Le miroir a le don de dédoubler les images, de renvoyer les images. Mais il est à la limite un calque implacable de l’irréalité, s’il ne participe pas à aliéner les gens, inexorablement. Le miroir te pousse à la grimace, on se gausse les épaules, réajuste la cravate, réoriente la moustache, épile davantage les sourcils, torture un peu les lèvres, parfois on exécute même quelques pas de tango pour exulter et signer le « V » de la victoire. Si ce miroir, fabriqué de verre et de peinture, te rend aussi artificiel qu’en sera-t-il du miroir naturel d’où chacun de nous devra s’y mirer quotidiennement ? Le miroir naturel n’est rien d’autres que le peuple. Le peuple est bien composé d’entités inséparables, comme des vases communicants. Aujourd’hui l’une de ces entités, la presse, s’est embourbée dans la puanteur la plus sordide.


Je me suis bouché les oreilles lorsque j’ai entendu à la revue presse que l’un des chroniqueurs les plus virulents de la presse, guidon de conscience,  est mis aux arrêts pour une affaire d’homosexualité. Je me suis de nouveau miré dans la glace. Hier c’était Cheikh Yérim Seck pour une affaire de viol, aujourd’hui Tamsir Jupiter Ndiaye, demain à qui le tour ? La presse est dans la mélasse ou du moins c’est la presse qui colporte, accuse, juge, enferme, maltraite des gens sans fondement aucun qui est dans la mélasse. J’ai tenu d’un grand érudit que ce que le Prophète (Psl) redoutait le plus, c’étaient les gens qui ont la langue pendue. Des gens qui font des chroniques, des analyses, des commentaires, des billets…uniquement orientés vers des personnes et non des faits de sociétés. Ces mêmes personnes sont craintes, adulées et même plastronnées dans des postes de choix par nos hommes politiques. Elles sont là, des fonctionnaires, enseignants de surcroit, qui sont dans la presse privée et  qui continuent de percevoir indument leur salaire. C’est affreux.

Dans ces affaires de mœurs qui frappent la presse, l’opinion publique a tranché : dans les cars rapides, aux détours des rues, dans les bureaux, bref partout le verdict sonne comme un coup de gong ; « c’est bien fait pour eux, les journalistes sont de grandes gueules » dit-on. Sans aucune forme de compensions. L’opinion publique se nourrit de reliques et autres commérages mais n’admet jamais qu’un honnête citoyen soit vilipendé, jeté aux pâtures. Zadig, ce personnage de Voltaire disait : « il n’y a point de hasard, tout est récompense ou prévoyance, épreuve ou punition. » Vérifions nos actes de tous les jours voir. Quel que soit le manteau qu’on nous fait porter, la clause sociale doit être de rigueur. Et la clause sociale veut qu’on regarde son voisin comme on se regarde dans le miroir, qu’on ne fasse pas des grimaces quand l’autre souffre, ces confrères ne méritent pas toute la saleté qu’on déverse sur eux, comme les marabouts, les hommes d’affaires, le citoyen tout court ne méritent pas qu’on raconte des contrevérités sur eux. Mais c’est un moment utile pour faire de l’introspection parce que s’ériger en donneur de leçon est un fardeau inutile pour les journalistes. On le tient de nos maîtres au CESTI. Ils sont encore là. Qui ne trouve pas du bonheur à lire ou à écouter Mame Less Camara faire une chronique ou une analyse ? Malheureusement nous avons dans ce pays des journalistes-analystes-experts-cube jumbo, qui aromatisent toutes les sauces de la République.  Le miroir n’a pas de mémoire, heureusement.  Mais quand le « vrai miroir » nous montre notre véritable visage, c’est la mort sociale, aucune réhabilitation n’est possible.

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