des marchands ambulants et de supposés guides, informalisation, corruption, problèmes d’hygiène, question des talibés, blanchiment d’argent, atteinte aux bonnes mœurs et à l’environnement, sites surexploités, difficultés de circulation à Dakar, indiscipline dans les transports, formation insuffisante du personnel, saisonnalité de la demande, faiblesse relative des dépenses par habitant.
Les politiques touristiques pré-PSE
– Politiques touristiques des années 1970 et 1990 pour augmenter la demande et les parts de marché.
– Assises Nationales du Tourisme en 2002.
– Lettre de politique sectorielle du tourisme en 2005.
– Politique commune du tourisme de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) en 2005.
Ces différentes politiques suivies d’autres initiatives institutionnelles n’ont pas abouti aux résultats escomptés. D’où la stagnation et le déclin du tourisme.
Le tourisme dans le PSE
– Nouveau modèle de développement du Sénégal depuis 2014, le PSE vise l’étape de la régénération, étape ultime du cycle de vie de la destination touristique: nouvelle offre touristique, restauration de l’attractivité, plus de compétitivité, nouveaux clients, nouveaux circuits de distribution permettant de resituer la destination Sénégal dans le tourisme globalisé.
– Développement de 2 à 6 nouveaux pôles intégrés et requalification des sites existants, ciblés autour des filières balnéaires, d’éco-tourisme, de culture, des sites religieux et d’affaires.
– Faire du Sénégal un hub multiservices et un hub aérien de référence au niveau régional.
– Plateformes «Dakar Medical City» et «Dakar Campus d’Excellence» pour contribuer à améliorer l’attractivité et la compétitivité du Sénégal en tirant vers le haut l’offre nationale d’éducation et de soins de santé.
– Offre de «paquets investisseurs» spécifiques aux zones dédiées pour les services et le tourisme : subventions à l’installation, fiscalité et droit du travail adaptés, charges et régime administratif allégés.
– Projets concernant le plan sectoriel pilote artisanat d’art et le plan sectoriel micro-tourisme.
– Accroissement des investissements publics et ceux en partenariat public privé.
– Développement des infrastructures et des services logistiques (portuaires, aéroportuaires, ferroviaires et routières, commissionnaires de transport).
– Création des conditions juridiques, fiscales et financières favorables à l’investissement privé.
– Diversification et structuration de l’offre touristique diversifiée par zone et par saison.
– Dynamiser la valorisation des écosystèmes côtiers.
– Etablir un agenda d’animation culturelle et artistique riche et variée.
– Relever fortement la qualité des services à travers notamment le niveau de formation et de qualification ainsi que les compétences des acteurs du secteur et privilégier un tourisme durable plus intégré.
Afin d’opérationnaliser les actions prioritaires du plan d’actions quinquennal 2014-2018, 24 projets prioritaires ont été élaborées dont 11 fiches pour le développement de l’offre, 5 fiches pour la promotion touristique et 8 fiches pour la gouvernance du secteur touristique.
– Promotion accrue du tourisme d’affaires et de l’artisanat.
Résultats, autres objectifs et projets du PSE
– Croissance réelle de la contribution totale du tourisme et voyage (transport) au PIB: 5,6% en 2015 ; 6,4% en 2014 ; 4,6% en 2013 contre -1,1% en 2010 et -5,0% en 2009 selon les données de World Travel and Tourism Council Data, 2015. Même source pour les données suivantes:
– Croissance réelle de la contribution totale du tourisme et voyage (transport) à l’emploi : 3,4% en 2015 ; 4,2% en 2014 ; 2,8% en 2013 contre -2,1% en 2010 et -4,4% en 2009.
– Croissance réelle des dépenses en tourisme et voyages intérieurs (transports intérieurs) : 3,5% en 2015 ; 5,1% en 2014 ; 2,5% en 2013 contre 0,0% en 2010 et 4,7% en 2009.
