L’enjeu dans la manifestation de barbarie sur Charlie Hebdo n’est pas tant la promotion de la liberté d’expression que le traitement guindé de l’information, conciliant par moment, insultant de temps à autre. L’agitation médiatico-politique veut en faire une affaire de religion alors que c’en est rien. Il est question d’un flou entretenu par des intérêts inavouables qui accouchent d’un monstre. Quand Dieudonné s’en prend aux juifs, il est traité d’antisémite et mobilise tout le mépris des bien-pensants. Quand Charlie Hebdo se moque du prophète des musulmans, il exprime aux yeux de la pensée unique son droit d’expression. C’est précisément cette ambivalence qui perd et rend fous des déjà paumés au point d’en faire de vils criminels.
L’islam n’est pas en cause. Réglez vos problèmes d’organisation politique, de mutation sociale dont vous niez encore l’évidence des physionomies douteuses. La France des veaux, des vaches, des couvées et des cochons cède une place et encore une autre au cascher et à l’halal dans l’intimité de ses ambitions impérialistes. Vous voilà dans le déni, vous voilà repoussants de vos frêles bras d’idéologues les vagues du multiculturalisme. Les minorités religieuses, tout comme les obèses et les infirmes, ne veulent pas être blâmées, profanées et insultées pour leurs différences.
Musulman, je refuse de porter toute responsabilité dans cette affreuse renonciation à l’intelligence. Les Kouachi et Coulibaly ont agi au nom de leur islam sur mesure de soubresauts post-dévastation. Ils en ont fait moyen explosif et exutoire obscur de leurs propres troubles d’avec leurs concitoyens. Qu’à cela ne tienne ! L’islam est figé dans sa lettre, seule l’évolution des adeptes ainsi que les déterminants du temps et de l’espace en font varier lecture et perception. Savez-vous que pour les bouts de bois Dieu affiliés à Cheikh Ahmadou Bamba, seul l’effort consenti contre la luxure fait office de djihad ?
Je ne suis pas Charlie, je ne suis pas absolutiste non plus. En vérité, je plaide étranger à ce méli-mélo d’accusations imprécises parce que détournées des principes du vivre en commun. Autrefois répréhensible d’excès et d’outrage, aujourd’hui phare de la démocratie, Charlie Hebdo fait prétexte, il sert de canevas à qui sait se servir des amalgames pour clouer le bec aux brasseurs des contradictions de branchés modernes. L’occident frissonne, il réalise que ce qu’il a toujours considéré comme avancement n’est que déplacement dans le circuit fermé des contradictions humaines, celles de l’homme en prise avec ses insuffisances et ses convenances de prétentieux civilisé.
Servez-vous de la barbarie manifeste pour dénigrer l’immigré, servez-vous de Charlie Hebdo pour justifier votre mission de pont-médiateur. À la droite extrême comme à la gauche caviarde, nous vous disons : oh ! Le manège n’a que trop duré. Le problème est français comme il a été américain, algérien et nigérian. Jamais, il ne peut être question de religion, il part des crevasses d’injustice et d’ignorance de la cité pour immerger en surface, corrosif de toute paix sociale, de toute insouciance apaisante.
Religion ou politique ? Difficile de faire la différence, mais possible d’en distinguer la teneur spirituelle. Depuis Yemen, à partir du conflit proche-oriental, des jeunes se nourrissent de sentiments d’appartenance, ils s’enorgueillissent de liens forts et de promesses d’éternité pour en arriver à faire des horreurs. Et vous, du bas de votre détachement à tout esprit supérieur, vous me tenez responsable d’association religieuse, des méfaits d’interprétation du coran empoisonnée et diabolique.
Plus que jamais musulman et noir d’ébène, je refuse de répondre des périphériques altercations, marques des insolentes luxures sinon aliénation par effet d’indigence. Joseph Kony version christianisée ou Coulibaly en acte, tout basané, n’est que théâtralité d’une fracture sociale qui pousse le bouchon trop loin. Ce n’est pas Charlie Hebdo la caricature, la satire bouffonne de mauvais goût s’illustre par l’affolement orchestré par des assassins à qui on prête, à tort, des motivations prosélytes.
Birame Waltako Ndiaye