“Ndanaan su dewè dieufdieu dou nul ndakh netaliga” disait-il, dans son tube intitulé Galass, au fait cette assertion est d’autant plus vraie qu’elle trouve sa pertinence après la disparition de l’auteur. Ndanaan au vrai sens du terme c’est celui qui aura empreint sa vie d’une ouvre qui fait de lui un inoubliable. L’artiste, le marabout, l’homme politique ou tout simplement l’être humain qui, dans sa vie, travaille de façon à laisser aux contemporains et aux futures générations un legs tellement utile que chaque jour qui passe est comme une nouvelle naissance pour lui. La richesse et la pertinence de ses œuvres lui confèrent un statut d’« eternel » car tout dans la vie de tous les jours renvoie à une de ses œuvres.
Dans le cas précis qui nous intéresse, l’enfant de Pikine, Ndongo Lo, a gratifié ses contemporains et ses successeurs d’un répertoire qui, il faut se l’avouer couvre les secteurs les plus cruciaux de la vie.
D’entrée de jeu et de manière constante au cours de sa carrière relativement courte certes mais bien accomplie, il a chanté les louanges de son guide religieux et non moins repère Serigne Falilou Mbackè, en effet il est très difficile pour tout artiste de chanter le cheikh sans puiser dans la source du fils de Marietou Fall. Il a marqué son entrée par un hommage au cheikh « Ndorteel » qui veut dire en langue wolof le commencement, il a affirmé avoir reçu de serigne Fallou quelque chose que personne d’autre que lui n’aura reçu. « Serigne maynama loumou dotoul may keneen… ». Il a tellement chanté et vénéré le cheikh que son nom est le plus souvent attribué à serigne fallou« mou Falou ». Il est même allé jusqu’à promettre de chanter les louanges de son guide jusqu’à la fin de ses jours, promesse qu’il a tenue par la grâce de Dieu car le titre posthume qu’il a gratifié au fils de cheikh Ahmadou Bamba en dit long sur son engagement et sur son amour à son endroit .
Contrairement à certains artistes qui font du discours confrérique un fond de commerce, Ndongo croyait à son cheikh et affirmait « maan bougouma guenneen gueer amouma gueneen gueer boudoul yaaw… » Il croyait également et à juste titre que chantant les saints, son discours aura une longévité pour ne pas dire ne meurt jamais. Ne disait-il pas « sougnouy mbiir dou diekh ndakh elhadji saay mbiir dou diekh kou aam sang dou diekhlè diaam ba dou diekhlè dara… »
En dehors de son guide il a eu aussi à chanter les louanges de certains saints dont Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh qu’il a cité plusieurs fois dans ses discours. Il a chanté dabakh et reconnu ses qualités d’homme de Dieu « gnepa laa waay gnepa la guegn moo takh maa sagn thiè felou mame eupoul reuyoul nayoul djikoy yonente bi la lamboo be demm… » extrait de Aduna. Outre Dabakh il a aussi chanté Serigne Mbacké Sokhna Lo « bou wakh dji newè yawlaa, bou dieufdji reuyè yawla, garmi moo nekha sopi waliyou… » extrait de Borom Taif. Mame Limamoulaye aussi n’est pas en reste dans le répertoire du défunt artiste « l’islam aal la woon kounè baay sa waar mame limamou ya randoulo guedj gui, gnepaa aam ndeye ak baye tè kothi woo mouy wouyo laye…. ».
Le thème de la femme en général et de la mère en particulier a occupé une place de choix dans le répertoire du défunt artiste. En effet toutes les occasions étaient bonnes pour rendre hommage à la femme et précisément à Adji Marietou Fall. A l’entame de son œuvre elle a décidé de rendre à César ce qui lui appartient ou mieux à Marietou ce qui lui appartient. Pour Ndongo, c’est sa mère la source de son inspiration, c’est grâce à elle qu’il a pu accéder à la plus haute marche du podium au gré de toutes les difficultés ; « baamiy meeti yaay boy yawla, bamiy leundeum yaye boy yaawla…keen mounouma diayè sama yaay, keen mounou nakhè sama yaye… »Outre sa maman, il a certes élevé la femme en général au rang de Linguère mais il n’a pas manqué également de décrire les qualités de la femme idéale. En revisitant sa chanson diegou pousso, l’on se rend compte que l’artiste profondément enraciné dans les valeurs, énumère avec un ton qui en dit long sur les talents. les qualités de la femme idéale. Ce tube qui est plébiscité par beaucoup de connaisseurs comme étant l’une de ses meilleures productions restera sans conteste un repère pour toute allusion qui sera faite à l’attitude de la femme au sens sénégalais du terme. Rien que ce tube l’a placé ou mieux le place encore au cœur des sénégalais.
Arrivé au devant de la scène presque par effraction car être né en banlieue et n’ayant bénéficié quasiment de l’aide de personne, Ndongo affirme haut et fort sa « pikinitè », participant ainsi à la dédiabolisation de la banlieue. En fait le contexte était tel que le succès dans la musique ou dans l’art en général était réservé à une certaine classe. L’artiste tient à ses origines plus que tout au monde et affirme « loumou goudi goudi loumou leudeeum leundeum pikine laay fanaan…. ». Auparavant, dès ses débuts il avait chanté Pikine à travers l’un des références de sa jeunesse Mohamed Ndao Tyson, d’ailleurs comme par hasard c’est le morceau phare de sa première production. C’est la chanson qui très tôt a fait le tour du monde conférant du coup à l’auteur une notoriété qui sort de l’ordinaire. Ce qui sans doute attira l’attention des sénégalais c’est non seulement la façon de chanter du pikinois mais aussi le style tout personnel et propre à lui.
