Depuis le président Senghor, le dialogue a toujours été une pratique au Sénégal. Même si leur sincérité n’a cessé d’être remise en question, les différents présidents de la République se sont, chacun en ce qui le concerne, livrés à cet exercice qui témoigne de la vitalité de la démocratie dans un Etat. Voilà donc la raison pour laquelle, le président Macky Sall a décrété ce jour, dès le 28 mai 2016, la journée nationale du dialogue.
Il est à noter que la plupart des dialogues qui ont eu lieu, exception faite à celui de 2018, sont sous-tendus par un désir de préserver la stabilité sociale et la cohésion. Souvent prise en otage par les acteurs politique, la paix sociale est toujours perturbée après chaque élection présidentielle surtout avant l’avènement de l’alternance survenue en 2000.
Le dialogue sous Abdou Diouf, entre astuces et ruses
Aux joutes électorales de 1983, 1988 et 1993, beaucoup de tension a été notée et parfois des scènes de violence suivent la proclamation des résultats. Le pouvoir socialiste n’avait cessé de tenir la dragée haute à l’opposition incarnée alors par Maitre Abdoulaye Wade. Dans cette série d’agressions à la stabilité sociale, l’élection de février 1988 fut particulièrement violente et notre pays avait frôlé le pire qui allait survenir plus tard en 1993 avec la mort du juge Maitre Babacar Seye. Pourtant après avoir libéré Wade en 1988, le président Abdou Diouf avait appelé au dialogue avec l’opposant dont il disait qu’il avait le même amour de la patrie que lui.
S’il y a un dialogue qui a pu aboutir à quelque chose d’appréciable, c’est bien celui d’après les élections de 1988. En effet, c’est cette concertation dirigée par le juge Kéba Mbaye qui aboutira à ce qui a été pendant longtemps été considéré comme le plus grand atout entre acteurs politiques : le code consensuel de 1992. Même si l’élection qui suit l’adoption dudit code est émaillée de violence et de meurtre de personnalité, le code de 1992 aura été une référence en matière d’acquis démocratique en ce sens qu’il permettait d’établir des règles de jeu franches et équitables. Il faut le dire c’est la naissance de la loi sur le parrainage, adoptée de façon unilatérale, qui va freiner cet élan de consensus devenu une pratique pendant plus de 20 ans.
Les présidents Wade et Macky : tantôt dialogues tantôt menaces
Depuis son accession à la magistrature suprême, le président Macky Sall exprime sans cesse son ouverture et sa disponibilité de dialoguer. Et tout comme Wade et Diouf, toutes ses différentes invitations s’adressent plus à la classe politique qu’à la société civile. Si la sincérité de ces appels est toujours remise en cause, c’est parce qu’en un moment, Macky Sall a voulu réduire l’opposition à un simple statut de faire-valoir. D’ailleurs c’est ce qui a été noté depuis son premier dialogue officiel le 28 mai 2016. Macky Sall saisit l’occasion et trouve ainsi un prétexte pour libérer Karim Wade, signe de sa « bonne foi ». Cette ruse est quasi-unanime aux différents chefs d’Etat si l’on se rappelle bien les appels au dialogues teintés de menace que le président Wade avait lancés à l’opposition après la présidentielle très contestée de 2017 et le boycott des législatives de la même année.
Aujourd’hui, on est au démarrage du quatrième dialogue officiel de Macky Sall, depuis le 28 mai 2016. Le contexte aidant, l’opposition répond malgré sa défaite qu’elle avait du mal à accepter lors de l’élection de février passé. Il faut rappeler que lors de la session précédente, où il fallait parler des ressources pétrolières et gazières du pays, la classe opposante avait tout simplement boudé après avoir fustigé toute la politique de Macky Sall autour de la question. Sur ce plan d’ailleurs, Ousmane Sonko qui avait écrit un brulot sur une nébuleuse autour du pétrole et Idrissa Seck qui avait traité Macky Sall de « préfet d’Aziz », le président mauritanien, n’avaient pas manqué de « porter presse » contre Macky Sall. Avec ce dialogue qui s’ouvre donc, l’espoir est permis de régler des questions de tous ordres : social, politique, économique et surtout sécuritaire. On peut espérer par-dessus tout qu’il ne s’agisse pas comme à l’accoutumée de saupoudrage qui pourrait créer de fausses illusions.