– Nombre d’arrivées de touristes internationaux : 1 063 000 en 2013 ; 962 000 en 2012 contre 900 000 en 2010 et 810 000 en 2009.
– Aménagement des sites et renouvellement des produits permettant de réhabiliter et de requalifier les stations touristiques existantes (Saly, Cap-Skiring, Saint-Louis, Dakar, etc.), de valoriser les potentiels touristiques encore insuffisamment explorés (Pointe Sarène, Joal, Mbodiène, Grande Côte, Pays Bassari, Iles du Saloum, Touba, Tivaouane, Kédougou, etc.).
– Objectif de deux millions de visiteurs par an à l’horizon 2018, avec une cible intermédiaire de 1 500 000 touristes en 2016.
– Création de l’Agence Sénégalaise pour la Promotion du Tourisme en vue de mettre en œuvre une stratégie ambitieuse en matière de communication, marketing et promotion de la destination Sénégal.
– Création du Fonds d’Impulsion des Activités Touristiques.
– Vote de la loi accordant un statut fiscal aux entreprises touristiques installées dans le pôle touristique de la Casamance pour une durée de dix ans.
-Nouvel aéroport à Diass :1,5 à 10 millions de passagers. Train express régional.
– Réduction de 50% de la parafiscalité (redevance passager et taxe de sûreté) sur le billet d’avion pour baisser le prix du billet. 5 milliards de FCFA de soutien au secteur hôtelier.
– Suppression du visa d’entrée. Réduction de la TVA.
Préconisations
– Supprimer le ministère du tourisme et créer un ministère des Affaires étrangères et du développement du tourisme en s’inspirant du modèle de la France, une référence dans le domaine du tourisme.
– Diversifier les pays émetteurs en ciblant les Etats-Unis, la Chine, l’Allemagne, les pays du nord de l’Europe, le Brésil, les pays africains. Notons que la polarisation du tourisme sénégalais sur le marché français, 47,5% des entrées au Sénégal, est une source de vulnérabilité et n’est pas viable à moyen et long termes. En effet, les difficultés économiques de la France associées aux risques sécuritaires incitent de plus en plus les Français à privilégier leur propre et belle destination.
– Diversifier l’offre : ressources naturelles et culturelles, infrastructures générales et spécifiques. Mettre davantage l’accent sur les formes de tourisme autres que le tourisme de loisirs peu compétitif, plus particulièrement le tourisme d’affaires, l’écotourisme et le tourisme culturel. Ce qui est cohérent avec les projets du PSE de hub multiservices et de hub aérien de référence au niveau régional.
– Promouvoir l’innovation : adaptation des produits à des cibles de clientèles précises, création d’offres insolites, marketing et commercialisation, applications technologiques liées à internet, gestion des ressources humaines dans l’entreprise.
– Freiner l’érosion côtière et la montée du niveau des mers à Saly-Portudal et à Saint Louis notamment.
– Promouvoir davantage l’écotourisme, source de revenus pour les populations rurales, de lutte contre la pauvreté et vecteur de protection des espaces naturels.
– Privatiser les parcs nationaux et les réserves. Moderniser le parc hôtelier.
– Renforcer la qualité de la formation du personnel et promouvoir les écoles de formation touristique.
– Alléger la fiscalité et mettre en place des dispositifs de financement spécifiques au tourisme.
– Endogèneiser davantage les profits du tourisme. Encourager le tourisme des résidents sénégalais. Améliorer la gouvernance du tourisme. Créer le Compte Satellite du Tourisme.
– Doter le Sénégal d’une compagnie aérienne nationale viable.
– Encourager l’investissement des émigrés dans le tourisme.
– Promouvoir un environnement des affaires plus favorable au tourisme.
Dr Omar NDIAYE
Économiste
Convergence des Cadres Républicains / CCR-France
Coordonnateur Adjoint de la section APR de Tours