Avec Dakarmatin – Dans son livre intitulé « Pétrole et gaz au Sénégal : chronique d’une spoliation », Ousmane Sonko n’a pas manqué de parler de la responsabilité de l’ancien ministre de l’Energie, Aly Ngouille Ndiaye. Dakarmatin vous propose un troisième jet du brûlot de l’ancien inspecteur des Impôts et domaines.
RESPONSABILITE D’ALY NGOUYE NDIAYE, MINISTRE DE L’ENERGIE : UNE SERIE D’INSCRIPTIONS DE FAUX
Le ministre de l’Energie, cheville ouvrière en matière de concession pétrolière et gazière, joue un rôle central, quasi incontournable dans le processus dont il est au début et à la fin.
– En amont du décret d’approbation[1], qui confère effectivité : il reçoit et instruit les demandes de titre minier d’hydrocarbures ou de contrat de service. Il leur réserve une suite favorable ou les rejette sans obligation de motiver sa décision. Il signe la convention attachée au permis de titre minier d’hydrocarbures, ou le Contrat de Recherche et de Partage de Production, pour les contrats de services ;
– Dans l’élaboration du décret d’approbation, il prépare et instruit le rapport qui présente les termes techniques et financiers de l’affaire au Président de la République, signataire ;
– En aval du décret, il approuve, pour le compte de l’Etat, l’Accord d’Association signé entre Petrosen et le Contractant. Il instruit les demandes d’extension ou de renouvellement de périodes initiales de recherche du CRPP. Il approuve, par arrêté, les demandes de cessions partielles ou totales des droits, obligations et intérêts résultant d’un CRPP. Il procède enfin au retrait du permis, en cas de manquements graves du Contractant à ses obligations[2].
– En phase contractuelle, les opérations pétrolières sont soumises à sa surveillance et son contrôle. Les agents placés sous son autorité, dûment accrédités à cet effet, ont pour mission de veiller à l’application du Code pétrolier, des textes pris pour son application et des conventions et contrats de services en cours de validité. Dans les mêmes conditions, ils sont chargés de la surveillance administrative et technique et du contrôle de la sécurité des opérations pétrolières[3].
– Enfin, sauf si ces opérations s’effectuent entre sociétés affiliées, il reçoit et approuve les demandes de cession ou de transmission des titres miniers d’hydrocarbures, des conventions ou des contrats de services[4].
C’est dire donc, que le ministre de l’Energie et des mines est le maître de la procédure de bout en bout. D’où également sa responsabilité prononcée en cas de manquements.
Dans le cas précis de l’affaire PETRO-TIM, la responsabilité initiale est celle de l’ancien ministre d’Etat, ministre de la Coopération internationale, des Transports aériens, des Infrastructures et de l’Energie, monsieur Karim Wade, qui avait signé les deux CRRP. Il y reprenait la formule usitée : « considérant que le Contractant déclare posséder les capacités techniques et financières pour mener à bien les Opérations Pétrolière autorisées… »
Cette affirmation est inexacte car, comme souligné plus haut, PETRO-TIM n’existait pas et n’a donc pu juridiquement agir et contracter, encore moins posséder de telles capacités.
Elle n’a pu valablement présenter au ministre Karim Wade les preuves de son existence, notamment des statuts en bonne et due forme, car c’est 48h après la signature du contrat qu’elle fût créée.
Soit le ministre ne s’est pas donné la peine de procéder à des diligences minimales de contrôle des informations fournies, ou alors il les a validé en toute connaissance de cause. Dans les deux cas, cette légèreté coupable est une faute lourde et préjudiciable aux intérêts supérieurs du Sénégal.
Mais cette première pécadille, qui annonçait certainement une grosse forfaiture si le régime du Président Wade avait remporté la présidentielle de 2012, n’aurait eu aucun effet compromettant si le nouveau régime, arrivé sous le sceau de la rupture et le slogan de la vertu et de la sobriété, s’était abstenu de prendre les décrets d’approbation.
