Monsieur le Président,
À l’entame de cette lettre, laissez-moi vous dire que je ne nourris aucune animosité personnelle à vos égards. Je ne suis pas dans une posture d’opposition préventive mais dans une dynamique citoyenne. Jusqu’ici j’ai donné ma contribution pour la réussite de certains de vos projets que j’ai jugé utiles pour notre pays. Pour preuve le fait que je me suis engagé personnellement pour la réussite du Forum économique du Sénégal durant l’Expo universelle à Milan. J’ai fait le marketing du PSE auprès des associations patronales italiennes pour les inciter à investir au Sénégal. Je n’ai cessé de sensibiliser mes compatriotes de la diaspora pour qu’ils s’approprient de ce projet pour l’émergence. Je l’ai fait et je ferai chaque fois que c’est l’intérêt de la nation qui est en jeu. Je l’ai fait en usant ma position, ma crédibilité et mes relations. Au de là d’être au service de la communauté c’est la possibilité dont je dispose pour participer au développement économique et social du Sénégal.

Monsieur le Président
Je suis même allé plus loin avec une action plus directe envers la personne que vous êtes, en entamant les démarches pour vous octroyer un Prix Honoris Causa pour la promotion de la Démocratie. C’était une manière de saluer votre engagement à réduire votre mandat en cours comme vous l’aviez promis puisque je n’ai aucunement douté de votre sens de l’honneur et du respect de la parole donnée. Malheureusement j’ai dû interrompre le processus après votre dédiement. Quelle déception! Quelle gêne par rapport aux autorités que j’avais mobilisées. Toutefois je tiens à vous dire que vous avez manqué le virage pour rentrer dans l’Olympe des grands. Oui, parce que je vous voyez déjà propulsé vers le summum de la politique vertueuse, et avec vous, tout un peuple. J’ai souhaité que votre figure s’inscrive dans le Panthéon des grands de la politique universelle. Je le souhaitais sincèrement et, croyez-moi, sans contrepartie qui ne soit la fierté d’appartenir à une nation, une grande nation, le Sénégal. Ce petit terroir qui a vu naître des personnalités exceptionnelles comme Senghor et Cheikh Anta Diop. Le Sénégal, terre de vertus, est aussi le pays de Cheikh Ahmadou Bamba, El Hadji Malick, Oumar Foutiyou, Seydou Nourou Tall, Ibrahima Niass (Baye), Yacinthe Thiandoum. C’est aussi le pays qui a accueilli Ndieubeut Mbodj, Ndatte Yalla, Alin Sitoe Diatta et d’autres femmes qui sans être connues du public n’en reste pas moins des personnalités vertueuses.

Monsieur le Président,
donc croyez-moi, c’est sans animosité ni arrière pensée politique, que je vous écris pour pour vous signaler ma gêne pour la démarche que vous avez adopté avec le referendum du 20 mars. Je vous imagine jouissant et fier de vôtre victoire. Mais il ne s’agit que d’une victoire électoraliste qui, en réalité, cache une grosse bavure pour la République. C’est l’arbre d’une victoire politicienne qui cache la forêt d’une défaite républicaine. Je ne le dis pas pour nier l’importance des réformes proposées puisqu’elles contemplent des acquis pour notre système démocratique. Je serais malhonnête de ne pas vous le reconnaître même s’il y en a qui suscitent encore le doute puisque confinées dans une nébuleuse.  Mais ce n’est pas sur le contenus des réformes que je vous interpelle mais plutôt sur votre démarche qui, de fait, traduit une confusion de rôle, un chevauchement malsain entre votre statut de politicien partisan et la fonction régalienne que vous devez exercer. Et, loin de moi la volonté de contester votre statut de politicien qui, plus est, vous a valu d’être là où vous êtes aujourd’hui pour représenter toute une nation.

Monsieur le Président,
Vous n’êtes plus un simple chef de parti disposant d’un capital électoral de moins de 25% (taux recueilli au premier tour de la présidentielle 2012), e vous n’êtes plus le candidat qui a gagné avec 65% des suffrages, grâce à l’apport d’autres forces politiques et de la société civile. Aujourd’hui vous êtes le Président de tous les sénégalais et ce statut vous impose un certain comportement à la hauteur de la tâche dans un pays confronté à un passage délicat de son évolution. C’est pour dire qu’il y a une différence entre un homme politique et le statut d’un homme d’État. Le fait de battre campagne sur un référendum qui, de surcroît, concerne la Constitution, je veux dire la Charte qui symbolise l’unité de la nation, et qui établit les règles du jeu, est une faute ou tout au moins une grande faiblesse. Avec votre referendum, qui a vu un faible taux de participation, vous avez divisé outre mesure la nation sur ce qui est sensé être la Charte qui nous régit pour nous unir. Vous avez abdiqué à votre rôle d’arbitre pour jouer avec une partition d’arbitre-joueur. Ce n’est pas ce que nous attendons d’un Président de la République dont un adage populaire définit comme le gardien de la Constitution.

Monsieur le Président
Vous avez abusé de ce référendum en donnant la preuve que vous avez une conception selon laquelle qui gagne les élections occupe les institutions et en devient propriétaire jusqu’à s’attribuer le pouvoir de plier les règles du jeu pour sa propre famille politique. Une conception diamétralement opposée aux fondamentaux de la République. Les institutions sont pour tous, pour ceux qui exercent le pouvoir, pour ceux qui sont à l’opposition, pour ceux qui ne s’intéressent pas à la politique, en somme, pour tout le peuple. Votre forfaiture an-républicaine est d’autant plus grave qu’elle a utilisé la Charte Fondamentale pour diviser la Nation. C’est une faute grave pas digne d’un homme d’État.

Monsieur le Président
Tenez donc! Monsieur le Président, vous, votre majorité politique et une partie minoritaire de l’électorat, vous avez votre Constitution! Vous aviez décidé les réformes à faire et vous avez convoquer le peuple pour les valider. Avec un peu plus d’un million d’électeurs vous avez atteint votre objectif. Vous avez gagné puisque formellement et en toute légitimité vos propositions sont passées. Vous avez donc modelé à votre guise la Constitution de notre pays. Je vous imagine très soulagé de ce qu’il convient de définir comme une victoire électorale. Vous avez servi un « jellë » à vos adversaires politiques comme vous l’aviez promis. Maintenant que la campagne référendaire, avec son cortège de tensions et de suspicions, s’est estompée votre Constitution s’impose désormais au peuple tout entier. Vous avez crié victoire, oui vous avez gagné mais sachez que la République en a pâti et la nation en est sortie déchirée. Enfin, en me concédant la liberté d’un conseil citoyen, je vous dirais, monsieur ayez raison gardée et ne confondez plus votre veste de chef de parti avec votre statut de chef d’État. La politique politicienne ne vous est d’aucune utilité puisque l’heure est à l’émergence de nouvelles ruptures et au renouveau des valeurs cardinales de notre peuple.
ALY BABA FAYE ( ROME (ITALIE ).

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