Depuis les révélations fracassantes, inattendues et inédites du Colonel Abdoul Aziz Ndaw, commandant en second de la gendarmerie, jetant l’anathème, à travers son brûlot, « pour l’honneur de la gendarmerie, sur des pratiques peu orthodoxes au sein de la République et particulièrement dans l’armée réputée dévouée dans la cause républicaine et censée la défendre , la protéger en se mettant exclusivement au service du peuple , le débat fait rage.

L’armée communément appelée «  la grande muette » peu loquace, chiche en révélations assignée à une réglementation astreignante qui contraint le corps militaire au devoir de réserve c’est –à –dire une attitude discrète dans les actes ou les propos, est éclaboussée dans sa réputation et tombe en disgrâce.

Le  colonel Ndaw, très au parfum des combinaisons secrètes de sa hiérarchie est-il d’une maladresse insigne en voulant soulager sa mauvaise conscience ? Devrait –il faire abstraction de ses inquiétudes, de son sens de l’éthique, au nom du devoir de réserve, ou du principe du secret d’Etat ? Le peuple n’a-t-il pas le droit d’être tenu informé, à chaque fois que de besoin, si sa sécurité est menacée, comme dans toutes les grandes démocraties dignes de ce nom ? Cette multitude de questions, présentement, sans réponses, trotte dans la tête de plus d’un sénégalais et ce questionnement continu qui s’impose à leur conscience mérite des réponses précises, sans équivoque, de la part de l’inspection générale des forces armées qui devra être saisie par qui de droit pour enquêter sur les accusations et allégations du colonel Ndao et en tirer toutes les conséquences.

Ce brûlot incisif met en relief les relations conflictuelles, entre les hommes de l’armée, ses plus hauts gradés, en particulier leur cupidité, et révèle une violence supposée capable de bafouer la vie humaine au nom du secret d’Etat, vie que l’armée est censée protégée. Ce livre vient à point nommé car  démontrant, encore une fois, que la traque des biens mal acquis que l’on veut faire passer pour une chasse aux sorcières, une mascarade de justice n’est qu’un artifice pour se soustraire de Dame justice.

Le  colonel aurait recouru aux voies réglementaires autorisées en l’espèce avant de rendre publics ses secrets pesants qu’il devrait uniquement garder pour lui tel un  vrai tombeau, fussent –ils dignes d’être  divulgués. Et il est d’une audace qui n’exclut pas la conscience du risque car il intègre donc de facto  sa responsabilité de répondre de ses actes au plan disciplinaire. Son ouvrage impliquerait son supérieur hiérarchique direct, Le général Abdoulaye Fall, au premier plan, accusé entre autres, d’être de connivence avec l’ennemi, de sa gestion chaotique et antirépublicaine de la rébellion casamançaise. IL aurait fait miroiter au Président sortant, Maitre Abdoulaye, une paix probable, l’imminence d’une sortie de crise, et qu’il profiterait de sa position sociale pour s’enrichir sur le dos du peuple.

Il convient de rappeler que l’usage outrancier de l’argent, qui d’ailleurs est un secret de polichinelle, par le régime sortant, dans ce conflit, apparait plus comme un moyen de pérennisation de la guerre, un facteur d’enlisement dans les négociations et d’enrichissement des belligérants qu’à autre chose. Une rébellion nourrie, entretenue, par l’argent du contribuable serait un manquement grave aux devoirs de sa charge et à la défense de l’intérêt de la nation. Quelle est la responsabilité du Président Wade ? La paix est –elle monnayable d’autant plus que la guerre(…) est un acte de violence destinée à  contraindre l’adversaire à se soumettre à notre volonté pour reprendre K. Von Clausewitz ? Vouloir la paix à n’importe quel prix, se refuser absolument de recourir à la violence, de telles attitudes peuvent souvent présenter  de graves inconvénients y compris pour la sauvegarde de la paix elle-même.

La mort suspecte de l’ancien président de l’ex – conseil régional de Ziguinchor, Omar Lamine Badji refait surface au bout de sept années de silence du Colonel Ndaw. D’ailleurs le Colonel Ndao a clairement affirmé qu’Abba Diedhiou, un des témoins clés de cet assassinat d’Omar Lamine Badji, a été lui aussi tué dans les locaux de la gendarmerie au cours de son interrogatoire. Qu’est –ce qui s’est réellement passée ? Pourquoi le colonel Ndaw a-t-il gardé le silence pendant ces sept ans ?  L’image de l’armée serait vivement ternie si le peuple  ne trouve de réponses adéquates face à toutes ces interrogations. L’exigence de vérité commande l’élucidation de ce double meurtre. « Rien ne mérite d’être acheté au prix du sang  humain pour parler comme Jean Jacques Rousseau. Car toutes les valeurs morales trouvent leur fondement ultime dans la personne humaine, fin en soi. » Aucune fin ne saurait justifier l’usage de la violence portant atteinte à la dignité humaine. Et il n’y a de violence que dans la volonté d’une conscience de réduire un autre à sa merci.

Il ne s’agit de prime abord de tenir pour vraies toutes les accusations et allégations somme toute, inquiétantes et bouleversantes du Colonel Ndaw mais la morale exige à ce que toute l’attention qui sied à cette situation inédite lui soit accordée et que par voie de conséquence que la lumière jaillisse pour éclairer la lanterne du peuple qui n’est pas dans le secret des dieux.

Doit s’adosser sur une forme de mutisme que lui exigerait  « la grande muette » pour s’empêcher de procéder à des enquêtes et de situer toutes les responsabilités dans une affaire aussi grave qui  touche notre sécurité nationale, c’est faire preuve d’une volonté manifeste de ne pas se porter garant de la constitution et d’affaiblir de surcroit notre armée , notre fierté, notre honneur. « On nous tue, mais on ne déshonore pas »

L’armée est une institution qui ne doit jamais défaillir, dans une démocratie car elle offre des symboles, des modèles, des signes et des valeurs. Elle est le socle sur lequel s’appuie toute démocratie digne de ce nom. C’est une opportunité qui est offerte au Président de la République, de démontrer, encore une fois, que c’est un homme de ruptures et que sa neutralité n’est pas sujette à caution. Par conséquent, il lui incombe de veiller à la justesse de l’enquête afin d’effacer et de corriger les manquements et dérives, s’il y’en a, de la mémoire collective, sans parti pris, tout en situant les responsabilités des uns et des autres dans cette affaire rocambolesque, et surtout penser réformer notre armée car « le bonheur ne se trouve pas dans la liberté mais dans l’acceptation du devoir dixit André Gide préfacier de Vol de nuit de Saint Exupéry »

Bah Fall

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