Aux États-Unis, la crise du Covid-19 a entraîné une hausse record du nombre de nouveaux chômeurs. À New York, les banques alimentaires tenues par les associations caritatives ont vu, le week-end dernier, de nombreuses personnes ayant soudainement perdu leur emploi venir s’y approvisionner.
Sachets remplis d’oranges, de patates douces et d’oignons, lait stérilisé, boîtes de thon, de saumon… Des centaines de personnes sont venues se ravitailler, les 28 et 29 mars, à l’une des banques alimentaires tenues par une grande association caritative de New York, City Harvest, dans le quartier de Washington Heights, dans le nord de Manhattan.
Ici, pas de longues files d’attente : les gens arrivent au fur et à mesure, portant souvent un masque de protection, et sont maintenus à distance les uns des autres par des bénévoles. « C’est la première fois que je viens », affirme Lina Alba, 40 ans, qui, comme des milliers de New-Yorkais, est aujourd’hui privée de revenus en raison de l’épidémie de coronavirus ayant entraîné l’arrêt de la quasi-totalité des activités de la capitale économique américaine.
Seule avec cinq enfants entre 11 et 23 ans, elle travaillait comme femme de ménage dans un hôtel de Manhattan jusqu’à ce qu’il ferme il y a deux semaines. Ses deux aînés ont également perdu leur emploi. « On a besoin d’aide maintenant, dit-elle. C’est dingue, on ne sait pas ce qui va se passer dans les semaines qui viennent. » Elle s’efforce pourtant de garder le sourire. « Au moins, je passe du temps avec mes enfants. Je suis l’enseignante, la maman, tout. Nous sommes vivants, en bonne santé, il faut juste prier. »
« Cela ne suffira pas »
Cette mère célibataire a mis une semaine à s’inscrire au chômage. Les serveurs informatiques sont saturés. Mais depuis vendredi, « c’est fait », dit-elle, soulagée. Les indemnités devraient commencer à arriver dans trois semaines. Elle espère aussi toucher bientôt au moins 1 200 dollars du gouvernement fédéral, grâce au plan d’aide historique approuvé la semaine dernière par le Congrès. « Cela ne suffira pas », mais « on sera déjà reconnaissant de ce qu’ils pourront nous donner », confie-t-elle.
José Neri, 51 ans, l’un des nombreux employés hispaniques faisant tourner les restaurants new-yorkais, fait aussi appel pour la première fois aux services d’une banque alimentaire. Chez lui, ils sont cinq. « Nous tirons sur nos économies pour survivre », dit-il en espagnol, portant masque et gants de protection de peur d’attraper la maladie. « On a ce qu’il faut pour tenir pour l’instant », ajoute-t-il. Lui aussi compte, pour pouvoir « s’en sortir », sur l’aide promise par le gouvernement fédéral aux petits revenus.
Jhordana Ramirez, 39 ans, est elle obligée de continuer à travailler, malgré les risques de contagion dans une métropole comptant plusieurs dizaines de milliers de cas confirmés. Elle est aide à domicile auprès de personnes âgées, qui « dépendent à 100 % » d’elle. L’effet de la crise sur son foyer est « énorme », souligne-t-elle. Son mari et sa fille aînée ont perdu leur emploi. Sa cadette de 8 ans est « anxieuse » et ne tient pas en place. « J’essaie d’économiser le plus possible, surtout pour le loyer, les factures comme l’électricité, le câble, la nourriture et toutes ces choses », dit-elle, attendant elle aussi avec impatience le chèque fédéral.
« Rien de comparable »
Des témoignages auxquels Geraldine Fermin, employée de City Harvest, s’est habituée, depuis bientôt deux semaines que New York vit confinée. « Ça fend le cœur que ce soit comme ça pour tant de gens », dit-elle. « Les gens qui étaient pauvres sont plus pauvres, et ceux qui avaient des emplois décents, qui pouvaient se débrouiller, sont maintenant pauvres aussi ». « Il y avait avant 1,2 million de personnes à New York qui avaient besoin d’aide pour la nourriture. En ce moment c’est trois fois plus, c’est plus de 3 millions de New-Yorkais, » explique Eric Ripert, vice-président du conseil d’administration de City Harvest.
L’association caritative, qui outre ses marchés fournit en nourriture quelque 400 centres pour sans-abris, n’a pour l’instant pas de problème de ravitaillement, assure-t-il. Mais elle cherche des fonds pour acheter davantage de nourriture et s’allie à d’autres associations pour faire front commun face à « une situation qui va empirer ». « On a connu le 11-Septembre, la grande récession de 2008-2009, on a connu beaucoup de choses, mais ce n’est pas du tout comparable à cette catastrophe qu’on est en train de vivre », s’inquiète Eric Ripert.
Avec AFP