Le Sahel est confronté à un problème de sécheresse et le nord du Sénégal n’en n’est pas exempt. Or la sécheresse, combinée à des facteurs humains comme les feux de brousse ou le surpâturage, a rompu l’équilibre écologique : les ressources naturelles se dégradent et les productions agricoles diminuent. Pour restaurer cette région, le projet panafricain de la Grande Muraille Verte avait été adopté au Sommet de l’Union africaine en 2007. Huit ans plus tard, un premier bilan au Sénégal.

Les objectifs de la Grande Muraille Verte sont de planter une coulée verte de 7 600 km de long sur 15 km de large à travers le continent africain, de la Mauritanie à Djibouti, pour ralentir l’avancée du désert, améliorer la gestion des ressources naturelles et lutter contre la pauvreté.

Aujourd’hui, le résultat est contrasté, l’instabilité politique de certains pays les ayant empêchés de faire leur part du travail. Mais au nord du Sénégal, c’est l’action qui a prévalu et qui montre aujourd’hui ses premiers résultats.

La Grande Muraille est un projet participatif qui rassemble les populations locales, l’Agence sénégalaise de la Grande Muraille, qui dépend du ministère de l’Environnement, et des scientifiques notamment du CNRS, de l’UCAD et de l’Observatoire Hommes-Milieux Téssékéré.

L’eau, un problème récurrent
Le Ferlo est une zone sylvo-pastorale dans le nord du Sénégal. Pour Aboubacar Dieng, éleveur Peul du côté de Widou Thiengoly : « Depuis la sécheresse de 1973, nous avons remarqué qu’il y a une diminution drastique des plantes. Et ces 3 dernières années non plus, la pluviométrie n’était pas bonne. Ça a seulement commencé à reprendre cette année. »

Les sécheresses successives et l’accroissement de la population ont eu raison de l’herbe comme de l’eau. A la fin de la saison sèche, les troupeaux n’ont plus rien à brouter et les éleveurs transhument. Les puits, qui ont été forés dans les années 1960, sont éloignés les uns des autres d’une trentaine de kilomètres et les femmes, qui ont pour mission de s’occuper de l’eau, quittent les campements le matin avec des containers, sur une charrette tirée par des ânes, et ne rentrent qu’à la tombée de la nuit.

Aménager l’espace par petits morceaux
Dans cette vaste région parsemée de villages, où les troupeaux de zébus ou de chèvres sont importants, l’aménagement se fait en accord avec les populations. On plante de nouvelles parcelles dans des endroits boisés existant auparavant, et l’avancée des plantations s’arrête quand il y a un village.

D’autre part, le choix des parcelles à replanter s’effectue en accord avec les éleveurs et leur disposition laisse des couloirs libres pour que le bétail puisse circuler. Les arbustes sont cultivés par les villageoises, dans des pépinières, puis replantés par des jeunes qui sont rémunérés pour cette tâche.

L’eau est rare dans cette zone et les jeunes arbres ne sont pas arrosés. Mais pour profiter au maximum de l’eau de pluie, des sillons sont tracés entre les plans tout au long des parcelles pour conserver cette eau.

Planter des arbres, mais pas n’importe lesquels !
Le choix des espèces à replanter repose sur plusieurs paramètres. D’abord, l’arbre doit déjà être présent dans la zone, sa résistance à la sécheresse scientifiquement démontrée, les habitants doivent en connaître les propriétés et si possible en avoir une utilisation traditionnelle – pharmacopée, pour un usage domestique etc – d’autant que les plantations sont supposées apporter de nouvelles ressources économiques.

Parmi les espèces championnes aujourd’hui, il y a l’acacia Sénégal, qui est notamment utilisé pour ses vertus anti inflammatoire et fournit la gomme arabique, un ingrédient très prisé dans la confiserie, et le dattier du désert – Balanites aegyptiaca -, dont l’écorce a des propriétés vermifuges et le bois est utilisé en construction.

Les bénéfices associés
En complément du reboisement, des jardins polyvalents ont été créés. A Widou-Thiengoly, le jardin de 7 Ha est cultivé par 249 femmes regroupées en association. On y cultive des légumes : pastèques, niébé et aubergines amères à la saison des pluies. Pendant la saison sèche, ce jardin est irrigué par un système de goutte à goutte et l’on y fait alors pousser des oignons, des carottes, des tomates, des pommes de terre, des salades.

Le surplus de légumes qui n’est pas consommé par les familles des cultivatrices est vendu au marché – ces légumes sont très prisés parce qu’ils sont sans pesticides ni engrais chimique – et l’argent est utilisé notamment pour des prêts au sein de l’association. Il y a aussi quelques arbres fruitiers, des manguiers, citronniers et orangers, qui ne produisent pas encore suffisamment dans l’optique de vendre les fruits, mais assez pour régaler celles qui cultivent !

Ces nouveaux jardins ont permis une diversification de la nourriture bénéfique pour l’ensemble de la population.

Des résultats positifs
Les villageois et les éleveurs rencontrés témoignent d’un progrès depuis que les arbres ont commencé à pousser : les nouvelles plantations conservent l’humidité et l’herbe qui pousse au pied des arbres est plus riche, donnant un meilleur fourrage pour les animaux. Et quand les grillages qui protègent les premières parcelles – celles de 2008 et 2009 – vont être ôtés, ce qui ne devrait pas tarder, le bétail pourra s’en régaler librement. Du côté de la faune, des espèces d’oiseaux qui avaient disparu depuis des années reviennent, et même des renards ont été aperçus dans les bosquets.

Et tout le monde a remarqué que ces nouveaux arbres ont pour vertu d’arrêter le vent qui vient du Sahara en transportant des nuages de sable et de poussière parfois jusqu’à Dakar. Or cette poussière est responsable de maladies pulmonaires et d’allergie. La Grande Muraille a donc également des retombées positives sur la santé.

Améliorer l’environnement, un projet à long terme
Mais au Sénégal, la Grande Muraille mesure 545 km de long sur 15 km de large, autrement dit : 817.500 Ha ; et même si compte tenu des activités humaines, 45% seulement du territoire doit être reboisé, il reste environ 340.000 Ha à restaurer effectivement. Pour le colonel Pap Sarr, directeur technique de l’Agence de la Grande Muraille, au rythme actuel de 5000 Ha reboisés par an, une petite dizaine d’années semble encore nécessaire pour toucher au but.

Auteur: Agnès Rougier – RFI

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