Après avoir évoqué le danger que représentent les « chasseurs de terre fertile » dans un précédent article (http://www.club-upsilon.com/agriculture-les-chasseurs-de-terres-fertiles-un-danger-pour-lagriculture-paysanne-senegalaise/), nous nous sommes demandé « quel est le devenir de l’agriculture sénégalaise et comment pourrions-nous la mettre au service du développement territorial du pays et des paysans en particuliers ? Le développement territorial consiste à impulser une dynamique locale dont les acteurs partageant la même histoire, la même culture et les mêmes ressources, élaborent des stratégies pour accroitre la compétitivité de leur territoire afin d’améliorer leur niveau de vie. De surcroît, la richesse d’un pays ou le poids de son économie peut se mesurer à la capacité de son agriculture à couvrir son besoin alimentaire, gage de croissance, de stabilité sociale, de santé communautaire, etc.

Ainsi, l’agriculture est une activité multifonctionnelle, car, elle assure une sécurité alimentaire, fournit aux autres secteurs des services, et favorise une gestion de l’environnement, ce qui au final stimule une ou des dynamiques territoriales. Toutefois, au Sénégal, la part du PIB agricole représentait en 2011 à 15,4%1, ce qui est faible par rapport à ce que représentait la population active agricole environ 70%. La population active agricole, les superficies inexploitées, le relief et d’autres indicateurs confirment que le Sénégal reste un pays agricole dont la capacité est loin d’être exploitée (riz, maïs, mil, etc.).

Dans les lignes qui suivent, nous proposons quelques pistes, non exhaustives, de réflexion pouvant permettre le développement d’une économie de territoire agricole et le dynamisme des espaces éco géographiques du pays :
 Mener un diagnostic territorial agricole
 Elaborer une étude prospective agricole pour les 25 ans à venir,
 La sécurisation du foncier pour les ayants droit, 1 http://www.statistiques-mondiales.com/senegal.htm
 Disponibilité de semence de qualité en s’appuyant sur des filières,
 Promouvoir des formations aux systèmes de production adaptées aux territoires,
 Maitrise des ressources en eau,
 Diversification et stratégie de filière,
 Renaissance de service agricole territorial (chargée d’accompagner les agriculteurs dans l’organisation, gestion des conflits, etc.),
 Favoriser l’investissement profitant aux actifs de ces territoires, (privés, publics),
 Coopératives agricoles locales et même régionales dirigées par les ayants droit (contractualisation, mutualisation de moyens techniques, par filière, etc.),
 Pistes de production durable multifonctionnelle (pare feu luttant les feux de brousse),
 Gestion différenciée de l’espace agricole/pastoral (par exemple la gestion fourragère),
 Travailler sur l’accessibilité des petits agriculteurs sur le marché (circuit agricole),
 Valorisation des produits locaux afin de créer de l’activité et des emplois,
 Favoriser la consommation des produits locaux (exemple du riz de la Vallée et de la Casamance, etc.),
 Création d’opportunités économiques non agricole (activités génératrices de revenu…),
 Renforcer la gouvernance locale (décentralisation, moyens d’accompagnement, agent compétents, application des textes, etc.),
 Implication des collectivités territoriales dans les politiques agricoles (application des compétences en lien à l’agriculture, etc.),

Pour être effectif, ces points ci-énumérés doivent être coordonnés afin d’aboutir à la territorialisation de l’activité agricole, en s’appropriant de manière durable aux espaces écogéographiques.

À cet effet, l’agriculture ne relevant pas uniquement des seuls acteurs qui la pratiquent doit s’appuyer sur un management agricole/territorial dont l’instance publique élabore en partenariat avec d’autres acteurs : des orientations et des mécanismes de développement alliant agriculture et territoire. Par ailleurs, « l’acte III de la décentralisation » tel que formulé par l’instance publique a un rôle primordial à apporter à ce maillon du développement, en propulsant par exemple de nouvelles dynamiques de politiques agricoles territoriales. En effet, cette étape accentue l’émergence d’une synergie des acteurs locaux, en rapprochant le gouvernement des citoyens. A leur tour, les développeurs (ONG, l’instance publique, etc.) viennent s’y ajouter dans une voie de démarche participative renforçant la gouvernance locale. C’est dans ce sillage que Claude Raynaut (Sahels, 1997 : 375) annonçait « … la participation tant réclamée aujourd’hui doit être non seulement celle des populations aux projets qu’on leur propose mais surtout celle des développeurs aux dynamiques au sein desquelles leur action viendra nécessairement s’inscrire ». Cette gouvernance locale peut promouvoir un mode de développement territorial conciliant des projets d’économies de territoire, de sociétés et de préservation des ressources dont les agriculteurs seront les initiateurs. Pour cela, il faut organiser des rencontres de concertation pour débattre de la situation actuelle, donner des orientations, rechercher des idées nouvelles afin de construire nos territoires de demain. Ainsi, dans une perspective d’atteinte des objectifs du développement territorial, les collectivités locales doivent faire appel à l’échelle nationale, trouver des partenaires et organiser ses acteurs afin de financer des projets agricoles entre autres. Ces espaces sont des territoires d’élaboration de projet, mais, n’ayant pas de ressources financières. De ce fait, il faut une articulation des échelles permettant à ces dites entités de mobiliser des moyens et de mener à bien une dynamique territoriale agricole profitant aux agriculteurs et à leur famille.

Enfin, l’apport de ce nouveau processus de territorialisation est de favoriser l’implication des agriculteurs dans les décisions et orientations agricoles des territoires et du pays en général. Pour cette raison, l’instance publique doit passer de la théorie à la pratique en protégeant les agriculteurs locaux à produire et à vendre sur le marché national, sous régional et même international. Nous ne pouvons pas terminer sans citer cette phrase de Marc Ferre « C’est un non-sens d’importer ce que l’on peut produire, pour produire ce que l’on ne peut pas vendre ».


Serigne Mor Gaye : Aménageur, prospectiviste, développeur de territoire
serignedj@gmail.com
djolof97@yahoo.fr

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here