En plein midi du succès, l’artiste garde les pieds sur terre, fort des conseils de ceux qui tenaient à la longévité d’une telle apogée « keep kouma guiss yenèmaa lii ngamay wakh boul guiss succès boko guissè nagou tè kou nagou dagou kou dagou gnou rombala… ». Donc il était conscient du danger que pouvait attirer un succès mal appréhendé. Ce succès loin de lui remonter la tête, lui a permis de jeter un coup d’œil sur le rétroviseur pour non seulement se rappeler mais aussi rendre hommage à tout ce beau monde qui lui a apporté leur soutien moral et matériel dans les moments de galère. C’est ainsi qu’il s’est rappelé du coup de main d’Alioune petit Mbaye « dialema kou soumb dagaay tooy… koula defal lou bakh boko wakhoul bouy liim aay nonam nalathi bolè.. ». Il n’a pas manqué dans cette même lancée de remercier sa famille d’accueil dans les moments où être artiste était synonyme d’être « dévié » par conséquent rejeté et expulsé de la cellule familiale. Il rendit ainsi hommage à Momar Gueye (frère ainé de son « jumeau Ndiamè ») à travers une chanson qui ne laisse personne indifférent. En effet le tube Fatalikkou demb résume tout le talent de Ndongo mais aussi toutes ses qualités humaines, il a fait preuve d’humilité loin de rejeter son passé et tout ce qui le lui rappelle, il la revisite avec fierté « bouma tollè fii sama khèl deem thi demb, bou ndieukoon momar kou waay dagnoulay guenè Adji Rokhaya Gueye yama ouf yay sama yaye…. Momar yama terè fanaan biti… kou fatè lala faal dinga folèkou ». En plus de Momar et Alioune petit Mbaye il n’a pas manqué de saluer le soutien de Djily, Pape Thiam, Babacar Mbaye Sene, Cheikh Beye, Ibou Diagne pour ne citer que ceux-là.
Avant de tirer sa révérence, l’artiste a compris que « loo nekh nekh baat mana way wayoulo yonente waywa dèna kanga way nul na … moy ngueun gui mbindef maka la dioudoo fala gadayè… ». Donc comme tout bon musulman il a rendu hommage au prophète à sa manière. Ce morceau est d’ailleurs parmi les plus prisés de son répertoire. Le ton et les paroles de ce tube mettent à nu les talents d’un jeune qui chante et aborde des thèmes dignes d’un adulte de cinquante ans. Tout dans son discours tranchait avec celui des jeunes de son âge.
Outre ces productions, l’homme s’est distingué par ses talents de maitre du live. Le ravin, boite symbolique pour l’artiste a plus d’un titre lui a permis non seulement de démontrer que le vrai artiste c’est celui qui est capable d’improviser. Ravin night implanté au cœur de la banlieue a beaucoup marqué la carrière du défunt artiste. En effet c’est dans ce cadre rempli de symboles qu’il a laissé comprendre à tout le monde ses talents d’artiste au sens large du terme.il lui a permis de régler ses comptes avec ses détracteurs qui tiraient à boulets rouges sur lui au moment où il luttait contre une maladie qui le rongeait. Il en a aussi profité pour donner le maximum de garantie à ses fans qui venaient très nombreux lui apporter leur soutien. Ils venaient tellement nombreux qu’il lui arrivait de se produire à guichet fermé.
N’est-ce pas au ravin qu’il a fait le duo avec Dial Mbaye diegou pousso live ,duo qui lui permettait de lever un coin du voile de sa personnalité artistique. Il lui a aussi servi de support pour répondre à ceux qui tiraient sur lui à travers des tubes tels que tarkhiss live, nabi live ou encore tatafou live.
Il disait « wakh dji limouy bari bari metiwouma, yeen gnima beug di khoulo di khekh yeen laay wakhal bouleen khoulo bouleen di kheekh ndakh nguen gui mbindef maka la dioudowayè wotè woufa nguir ayy noon… ». C’est justement au ravin qu’il disait, s’adressant à ses détracteurs « maan guemouma febaar teud hôpital, ladji leen ma laan moy febaar moy borom khol bou boon yaay deel sol lou rafeet dika romb bou waay diotè nga waay lou nekh gnilaay beguè di contane.. ». Il avait transcendé les débats de bas étages et avait fait du travail son sacerdoce de telle sorte que toutes les situations, tous les lieux étaient sources d’inspiration pour lui (confère doumala bayi). Il disait pour prouver qu’il n’est mu que par le souci de persévérer dans le but de servir le peuple et ses fans en particulier « kouy weur di
wakh aak kouy liguey werwou dèè mounou gno yaam résultat….maan douma tontou ndakh kou weur di wakh aak kouy liguey yamougnou.. »
L’artiste a tellement rendu service à la société que le malheur de l’avoir perdu ne doit pas nous faire oublier le bonheur de l’avoir connu. Si courtes qu’auront été sa vie et sa carrière, il s’est battu pour donner un sens à son existence. Donner un sens à son existence signifie travailler d’arrache-pied dans le but de laisser un legs utile aux générations futures. Le travail qu’il a abattu, a fait de lui six ans après sa disparition une des personnalités incontournables du paysage culturel national. Le fait que son ombre continue encore de planer sur nous, de part ses chansons mais aussi son look vestimentaire (beaucoup de jeunes l’imitent dans sa façon de chanter et sa façon de s’habiller) l’atteste clairement. Cette situation nous conforte dans notre conviction selon laquelle Ndongo Lo n’est pas mort, il a seulement arrêté de vivre.(11likhlass)
Malik Sakho,correspondant à Brescia