Le système de revendication légère et de résignation fataliste doit céder la place à l’affirmation lucide des sénégalais. Sous le poids des défis de développement humain et de la nécessité du rattrapage économique, nous ciblons davantage les conditions infligées de vie décente que les trafics identitaires saturés de frustrations et de complexes. Pourvu qu’ils nous apportent bien-être et sécurité, les 3000 yankees mobilisés contre l’Ébola sont bienvenus en terre africaine. Hélas, ils viennent témoigner de la bouffonnerie dans la souveraineté et le dynamisme de l’Afrique génétiquement modifiée (AGM).

À bas les accords de partenariat économique (APE)! Non à l’ingérence militaire! C’en est assez des ajustements structurels. C’est bien beau, mais encore faudrait-il qu’une option cohérente et réaliste accompagne le mouvement de résistance. Faute de quoi, nous nous braquons réactionnaires et critiques jusqu’à ce que le destin nous éprouve, décideurs et comptables de la survie de nos pairs. Le cynisme africain est alimenté et entretenu par un changement de posture récurrent des élites. Les intellectuels africains manifestent, chargent et vilipendent la collaboration impérialiste des gouvernants. Une fois au pouvoir, ils s’adoucissent au contact de la responsabilité brusque de faire vivre les gouvernés.

Vive l’unité africaine, réponse au diktat de l’ordre économique international! Mais en attendant de surmonter les susceptibilités et blocages ethniques, religieux et nationaux, le réalisme impose des compromis. Par souci d’efficacité, portons l’estocade vers les conditions humaines de résistance, c’est-à-dire préparer les citoyens aux efforts et aux renoncements à même de tromper la vigilance des monstrueux maitres-chanteurs. Nous avons beau théoriser, mais le salut ne peut venir que d’un sursaut collectif. Manger local, penser national, vouloir communément.

Entre la posture réactionnaire des activistes et l’attitude d’inféodation des parvenus, il y a un positionnement lucide de responsabilité et d’affirmation devant les légitimes efforts de domination étrangère. L’Afrique n’est pas en retard, elle n’a jamais pris le chemin de sa réalisation. Quand elle ne se noie pas en transe dans les frustrations et refoulements de chien enragé, elle cherche piteusement réconfort dans la compassion et la tolérance des virtuoses compositeurs. Incongruité quand tu nous tiens! Enchaînés, nous nous inspirons des préjugés du modèle colonial afin de le combattre désespérément pour la galerie.    

Le panafricanisme incarne et manifeste, sous l’apparence fallacieuse de l’anticonformisme, l’échappatoire facile de l’intelligentsia négro-africaine face à la complexité des défis et des chaudes requêtes. Comment tourner le dos aux investissements directs étrangers, facteurs de soumission, alors que la démocratie empruntée et admise plébiscite la demande sociale? Voilà une facette du malaise qui renseigne de l’incohérence idéologique, mais aussi du décalage entre les impératifs de survie et de l’idéal d’émancipation.

Anachronisme tout court: d’abord, ils négocient, se rebiffent et se révoltent, mais finissent toujours, en désespoir de cause, par se soumettre, pris entre des doléances croisées du beurre et de l’argent du beurre. Compliquées toutes ces rebuffades fougueuses! Les gouvernants clignotent à droite et virent à gauche clandestinement.

L’histoire de l’élite africaine est faite successivement de déférence et de haine. Selon qu’il s’agit d’acteurs enchaînés ou de spectateurs ronflants, c’est du pareil au même, pourvu que le rapport des forces reste intact. En attendant, les comportements humains contreproductifs et les cibles théoriques et intellectualistes ne rencontrent pas la faveur des conditions pratiques de libération.

Un temps nouveau, des hommes renouvelés, des objectifs clairs et opportunistes naitront des cendres de cette catharsis, riche en enseignements, fut-elle au prix fort. Je plaide pour la relecture du processus de désaliénation et l’absolution pour Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade Inc. pour avoir servi d’éclaireurs, de miroirs et de catalyseurs. Nous sommes solidairement coupables d’hérésie et des manquements fautifs.


Birame Waltako Ndiaye
waltacko@gmail.com

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