La production laitière est entrain de booster l’économie locale du département de Linguère. L’implantation des unités de transformation laitière à Linguère et à Dahra contribuent favorablement à l’émergence de la filière du lait qui a vu le jour dans la zone sylvo pastorale, son bassin naturel. Cette filière se développe grâce à la présence dans la zone d’organisations pastorales comme FBAJ (Féddé Bamtooré Aynaabé Jolof), ADID, ADESKA, mais aussi, à l’appui financier et l’assistance technique d’ONG notamment la CISV (ONG italienne).
La souveraineté alimentaire détenue par le lait depuis des lustres doit ses explications à plusieurs facteurs.
Une production laitière croissante
Cette filière du lait se développe parallèlement à l’expansion de la production animale. La satisfaction de la demande locale demeure tributaire de la quantité produite annuellement et estimée à des millions de litres. La percée et le développement de la filière laitière tiennent en grande partie à la mise en œuvre de la politique gouvernementale qui a élaboré en 2005, une lettre de politique de développement de l’élevage (LPDE), articulée sur trois axes stratégiques :
_ Environnement de la production pour l’amélioration de la compétivité par le renforcement de la sécurité sanitaire des aliments, le renforcement de la prophylaxie médicale du cheptel et la modernisation des circuits de distribution et de commercialisation ;
_ Intensification de la production à travers la création de fermes privées modernes ;
_ Sécurisation de l’élevage pastoral, basée sur l’amélioration de la gestion de l’espace, le renforcement des infrastructures pastorales, le renforcement des capacités des éleveurs et l’amélioration de l’accès aux crédits.
Le volet élevage de la GOANA, lancé en 2007, met l’accent sur le développement des potentialités locales à travers le programme national de développement de la filière laitière (PRODELAIT), qui vise à prolonger les actions déjà menées dans le domaine de l’amélioration de la race génétique (l’insémination artificielle).
Ces politiques et programmes ont contribué énormément à booster la production laitière dans la zone sylvo pastorale longtemps considérée comme l’une des vaches laitières du Sénégal. La production présente également un aspect saisonnier avec une offre en surabondance en saison pluvieuse et les mois suivant cette période en raison des nombreuses mises bas et du retour au bercail des transhumants et de l’arrivée des sérères.
Une offre de dérivées très diversifiée
Traditionnellement, le lait cru ou caillé était vendu par des femmes qui les contenaient dans des calebasses portées sur la tête et qui venaient des villages pour faire le porte à porte. Aujourd’hui, cet aliment vital est sous forme de lait caillé, pasteurisé ou stérilisé et vendu dans les épiceries, en gobelets plastiques, dans des boîtes ou dans des seaux. Le lait caillé vendu en petites ou grandes quantités est très prisé dans les marchés à des prix compétitifs. On trouve dans cette catégorie des produits à base de lait, comme le fromage, le yaourt ou le lait stérilisé à coté du « caakri » mélangé au lait caillé dans des pots. D’autres produits traditionnels tels que le beurre et l’huile de bœuf connu sous l’appellation de « diwu nior » sont présents. Toute cette offre diversifiée de fabrication locale est réalisée dans des conditions hygiéniques et saines et dans des emballages modernes et appropriés. Il est à noter que toutes ces denrées existent à coté d’une panoplie dérivées provenant de l’étranger ou des industries nationales implantées à Dakar.
A cette amélioration de la qualité du lait et des produits laitiers, s’associent d’autres mutations opérées dans le secteur. Avec l’apparition des unités de transformation, la vendeuse d’alors se mue en fournisseuse incontournable pour ces petites entreprises agroalimentaires.
Le GIE FBAJ ou la mamelle nourricière du Djolof
En visitant différentes unités de transformation ou en discutant avec des acteurs, l’on se rend compte que des expériences entreprises dans le secteur donnent plein de satisfaction et laissent susciter l’espoir, quant à la sécurité alimentaire.
La première unité de transformation laitière implantée par le GIE FBAJ, s’impose au site qui abrite le louma de Linguère. A notre arrivée, Fatoumata Sow, l’une des gérantes nous sert un gobelet de lait caillé, pasteurisé et ensemencé. L’association très connue dans la communauté pastorale s’active depuis 1993 à la fabrication de produits agroalimentaires. Yoro Sow, le responsable de la laiterie confie qu’ils ont commencé par produire de l’huile de bœuf, puis le fromage du Jolof qu’ils vendaient à Saint Louis ou à Dakar. Aujourd’hui, la petite entreprise qui a une capacité de transformer 100 litres de lait par jour approvisionne le marché local en lait caillé. Le produit qui a été attesté par l’institut de technologie agroalimentaire a envahi le marché de Touba lors du magal. Avec l’appui des partenaires comme la coopération française, pour la construction de la laiterie, et l’ONG italienne, pour l’équipement et les infrastructures, l’unité de transformation envisage d’explorer le marché national et de diversifier la gamme de produits laitiers qu’elle fabrique, selon Yoro Sow. La collecte du lait, partie intégrante de cette activité industrielle impose la nécessité d’implanter des centres de collecte dans les villages environnants. Ce qui pourrait être la valeur ajoutée et une opportunité de création d’emplois et de revenus. Toutefois, des difficultés interviennent dans le fonctionnement. Elles ont nom : le non accès aux crédits pour la promotion de l’entreprise, le manque de logistiques de collecte et distribution etc.
Le développement du secteur et l’augmentation de la production laitière favorisent l’émergence de petites et moyennes entreprises agroalimentaires pour la transformation et la valorisation de la denrée, gage de sécurité alimentaire et d’avenir pour le Djolof qui demeure pour le Sénégal « une calebasse à lait ».
Mandiaye Bao, notre correspondant à Linguère