« Les morts ne sont pas morts », cette assertion de Birago Diop est d’autant plus vrai qu’il ne se passe pas un jour sans que l’ombre de Ndongo Lo ne plane parmi nous. En effet Ndongo Lo, ce jeune artiste fauché par la mort à la fleur de l’âge est un de ceux qui auront du mal à tombé dans les tiroirs de l’oubli du fait de la dimension de l’héritage qu’ils ont laissé derrière eux. L’enfant de Pikine a quitté ce monde la tête haute car marquant son temps et celui d’après à l’encre indélébile.
« Ndanaan su dewè dieufdieu dou nul ndakh netaliga » disait-il, dans son tube intitulé Galass, au fait cette assertion est d’autant plus vraie qu’elle trouve sa pertinence après la disparition de l’auteur. Ndanaan au vrai sens du terme c’est celui qui aura empreint sa vie d’une ouvre qui fait de lui un inoubliable. L’artiste, le marabout, l’homme politique ou tout simplement l’être humain qui, dans sa vie, travaille de façon à laisser aux contemporains et aux futures générations un legs tellement utile que chaque jour qui passe est comme une nouvelle naissance pour lui. La richesse et la pertinence de ses œuvres lui confèrent un statut d’« eternel » car tout dans la vie de tous les jours renvoie à une de ses œuvres. « diiw wacc naa aab ligey » a-t-on l’habitude de dire en wolof pour ne pas dire qu’il est mort. Cet euphémisme choisi non seulement pour designer la mort mais aussi pour signifier qu’il a rempli sa mission dans ce bas monde, trouve en mon sens toute sa pertinence dans le cas précis du défunt artiste Ndongo Lo Niang. Car en notre sens s’il vrai que tout le monde souhaiterait vivre le plus longtemps possible, il est aussi vrai que le sens que chacun de nous aura donné à son existence est plus important que sa durée. Certains auront vécu un moment relativement court dans ce monde mais cela n’aura enlevé en rien le travail de titan qu’ils ont abattu dans leur domaine de compétence.
Ndongo Lo, car c’est de lui qu’il s’agit, est resté un très court instant avec nous, seulement trente ans dont vingt cinq de galère et de lutte pour la survie. Donc l’artiste n’a disposé que de cinq ans pour remplir sa mission du point de vue artistique. Cinq ans relativement court pour qui ne dispose pas de suffisamment d’arguments ou pour celui qui tergiverse sur les thèmes, les priorités de son temps.
Cinq ans en fait ont suffit au natif de Pikine pour montrer à tout le monde que le vrai artiste c’est celui qui innove, qui s’inspire de toutes les situations. Avec lui on a appris que ce n’est pas suffisant d’avoir une belle voix mais il était aussi essentiel de la coupler à une inspiration, une intelligence sans faille. Donc l’artiste avait le rare don de disposer de fond et de forme dans ses œuvres ; car nul ne doute de la beauté de sa voix ni de l’extrême rareté de ses thèmes.
Ndongo, par les thèmes qu’il développait vivait au-delà de son temps et l’on avait l’impression par la pertinence de ses arguments d’être en face d’un adulte de plus de quarante ans. Car son niveau de discours tranchait carrément d’avec ce que les artistes de son temps avait l’habitude de développer. Lui tout en étant moderne (un look vestimentaire qui était propre à lui) avait un pied posé de manière décisive sur les valeurs traditionnelles qui font la beauté de la société africaine en général et sénégalaise en particulier.
S’il y a quelqu’un qui a rempli son contrat en un temps record c’est le fils de Gorgui Mbagnick car d’entrée de jeu il a montré de façon explicite son attachement à deux êtres qui sont : sa maman Adjia Marietou Fall et son guide son « wassila »,Cheikh Mohamadou Fadel Mbackè . En fait qui connait l’homme ou bien qui a tout simplement suivi son parcours se rendra facilement compte de son amour indéfectible pour ces deux êtres. D’emblée il a ouvert le bal en dédiant une chanson inédite au Cheikh, Elhadji Fallou et comme cela ne suffisait pas il déclara « damalaay waay baa baamay sango soufsi » (je chanterai tes louanges jusqu’à la fin de mes jours). A sa mère aussi il a dédié l’un des plus beaux titres de son cursus et nul ne doutait ni n’ignorait l’amour qu’il nourrissait à son endroit. Toutes les occasions étaient bonnes pour chanter sa chère maman.
Outre son marabout et sa chère mère, l’artiste a eu au cours de son bref séjour à montrer son attachement à un lieu, la banlieue particulièrement Pikine sa ville natale.il se dit fier d’être né et d’avoir grandi dans cette partie de la capitale. « munuloo rey ba gueneu reuy fanga judo.lumu gudi gudi lumu lundum lundum pikine lay fanaan ».
