Monsieur le Maire,

Par cette présente, je vous apporte le salut fraternel d’une commune de près de 40000 habitants où des hommes, des femmes et des jeunes sont particulièrement inquiets en ces temps de crise sanitaire et de couvre-feu. Toutes ces inquiétudes sont légitimes car elles sont symptomatiques de cette trame épouvantable des évènements actuels qui fissurent douloureusement les fondamentaux du monde. Le Covid-19 est passé par là.
Monsieur Ndiaye, au moment où d’autres Maires ont puisé dans les ressources de leurs municipalités pour venir en aide à leurs habitants, vous et votre équipe municipale, étiez abonnés aux absents. Aucune de vos traces, aucune sortie, aucun communiqué. Rien ! Il a fallu que les habitants grouillent et grenouillent pour que vous bougiez enfin. Des proches m’ont dit que vous étiez en pourparlers pour décaisser une modique somme de 2 millions de Fcfa en guise de soutien à la population. Loin de moi, l’idée de tourner en ridicule cette somme, mais permettez-moi de vous dire que cette enveloppe – comparée aux nombreuses ressources financières que génèrent les taxes et impôts de la commune – reste toutefois dérisoire pour ne pas dire insignifiante face à l’urgence de la situation et des besoins grandissants de la population. Pourtant, la commune de Dahra est un coffre-fort de ressources financières et fiscales. Pour vous le prouver, analysons le budget que vous avez voté le 10 décembre 2020.Vous l’avez arrêté à 500 200 000 Fcfa. Dans la section de fonctionnement, nous avons 340 700 000 fcfa de recettes et 340 700 000 de dépenses et au niveau de la section d’investissement, nous avons 159 500 000 Fcfa de dépenses et 159 500 000 fcfa de recettes. Certains me demanderont pourquoi répéter les mêmes montants à l’intérieure d’une même section ? Mais c’est normal car en finances publiques pour élaborer un budget primitif, il faut obligatoirement respecter la règle de l’équilibre, c’est-à-dire que les dépenses doivent être égales aux recettes.
A Dahra, les taxes locales et autres impôts représentent 270 500 000 fcfa. Ce chiffre atteste que la commune a un énorme potentiel fiscal, généré par sa population et principalement son marché hebdomadaire le « Louma » du dimanche. Je vais vous le démontrer en utilisant un ratio clés qui permet de mesurer la situation financière d’une commune : C’est les Recettes Réelles d’Investissement / Population. En application numérique, cela donne 159 500 000 / 40 000 = 3987.5 Fcfa. Loin d’être neutre, ce chiffre montre que chaque habitant de la commune de Dahra a une part de 4000 fcfa au niveau des recettes annuelles d’investissement.
Monsieur le Maire, je sais que ces statistiques font froid dans le dos et vous les jetterez comme une patate chaude entre les mains. Mais croyez-moi c’est la vérité. Toutefois, laissons les statistiques à coté et les interprétations à la controverse, et analysons ensemble le potentiel économique de la ville.
Vous savez pertinemment que la commune de Dahra est le poumon économique du département de Linguére.Ce dynamisme économique de notre chère ville, s’explique par le développement de son activité commerciale qui repose essentiellement sur l’agriculture et l’élevage. D’après les chiffres officiels le « louma » de Dahra qui se tient tous les dimanches, est le marché hebdomadaire le plus fréquenté du Sénégal et son foirail l’une des plus importantes en Afrique de l’Ouest. Chaque dimanche, vous récoltez entre 10 à 15 millions de Fcfa de recettes fiscales. Dimanche est un jour sacré chez les habitants de Dahra et ses villages environnants. A Dahra, on clame avec humour cette boutade : « Malheur à celui qui meurt le dimanche à Dahra. Car personne ne s’occupera de ses obsèques en raison de la forte implication des habitants dans les activités de commerce le jour du marché hebdomadaire ». Juste pour vous dire que le marché draine du monde et chacun y trouve son compte (commerçants, agriculteurs, éleveurs, tailleurs, mécaniciens, chauffeur, charretiers, conducteurs de motos djakarta…)
Monsieur le Maire, vous comprenez donc que fermer le marché hebdomadaire en cette période de crise plonge la population dahroise dans une crise financière profonde.
Et au regard de la grande vulnérabilité qui les menace, vous devriez réagir et vite. Je vous invite solennellement à faire des réaménagements ou des recoupements sur le budget de 2020 pour au moins décaisser 15 millions de fcfa sous forme d’aide alimentaire, d’enveloppe financière, de vivre, et d’équipement de matériels sanitaires pour le personnel soignant. Des modestes communes environnantes comme Saggata-Djollof, Thiaméne-Pass et même Affé ont appuyé considérablement leurs habitants .Prenez leurs exemples et réagissez svp.
Prenez aussi exemple sur certains citoyens de la ville qui sont constamment aux cotés des populations et les aident fréquemment. Je peux citer le généreux Ministre Samba Ndiobéne Ka qui, en bon samaritain, ne lésine jamais sur les moyens pour aider les habitants de Dahra. Je peux citer aussi le philanthrope Marame Sall qui a apporté son soutien à la population, les honorables députés Ndeye Fatou Guissé et Aniyeu Mbengue qui se sont illustrées aussi par leurs présences et leurs disponibilités ou encore à Idrissa Samb.Ces personnes, il faut les protéger, les soutenir et prier pour elles.
Monsieur le Maire, la situation économique, sociale et sécuritaire est déjà suffisamment difficile pour les populations où beaucoup de personnes n’ont pas accès aux services publics. Et pendant ce temps, très loin de certains quartiers non électrifiés, des routes poussiéreuses, de l’insécurité, à bonne distance de l’hôpital squatté par les malades mourants, assis dans un somptueux salon niché dans un quartier sécurisé, vous êtes en train peut-être de siroter quiètement le thé ou de savourer les délices du lait caillé, une de nos pures spécialités.
Monsieur le maire, il ne sert à rien de continuer à embellir l’état de votre équipe municipale par des chiffres plantureux, des graphiques savoureux, des commentaires généreux distillés par d’onéreux experts dans des communiqués pompeux. La réalité à Dahra, vous la connaissez mieux que moi : c’est un chômage poignant, un système de gouvernance éprouvant, un système de santé navrant, un système d’éducation taraudant et un système de sécurité attristant.
Monsieur le Maire, avec tout le respect que je vous dois, en conscience et en responsabilité, prenez soin de votre ville. Cette ville que nous aimons, que nous valorisons, que nous chérissons. Vous êtes le dernier recours de votre population, donc aidez-la svp !

Vive Dahra !
Vive le Djollof !
Vive la République !

Grenoble,le 14/04/2020

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