Le limogeage de Mme Nafi Ngom KEITA Présidente de l’Office National de lutte contre la Fraude et la Corruption (OFNAC) a suscité un vif débat aussi bien juridique que politique. Cet état de fait résulte du libellé de l’article 5 de la loi 2012-30 du 28 Décembre 2012 créant la dite institution qui dispose que le président, le vice-président et les autres membres sont nommés par décret pour un mandat de trois ans renouvelable une fois. Le renouvellement se fait par moitié tous les trois ans.
Ce texte ne consacre pas un statut clair du président de l’OFNAC qui est la personne morale de surcroit ordonnateur du crédit devant donc rendre compte de sa gestion. Dans la rédaction actuelle du texte on peut d’ailleurs être tenté de croire que le renouvellement du mandat du Président de l’OFNAC est obligatoire.
En outre, le libellé de l’article 5 semble même remettre en cause le pouvoir discrétionnaire du Président de la République qui doit apprécier souverainement la reconduction ou non du président à la tête de l’OFNAC.
Par ailleurs, le législateur a maladroitement verrouillé les conditions dans lesquelles il est mis fin aux fonctions des membres de l’OFNAC, sans prendre le soin encore une fois de distinguer la fonction du Président et celle des autres membres. C’est ce qui explique la position opportuniste de certains juristes qui soutiennent mordicus que le remplacement solitaire d’un membre ne répond à aucune disposition légale.
Au vu de tous ces amalgames, la loi 2012-30 doit être revue dans sa rédaction. Il faut constater pour le regretter, que de plus en plus, la qualité de nos textes laisse à désirer et suscite dans leur application de vives controverses. Ces débats de fond peuvent fortement jeter du discrédit sur nos institutions. C’est pourquoi des efforts doivent être déployés à ce niveau afin de faire l’économie de débat inutile tout en travaillant à renforcer nos institutions.
J’estime que le président de l’OFNAC devait être nommé pour un mandat d’une durée déterminée non renouvelable. C’était là entre autres une source de garantie de l’autonomie et de l’indépendance de l’institution considérée du reste par la loi comme une autorité administrative indépendante.
En outre, les dispositions actuelles de la loi concernant les autres membres de l’OFNAC pourront toutefois être maintenues. Cette distinction entre le statut du Président et de celui des membres de l’institution est nécessaire pour éviter tout amalgame.
Je voudrais également apporter ma contribution sur la controverse relative à la durée du mandat tout en souhaitant qu’on revienne à la rigueur des principes qui gouvernent les règles de droit. Je considère qu’on ne saurait confondre la date d’effet du mandat du président de l’OFNAC avec la date à laquelle il a prêté serment.
Il s’agit de deux choses différentes. La nomination d’une personne à la présidence de l’OFNAC lui confère un statut légal d’exercer en cette qualité cette fonction alors que la prestation de serment est une promesse solennelle, un engagement d’exercer ses fonctions avec loyauté et dans le respect des lois et règlements.
Le débat soulevé renvoie au rapport entre le juridique et l’éthique qui ont toujours entretenus et entretiennent encore des liens étroits. La nomination du président de l’OFNAC est du ressort de la règle de droit alors que le serment est du domaine de la morale.
Dès qu’il est nommé, le Président de l’OFNAC est traité comme tel. Il peut recevoir des plaintes et recruter son personnel.Cependant l’OFNAC ne peut instruire un dossier qu’après la prestation de serment de tous ses membres. Ce serment est une condition de validité de ses rapports en ce qu’il leur confère un crédit et une force probante.
J’estime par conséquent que le mandat qui est une marque de confiance trouvant sa source dans la règle de droit prend effet, quelle que soit la rédaction du texte actuel, à compter du décret de nomination du président de l’OFNAC.
Me Daouda KA
Avocat à la Cour