La «longue histoire» du Sénégal en a fait un pays de bien des paradoxes.
La «longue histoire» du Sénégal en a fait un pays de bien des paradoxes : l’ancienne tête de pont de l’Afrique occidentale française, une fois entrée dans ses frontières nationales (196 190 km2) a gardé des ambitions et des attitudes sans commune mesure avec les faibles ressources économiques d’un pays sahélien, qui conserve cependant une renommée internationale appréciable. En revanche, son image de «vitrine de la démocratie» en Afrique s'est craquelée.
De 1960 à 1980, la vie politique sénégalaise s’identifie avec l’action de Léopold Sédar Senghor. Après son conflit en 1962 avec le Premier ministre Mamadou Dia, emprisonné pour tentative de coup d’Etat, Senghor règne seul à la tête de l’Union progressiste sénégalaise, devenu Parti socialiste en 1976. Le régime pratique une forme d’autoritarisme «tempéré» (l’agitation des étudiants en 1968 est réprimée avec vigueur), avant l’instauration d’un multipartisme limité en 1974. avec un Parti socialiste dominant qui laisse peu de place aux autres expressions politiques.
De Senghor à Diouf
Senghor, grand protecteur des arts et des lettres, fait de Dakar une capitale culturelle de l’Afrique, et développe une diplomatie active. L’annonce de son retrait volontaire de la politique en 1980 est perçu comme un coup d’éclat sur le continent. Il cède la place à son Premier ministre, Abdou Diouf, à partir de janvier 1981. Celui-ci instaure immédiatement le multipartisme intégral (trois, puis quatre formations seulement avaient été reconnues depuis 1974), permet à une presse libre d’émerger progressivement, entreprend de lutter, mais sans grand succès, contre la corruption.
L'ère « libérale »
Les différentes crises (auxquelles il faudrait ajouter les frictions avec la Gambie et la Guinée Bissau voisines) ont pu être un facteur d’immobilisme au plan politique. De fait, l’opposition et les intellectuels ne cesseront de dénoncer la «faillite» d’un régime socialiste peu disposé à l’ouverture – mais un gouvernement d’union nationale associe l’opposition en 1995 -, à une époque où la démocratisation fait des progrès partout en Afrique. Le vent commence à tourner à partir des élections législatives de 1998, et aux élections de 2000 Abdou Diouf reconnaît sa défaite face à son vieil opposant, Abdoulaye Wade. En avril 2001, le parti de Wade, le PDS, remporte les trois quarts des sièges à l’Assemblée nationale. Il est réélu en 2007.
En parfait contraste avec Abdou Diouf, prototype de l’administrateur au tempérament réservé, le président Abdoulaye Wade est un personnage haut en verbe, impulsif et imaginatif, volontiers populiste. Attentif au prestige international du Sénégal, il est un des plus ardents défenseurs du Nepad (Nouveau partenariat pour l’Afrique) qu’il contribue à populariser, mais il se révèle aussi ombrageux et autoritaire : il se heurte aux journalistes (expulsion de la correspondante de Radio France Internationale en octobre 2003, mise en détention, en juillet 2004, du directeur de publication du journal Le Quotidien, ou encore suspension de la radio Sud FM en 2005), renvoie brutalement deux premiers ministres, Idrissa Seck, puis Macky Sall, emprisonnés ou visés par des enquêtes judiciaires, au risque de créer des tensions dans son parti. De même, il suscite des critiques dans le pays, lorsqu’il nomme son fils Karim, présenté comme un possible successeur, à la tête d’un «super-ministère», en 2009.Le Sénégal, qui compte un peu plus de 10 millions d’habitants, est progressivement sorti de l’économie arachidière naguère dominante, mais la diversification reste faible, la plupart des ressources étant générées par le tourisme, la pêche ou encore l’exploitation minière. L’augmentation souhaitée de l’investissement étranger n’est guère au rendez-vous, mais on a pu noter ces dernières années une sensible dynamisation des investissements locaux, notamment dans le secteur des services. L’amélioration des finances publiques reste précaire pour ce pays qui fut l’un des premiers du continent à passer, dès 1979, sous le régime de l’ajustement structurel, et le Sénégal demeure dans la catégorie des pays pauvres très endettés, avec un PIB/habitant de 550 dollars (en 2003). Chômage et précarisation des populations pauvres représentent une menace permanente, dans un pays où les explosions sociales ont été récurrentes depuis deux décennies, parfois exploitées par une mouvance islamiste dont l’influence reste difficile à cerner. La singularité religieuse du Sénégal, où la population est musulmane à 94%, tient à la forte organisation des confréries traditionnelles (mourides, tidjanes en particulier) : si elles constituent un facteur de cohérence et de contrôle, leur influence politique et économique est notoire, face à un Etat bâti sur le modèle centralisateur, qui a perdu beaucoup de ses capacités d’intervention. C’est ce qu’illustre notamment la persistance de l’irrédentisme diola dans la région de Casamance, auquel on avait cru apporter une réponse dans les années 90 par une politique ambitieuse de décentralisation, restée largement lettre morte.
Un des atouts du Sénégal reste enfin son grand dynamisme culturel, qui s’exprime dans le cinéma, la musique, la littérature ou les arts plastiques, et se traduit par une multiplicité de festivals et manifestations, comme le Dak’Art, la grande biennale d’art contemporain.