Née en 1946 à Dahra, Madame Mboré Ndiaye, issue d’une famille noble, a fait ses premières humanités à Dahra. L’école Maguette Ndiaye de cette localité lui offrit ses premiers pas vers la connaissance. Elle doit son inscription à cette école primaire à son frère aîné Sidy Baba Ndiaye.

Ce dernier fréquentait déjà le Collège Blanchot de Saint-Louis qui était une école des jeunes filles. L’inscription de la toute jeune fille Mboré au Cours d’Initiation (CI) n’avait pas été chose aisée. Car l’école coloniale rebutait énormément parents et guides spirituels et coutumiers. A Dahra comme partout ailleurs à travers les empires coloniaux d’Afrique, la scolarisation des filles avait toujours été du domaine de l’impensable.  Pour rappel, Dahra était Chef-lieu de Canton dont dépendait Passe-Baxal. Cette subdivision de l’Administration Coloniale dépendait du Cercle de Linguère. Dans ce contexte, chaque année, le Commandant de Cercle, une fois en visite au Canton de Dahra, ordonnait  le crieur public de sensibiliser les populations sur la nécessité de recrutement des élèves  au CI dont le registre  avait toujours été disponible auprès du Directeur d’école.

Ainsi, à chaque fois que l’occasion lui était offerte de s’adresser à la communauté, le Commandant de Cercle incitait à inscrire les filles. Non sans parfois obtenir gain de cause à ses appels. Par respect pour la mémoire de son frère aîné Sidy  Baba Ndiaye fatalement arraché  à la guerre d’Indochine, son père l’inscrivit à  l’école. Et c’est ainsi que Mboré Ndiaye a été la première fille inscrite à l’école de Dahra où elle a fait ses preuves de bonne élève. Assidue, courageuse, travailleuse et intelligente, malgré la forte présence des garçons, elle s’est faite toujours distinguée en classe.

Meilleure parmi les filles, elle était la seule admise à l’épreuve d’entrée en sixième à Linguère. L’examen était dénommé jadis ainsi: “Section Lycée“ pour les enfants âgés de 12-13ans, “Section CEG“ pour les 14ans et “Section Normale“ pour 15ans.

Orientée au lycée Ameth Fall de Saint-Louis, à un très jeune âge, les conditions de vie infernales l’ont obligée d’abandonner ses études Moyennes en classe de Troisième (3ème). Mais à l’époque, le Certificat d’Etudes Primaires Elémentaires (CEPE) dont elle avait été titulaire quatre ans auparavant était suffisant pour tenir une classe d’école primaire. Et c’est ainsi  qu’elle a été recrutée comme enseignante à Dahra.
Malgré son rôle de  suppléance, les après-midi, elle initiait l’Enseignement Ménager aux filles. Cette discipline naguère enseignée uniquement aux filles, est régie par la Circulaire Interministérielle N°00691/MEN/SG du 19 janvier 1978 signé le Ministre d’alors Abdel Kader FALL.

Première sénégalaise  enseignante à l’école de Dahra, assidue et très courtoise, elle n’hésitait pas à encadrer les apprenants les plus faibles, même à des heures les plus tardives. Après Dahra, elle rejoignait son époux à Dakar, plus précisément à la Patte d’Oie Builders (3ans). ’’Monsieur Mborré’’, tel qu’on la surnommait ironiquement  au Djolof, a fait ses preuves au lycée Kennedy en tant que surveillante pendant 5 ans. Elle était adorée par des générations de filles qui peuvent aujourd’hui en témoigner. Au  Centre de Formation et de Perfectionnement Pédagogique (CFPP) de la Médina, elle a joué le rôle de bibliothécaire 3ans durant; à l’Inspection Départementale de l’Education Nationale (IDEN) de Dakar-Plateau, elle faisait bénéficier son expérience pédagogique et administrative aux jeunes assoiffés de savoir. A la fin du dernier millénaire (2000), après 37 ans de loyaux services, cette “dame de fer“ s’est résolument retirée dans son fief qui l’a vue naître, Dahra. Là, son seul souci était, est et sera de prêter main forte à sa famille. Cette dame qui  n’a jamais reçu la moindre demande d’explication et qui avait toujours été aimée par ses supérieurs, s’enorgueillit de l’éducation reçue  de ses parents. Lesquels lui avaient toujours enseigné dans l’antre familial les vertus que sont la vergogne, l’endurance, la dignité, le savoir vivre et l’honnêteté.

Aujourd’hui Présidente d’Honneur de l’antenne de la SCOFI (Scolarisation des filles) de Dahra, elle consacre une bonne partie de son temps au recrutement, au maintien et à la récompense des filles pour encourager les autres. Une anecdote de ceux ou celle de sa classe d’âge: «à bas âge à l’école, Mboré organisait les filles pour former un bouclier contre les garçons “faiseurs de malin“.»

En tant qu’enseignante, elle a donné sa lecture de la situation éducative actuelle du pays. «Aujourd’hui le pays va mal. Les mutations sont grandes et ne sont pas forcément reluisantes.  L’enracinement dans nos valeurs positives fait défaut, ce qui pose problème. Nos élèves sont faibles. Il y a des manquements de l’administration qui coiffe l’école», dit-elle.

Masse Ndiaye, correspondant permanent à Linguère

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