Le ministre Aly Ngouille Ndiaye, ministre de l’Energie à l’époque, a donc délibérément menti lorsqu’il déclare, dans les rapports de présentation des deux décrets d’approbation, que « PetroAsia est dotée d’une expérience avérée et réussie dans le secteur de l’Energie et notamment dans l’Exploration-Production des Hydrocarbures». Cette entreprise, en vérité, n’avait jamais fait de prospection pétrolière et gazière, encore moins pompé une goutte de pétrole ou un millimètre cube de gaz, pour la simple raison qu’elle n’existait pas. Par conséquent, tous les actes pris en rapport à ces informations constituent des actes obtenus par fraude qui doivent être retirés de notre ordonnancement juridique.
Le ministre Aly Ngouille Ndiaye a ensuite menti lorsqu’il affirme que PetroAsia Resources Ltd est une multinationale chinoise contrôlée par des investisseurs. Le capital de PetroAsia est détenu par un seul et unique actionnaire, monsieur Wong Joon Kwang.
Le ministre Aly Ngouille Ndiaye a aussi menti lorsqu’il mentionne, dans le rapport de présentation toujours, que PetroAsia Resources Ltd est « un Groupe de Sociétés » contrôlés par des investisseurs basés en Asie. Cette dernière est une simple société au capital social de 5 000 000 de francs CFA.
Le ministre Aly Ngouille Ndiaye est coupable d’avoir soumis le décret à l’approbation du Président de la République, nonobstant les nombreuses irrégularités qui entâchaient la procédure des CRPP et les griefs soulevés par TULLOW Sénégal Ltd dans la correspondance qu’elle lui a adréssée le 02 mai 2012.
Le ministre Aly Ngouille Ndiaye est coupable d’avoir instruit favorablement la demande d’extension de la période initiale et soumis un décret à la signature du Président de la République, sans avoir tiré les conséquences du défaut de respect de ses obligations par PETRO-TIM. Manquements qu’il a, paradoxalement, signalé dans son rapport de présentation.
Le ministre Aly Ngouille Ndiaye est coupable d’avoir omis de résilier les contrats de services de PETRO-TIM qui n’avait respecté aucun de ses engagements et ce, conformément aux dispositions du Code pétrolier, de son décret d’application et des termes des CRPP et de l’accord d’association, ce qui aurait eût l’effet de reverser les 90% de parts détenus par PETRO-TIM dans les deux blocs à l’Etat du Sénégal. Il partage cette responsabilité avec le ministre qui a pris sa suite à compter du 1er séptembre 2013, en l’occurrence madame Maïmouna Ndoye Seck.
Le ministre Maïmouna Ndoye Seck est aussi coupable d’avoir autorisé les cessions des droits, obligations et intérêts de PETRO-TIM à TIMIS et de cette dernière à KOSMOS, sans faire exercer le droit de préemption dont dispose le Sénégal. Ainsi, elle s’est rendu complice d’une entreprise d’enrichissement sans cause, par ces opérations spéculatives sur le pétrole et le gaz sénégalais, au profit principal de Frank Timis, de Eddy Wang. Et de qui d’autres ?
Il faut regrétter, concernant Aly Ngouye Ndiaye, que ce comportement hélas soit un trait de caractère marqué. N’a-t-il pas délibérément menti dans l’affaire de l’attribution d’un marché de gré à gré de 300 milliards à une société dénommée Africa Energy, considérée comme une société fictive, pour la construction d’une centrale à charbon et à gaz de 250 MW à Mboro[5]. « Interrogé le 27 Février 2015 au cours de l’émission télévisée Sen Jotay de la Sen Tv, le ministre en charge de l’Energie et des Mines, monsieur Aly Ngouille Ndiaye, a nié l’existence d’un contrat entre l’Etat du Sénégal et la société Africa Energy SA. Et de préciser, pour notre gouverne, que le contrat qui existe, lie le Sénégal avec Archean Group[6] ».