Outre ces thèmes, l’homme a eu à magnifier les mélomanes du monde de tubes comme : Nabi, sey, rewmi, doumala bayi ,barkè baay, diegou pousso,xarit ,marchands ambulants etc..
L’artiste durant cette courte période qu’aura duré sa carrière a réussi à révéler une autre facette de lui, il a en effet montré au monde entier ses talents qui ont fini de le porter à la plus haute marche du podium des experts du live. Si l’on réécoute quelques morceaux que l’artiste a reproduits en live, l’on serait tenté d’affirmer sans risque de se tromper que le jeune pékinois était mieux en live, il était plus à l’aise quand il se produit en live. Pour s’en convaincre il suffit de se conférer à des morceaux comme tatafu,diegou poussso , tarkhiss, nabi ou encore borom ndindi…
Pour lui le temps pressait et l’urgence du moment était moins de se livrer dans une polémique stérile ou une séance d’explication que de servir aux milliers de gens qui l’aimaient des produits consommables. Pour lui l’urgence était de laisser aux sénégalais un héritage qui servirait de livre de chevet à tout un chacun. Les œuvres posthumes (fataliku demb, sey ou encore borom ndindi) par le niveau de discours ou par la beauté des textes en disent long sur le caractère spécial du défunt artiste qui inspire encore beaucoup d’artistes de la scène musicale sénégalaise.car si on jette un regard attentif à ce que nous servent les artistes actuels , on voit que beaucoup d’entre eux nous servent du Ndongo Lo soit par le comportement vestimentaire soit tout simplement par des termes que l’artiste a employés avec tact et à d’autres occasions. .
Ndongo a su entrer dans le cœur des mélomanes par son feeling (occupation scénique), son look vestimentaire mais aussi par sa voix qui tranchait carrément avec ce que l’on a l’habitude de voir ou mieux d’entendre.
Ndongo, contrairement au personnage de Ben Okri dans flowers and shadows qui avait horreur de se rappeler du moindre détail de son passé rejetant en bloc toute personne ou toute chose susceptible de lui apporter un flashback ; lui (Ndongo) avait l’habitude de faire référence à son passé dans ses discours mais aussi et surtout dans ses chansons.
Ndongo à travers la chanson dédiée à ses amis d’enfance « kharite » et celle dédiée a momar gueye frère ainé de Ndiamè celui qu’il surnomma son jumeau « fateliku demb» fait preuve de reconnaissance car dans un dialogue avec Baye Demba Faye le frère cadet à Mbaye Dieye Faye incite son monde à la reconnaissance car soutient-il « kou fatè lilla faal dinga folekou » .
Ndongo Lo Niang est venu apporter la rupture à une certaine tradition, bafouer l’ordre qui semblait préétabli constituant la source à laquelle viennent se désaltérer pas mal d’artistes actuels. Ainsi il avait raison quand il affirmait lors d’une soirée « maan maay gouy gou daargui khaleyi thi maan lagni dianguè yeeg ».
Porte étendard de la banlieue, il revendiquait haut et fort sa provenance, Pikine, ville qui l’a vu naitre et grandir et qui lui était tellement chère qu’il disait « loumou goudi goudi loumou leundeum leundeum pikine laay fanaan ».il fait ainsi partie des premiers qui ont entamé l’œuvre de dédiabolisation de la banlieue; faire comprendre à qui veut savoir que l’on peut venir du plus profond de la banlieue sans moyen et finir à la plus haute marche du podium et ceci seul le travail peut nous le concéder.
Ndongo, tu es certes parti mais tu es à jamais présent parmi nous car le vrai artiste ne meurt jamais, à chaque fois que l’on revisite son œuvre c’est comme une renaissance pour lui; et toi même ne le disais tu pas dans ton tube intitulé fallou « ndanaan bou dewè dieuf dieu dou null ndakh netaligaa ». Les générations contemporaines et celles d’après gagneraient à faire de ton œuvre et de ta vie un cahier de route pour affronter la longue marche que constitue la vie.
Ndongo, tu es certes parti comme un météore mais comme disait Julie Burchill « les larmes sont parfois une réponse à la mort. Quand une vie a été vécue vraiment honnêtement, vraiment avec succès, ou simplement vraiment, la meilleure réponse à la ponctuation finale de la mort est le sourire » donc Ndongo qu’Allah t’accueille dans son paradis. 11 likhlass.
MALICK SAKHO(BERGAMO,Italie)
MALICK SAKHO(Italie).