Depuis la traite négrière, en passant par la colonisation, le capitalisme et la mondialisation on a tendance à dire toujours que l’ennemi principal de l’Afrique reste sans doute l’occident. Chaque événement qui passe et qui nous frappe de plein fouet, accablant encore et encore le corps déjà fortement amoindri de notre peuple et creusant de nouvelles cicatrices douloureuses et pérennes, met en évidence notre vrai statut de peuple opprimé et de peuple dont la dignité est bafouée à tout instant.
La cause est de toute évidence, elle pointe le bout de son nez, il suffit juste d’être un minimum lucide pour s’en rendre compte : Nous ne sommes pas un peuple souverain, et chaque jour le continent perd et risque encore de perdre un état-nation ou une nation toute entière. Cependant, un État-nation est un concept théorique, politique et historique, désignant la juxtaposition d'un État, en tant qu'organisation politique, à une nation, c'est-à-dire des individus qui se considèrent comme liés et appartenant à un même groupe. C'est donc la coïncidence entre une notion d'ordre identitaire, l'appartenance à un groupe, la nation, et une notion d'ordre juridique, l'existence d'une forme de souveraineté et d'institutions politiques et administratives qui l'exercent, l'État. Sans cette coïncidence, on parlera plutôt d'un État multinational. Alors que d'une manière générale, une nation est une communauté humaine identifiée dans des limites géographiques souvent fluctuantes au cours de l'histoire, et dont le trait commun supposé est la conscience d'une appartenance à un même groupe.
Pendant la période de la traite négrière c’étaient les africains qui aidaient les européens pour capturer les autres sœurs et frères africains pour les vendre avec une plus-value aux négriers.
Pendant la colonisation, ce sont encore ces mêmes africains qui luttaient à coté des européens contre leurs frères africains pour l’invasion, l’occupation et l’exploitation du continent africain. Aujourd’hui le capitalisme et la mondialisation frappent à nos portes et nous lèguent deux classes sociales inégales : les riches et les pauvres et ses corollaires le favoritisme, le népotisme, la médiocrité, le gaspillage, la corruption et l’avidité du pouvoir. L’absence d’une idéologie nationale sévit dans tous les pays africains, les états africains tentent alors de travailler le champ religieux pour faire de l’Islam ou la confrérie une idéologie d’Etat avec toutes les contradictions qui en découlent : les marabouts qui ordonnent leurs disciples de voter pour un candidat quelconque, la remise en cause de la laïcité dans tous les états africains, l’affaiblissement des minorités, réformes constitutionnelles islamiques et application de la charia etc.
L’unification des groupes et des classes inégalement dominées constitue sans conteste, un danger pour les classes dirigeantes. L’absence d’un champ social cohérent reste une condition favorable à la domination de la classe dirigeante qui se maintient et se stabilise justement sur la base de l’hétérogénéité et de la faiblesse des groupes et des classes dominées. La révolte des classes dominées peut entrainer des guerres interminables et même jusqu’a la disparition d’un état ou la création d’un nouveau état comme le cas du Soudan qui a été divisé en deux par la révolte des habitants du sud et la principale cause reste le pétrole. Les occidentaux étaient indifférents comme si la division du soudan les intéressait et la face cachée de l’ONU exhorte toujours la division des nations africaines pour mieux régner. Le 2 mai, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté à l'unanimité la résolution 2046 accordant aux deux pays trois mois pour résoudre leurs différends, sans quoi ils feraient face à des sanctions. Le soudan ne devait pas être balkanisé et le soudan du sud ne devait pas être reconnu par l’ONU. A ce rythme en 2100 l’Afrique va perdre plusieurs nations et des multitudes de petits états vulnérables et pauvres seront crées.
On peut plus parler d’état en Centrafrique il n’y a pas de Nation, ni Etat les rebelles font la loi, elle est devenue maintenant comme la définit Jean-Didier Gaïna « La Centrafrique, une république ou un pays sous contrôle d’hommes sans foi ni loi ».
La situation reste confuse au Mali, les rebelles du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), qui tiennent le nord du pays avec des groupes islamistes armés. On peut plus parler de nation ou état au Mali, le pays est divisé en deux, en vérité l'intervention de l'OTAN en Libye sans réflexion préalable, sans discussion et sans consultation des pays limitrophes est non seulement scandaleuse humainement mais déstabilisante géopolitiquement. Tout le problème malien est fils du problème libyen, La nouvelle géopolitique sahélienne post-Kadhafi est la clé d'explication des problèmes actuels. Le colonel Kadhafi avait en effet réussi, au prix d'une dictature sévère, à imposer la stabilité intérieure dans un pays mosaïque aujourd'hui menacé de fragmentation. La Libye unitaire n'existant plus, le danger est de voir apparaître une situation de guerres tribales et claniques comme en Somalie, au Tchad bref le Darfour avec toutes les conséquences régionales prévisibles. D'autant plus que les armes dérobées dans les arsenaux libyens (missiles Sam, etc.) vont irriguer de vieux conflits (Nord-Tchad, touareg, Darfour, etc.) et que les combattants sahariens de la Légion verte, créée par le colonel Kadhafi dans les années 1980, sont prêts pour des aventures.
Le Congo reste un vieux foyer de rébellion, le président ne peut plus contrôler toute la région. Une grande partie de l’Etat tombe entre les mains des rebelles. Il y a deux semaines, beaucoup de congolais avait soutenu la proposition de Léon Mukendi qui avait posté un document où il était question de diviser le Congo en 6 Républiques : la République du Kivu, la République du Kasaï, la République du Katanga, la République de l’Équateur, la République Orientale et le Royaume Kongo. Le continent africain est devenu une terre à prendre, ses matières premières (uranium, fer, pétrole, etc.) attirent de nouveaux acteurs comme la Chine ou l'Inde.
Seule la souveraineté sauve les peuples, seule notre propre continent garantira notre existence et sauvegardera notre identité, nul peuple n’a besoin de tutelle d’un autre peuple. Le peuple africain est majeur pour être libre et souverain. Cassons à jamais les tabous, l’Afrique unifiée n’est pas une chimère, elle est réalisable et elle doit être réalisée. Réglons nos problèmes à l’africaine.
Vive l’Afrique libre, indépendante et unifiée…
Par Malick Ndiogou Diaw, étudiant en Master II à L’UCAD en culture et civilisation africaine à la faculté de lettres et sciences humaines FLSH.
Christian Coulon : Les Musulmans et le Pouvoir en Afrique. ed. Karthala. Paris 1983. p. 76.
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