Pourtant, il ressort du décret n°2015-144 , accordant des garanties à la société Africa Energy SA dans le cadre du Contrat d’Achat d’Energie la liant à la Sénélec S.A., et de son rapport de présentation signé par le Ministre de l’Economie et des Finances et du Plan, que « Dans l’exécution de sa mission, la SENELEC SA a signé, le 16 août 2013, avec la Société Africa Energy, un Contrat d’Achat d’Energie pour que cette dernière réalise une centrale électrique d’une puissance de 300 MW au charbon, équipée de trois unités de production. ».
Pour tous ces manquements graves à l’éthique, qui ont tout aussi gravement compromis les intérêts du Sénégal, cet homme mérite d’être déchargé de ses responsabilités ministérielles, interdit de toute charge ou fonction publique et poursuivi devant les tribunaux.
RESPONSABILITE DU MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DU PLAN ET DU DGID : CONCUSSION, COMPLICITE ET BLANCHIMENT DE FRAUDE FISCALE
Les cessions de titres et droits miniers entre PETRO-TIM et TIMIS, et probablement entre ce dernier et KOSMOS[7], sont sous le coup de la loi fiscale sénégalaise comme démontrée plus haut.
Or, le 12 avril 2015, j’adressais une lettre ouverte au DG des Impôts et des Domaines, lui demandant de réclamer à PETRO-TIM et Aliou Sall l’argent des sénégalais en régularisant leur situation fiscale. Cette publication eu l’effet d’instaurer la panique.
Le dossier fiscal de PETRO-TIM sera transféré illico presto du Centre des services fiscaux de Ngor-Almadies, où il était domicilié jusqu’alors, vers le très stratégique Centre des grandes entreprises, chasse gardée d’une certaine technocratie affairiste en bande avec toute sorte de lobbies.
Là, le dossier disparut mystérieusement des tablettes de la gestion courante, certainement bien conservé dans les armoires « confidentielles » d’un de ces bureaux feutrés. La stratégie de la DGID était d’étouffer l’affaire par le silence et le mépris. Et nous ne sommes pas naïf de croire que ce sera le DG actuel, Cheikh Ahmed Tidiane Bâ, homme des réseaux, membre occulte de l’APR et bon élève d’Amadou Bâ, qui apportera le traitement convenable à ce dossier. L’homme n’est pas de cette administration des principes et des vertus dans le devoir.
D’ailleurs, dans son fameux rapport me traduisant devant un « conseil de discipline », j’ai trouvé particulièrement cocasse que, pour prouver les fautes alléguées, il me reprochait d’avoir déploré, dans un de mes articles, que PETRO-TIM ne payait que des retenues à la source sur quelques salariés.
Mais c’était sans compter sur notre détermination à aller au bout de cette affaire. Et c’est un an et demi plus tard, acculé de toute part, qu’Amadou Bâ s’est vu contraint de traiter de l’affaire. Il déclarait alors, le vendredi 16 septembre 2016, que les services compétents de son ministère (DGID) se sont abstenus de fiscaliser ces opérations pour la simple raison qu’elles seraient exonérées de tous impôts et taxes par le Code pétrolier en son article 48.
Archi faux ! Et l’intéressé le sait mieux que quiconque. Mais venant de lui, dont le pédigrée est un secret de polichinelle à la DGID et même en dehors, cela ne surprend point. Cette sortie d’ailleurs nous amenait à réagir dès le lendemain, par une contribution largement publiée dans laquelle nous ironisions : « Le Ministre, qui est une voix autorisée, invoque les dispositions du code pétrolier pour justifier la non-imposition de cette opération par ses services. De deux choses l’une : soit il a oublié ses leçons de fiscalité, à force de s’adonner à la politique politicienne, ou alors il est de mauvaise foi manifeste dans son souci de protéger le frère du Président trempé dans cette affaire. ».[8]
Il est clair que c’est la seconde hypothèse qui est vraie.
En s’abstenant de réclamer à ces entités les impôts qu’elles doivent au Trésor public, et donc au peuple sénégalais, le ministre de l’Economie des Finances et du Plan, ministre de tutelle, et la Direction Générale des Impôts et des Domaines (DGID), se sont rendus coupables de déni d’administration, ce qui est une faute.