Les forces ukrainiennes ont attaqué avec des drones navals le stratégique pont de Crimée dans la nuit de dimanche à lundi, tuant deux civils selon Moscou, alors que l’incertitude demeure sur l’avenir de l’accord céréalier qui doit expirer dans la soirée. L’attaque ukrainienne a fait d’importants dégâts sur la section routière du pont, le seul qui relie la Russie à la péninsule ukrainienne de Crimée annexée par Moscou en 2014, et sert de base arrière à l’armée russe combattant en Ukraine. Elle a été menée par les services spéciaux et les forces navales ukrainiens à l’aide de « drones navals », a indiqué lundi à l’AFP une source au sein des services ukrainiens de sécurité (SBU). L’attaque a été perpétrée par l’Ukraine, a confirmé sur la messagerie Telegram la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova. Le Comité antiterroriste russe (NAK) a précisé dans un communiqué qu’elle a eu lieu à 03H05 (00H05 GMT) et confirmé qu’elle a été menée par des « drones de surface navals ». Deux civils, un homme et une femme qui circulaient en voiture, y ont été tués, et leur fille blessée, a affirmé lundi dans un communiqué le Comité d’enquête russe. Le gouverneur russe de la péninsule annexée de Crimée, Sergueï Aksionov, avait dans un premier temps évoqué sur Telegram une « urgence » ayant nécessité d’interrompre la circulation sur le pont, le ministère russe des Transports précisant de son côté que la chaussée avait été « endommagée ». Sur Telegram, la chaîne de télévision publique Crimée-24 a publié une vidéo du pont montrant une portion de sa section routière partiellement effondrée. Le Comité d’enquête a également publié une vidéo, montrant des hommes ramassant des indices sur la chaussée penchant vers la mer. Le pont de Crimée, long de 18 kilomètres et inauguré en 2018, consiste en deux ouvrages parallèles, l’un réservé à la circulation routière et l’autre au trafic ferroviaire. La section ferroviaire du pont n’a pas été endommagée et la circulation y a repris dans la matinée, ont indiqué les autorités de Crimée. Les services de ferry permettant de traverser ce bras de mer ont également repris, les automobilistes voulant traverser le détroit étant appelés à les emprunter. Le viaduc, qui enjambe le détroit de Kertch, avait déjà été endommagé le 8 octobre dernier par une puissante explosion attribuée par les autorités russes à un camion piégé par les services secrets ukrainiens. Le pont en béton, construit à grands frais sur ordre de Vladimir Poutine, avait été ensuite remis en service. Le président du Sénat russe, Sergueï Mironov, a affirmé que Moscou devait en représailles attaquer les infrastructures ukrainiennes et arrêter les négociations sur l’accord céréalier, qui expire ce lundi à minuit (21H00 GMT). « C’est ce que nous devons faire, et non discuter d’un accord sur les céréales qui aide les dirigeants de Kiev et leurs maîtres occidentaux à se remplir les poches », a-t-il affirmé. – Accord céréalier en suspens – A quelques heures de son expiration à minuit (21H00 GMT) à Istanbul, l’incertitude demeure lundi sur l’avenir de l’accord céréalier en mer Noire jugé crucial pour l’alimentation mondiale. Le silence et la discrétion ont entouré tout le week-end les manoeuvres de la dernière chance, conduites par la Turquie et l’ONU pour convaincre Moscou de prolonger l’accord céréalier signé en juillet 2022 sur le Bosphore. Il a garanti au cours de l’année écoulée le passage sécurisé des cargos depuis et vers les ports ukrainiens malgré la guerre, transportant au total près de 33 millions de tonnes de céréales destinées aux marchés mondiaux. Mais la Russie n’a pas annoncé son feu vert et l’Initiative sur les céréales en mer Noire est désormais de facto à l’arrêt. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a assuré vendredi que son homologue russe Vladimir Poutine était « d’accord » avec lui sur l’extension de l’accord. Mais le porte-parole du Kremlin a aussitôt répliqué qu’aucune déclaration en ce sens n’avait été faite. M. Poutine a dénoncé à plusieurs reprises les obstacles à l’exportation des produits alimentaires et engrais russes, qui devait accompagner celle des produits ukrainiens. Il a aussi jugé samedi que « le principal objectif de l’accord, la livraison de céréales aux pays dans le besoin, notamment sur le continent africain » n’était « pas réalisé ». Selon les données officielles du Centre de coordination conjointe (JCC) qui supervise l’accord à Istanbul, la Chine et la Turquie sont les premiers bénéficiaires des cargaisons, ainsi que les économies développées. Mais grâce à l’accord, le Programme alimentaire mondial (PAM) a pu soulager une dizaine de pays en situation critique comme l’Afghanistan, le Soudan ou le Yémen. Sur le plan militaire en Ukraine, Kiev a affirmé lundi avoir repris 18 km2 aux forces russes sur l’ensemble du territoire ukrainien en une semaine, dont 7 km2 autour de la ville dévastée de Bakhmout (est), tombée sous contrôle russe en mai après des mois d’affrontements meurtriers. Vendredi, le chef de l’administration présidentielle ukrainienne, Andriï Iermak, avait admis que la contre-offensive n’avançait « pas si vite ». Malgré la livraison d’armes occidentales très attendues par Kiev, l’armée ukrainienne est face à des troupes russes qui ont le temps d’établir de solides défenses, notamment de redoutables champs de mines, et disposent toujours d’une importante puissance de feu pour pilonner les forces ukrainiennes. AFP