15 octobre 1987-15 octobre 2017. Trente ans après la mort de Thomas Sankara, on assiste en Afrique à l’émergence d’un puissant mouvement citoyen dont le discours panafricaniste est digne de la harangue révolutionnaire, orientée contre la France des réseaux foccartiens, du prédécesseur de Blaise Compaoré.
En effet, réunie sous le nom de Front international des sociétés civiles panafricaines, une quinzaine d’activistes et d’associations de la société civile africaine, dont le mouvement Y’en a marre, ont annoncé, dans un communiqué lu samedi passé à Bamako par le Guinéen Elie Kamano, avoir porté plainte auprès de la Cour pénale internationale (CPI) contre l’ancien président de la République française Nicolas Sarkozy. Cela, pour « crime de guerre et crime contre l’humanité », à la suite d’une intervention conjointe de la France et de la Grande Bretagne en 2011. Cette plainte serait motivée par les révélations de l’ancien directeur de cabinet de Kadhafi Béchir Saleh, qui, dans un entretien accordé à Jeune Afrique en septembre 2017, n’attribue pas le beau rôle à l’ex-chef d’Etat français, qui aurait profité de sa posture pour régler des « comptes personnels » avec le guide libyen Mouammar Kadhafi.
Un mois plus tôt, « l’activiste » Kémi Seba a été arrêté puis relâché par la police sénégalaise pour avoir, en guise de protestation contre cette monnaie supposée toujours coloniale, brûlé publiquement un billet de 5 000 F Cfa. Son expulsion de Dakar a suscité un tollé au point d’obliger le gouverneur de la BCEAO a sortir de sa réserve à la faveur d’un entretien accordé à Rfi sur ce sujet qui fâche. Ainsi, le mouvement anti-Cfa projette d’organiser beaucoup d’actions d’envergure en France et en Afrique pour faire bouger les lignes.
Même les chefs d’Etat africains parmi les plus « franco-feel », comme Idriss Déby, n’usent plus de langue de bois pour préconiser une réforme des politiques monétaires. Cela, d’autant plus que certaines clauses de coopération du Franc CFA sont jugées désuètes et contre-productives.
Dans le même temps, le Sénégalais Guy Marius Sagna, plusieurs fois arrêté par la police depuis bientôt deux ans, mène une croisade contre les Ape (Accords de partenariat économiques), auxquels souscrits le duo Alassane Ouattara-Macky Sall, mais rejetés en 2007 par des chefs d’Etat africains comme Me Abdoulaye Wade.
Ce renouveau panafricaniste rappelle les années 40-50, quand la plupart des partis politiques africains, essentiellement ceux réunis dans le Rda à l’instigation de Houphouët Boigny, Sékou Touré et Modibo Keïta…, avaient en partage la revendication indépendantiste.
La nouveauté est que cette fois-ci, l’Afrique est défendue par une certaine société civile et non par des partis politiques traditionnels jugés complices dans ce qui s’est passé.
Sous ce rapport, aussi bien pour le cas du Sénégal que pour celui du Burkina Faso, ce sont des mouvements comme Y’en a marre et Balai citoyen, supposément inspirés par le mouvement Kifaya (Y’en a assez en arabe), qui ont joué un rôle décisif pour déclencher ce qui est communément appelé le « Printemps noir ».
Toutes choses qui laissent méditer que le combat de Thomas Sankara n’a pas été vain, malgré le fait que le patriotisme économique, à l‘échelon du pré-carré français en Afrique de l’Ouest, continue de perdre du terrain au profit des multinationales étrangères.