La presse dit-on est le quatrième pouvoir(les trois autres pouvoirs étant l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire) en ce qu’elle est capable d’impacter positivement ou négativement sur l’opinion publique ou la conscience collective d’un peuple .Les fonctions essentielles d’une presse digne de ce nom sont d’informer juste et vrai , d’éduquer et de divertir. Cette noble mission d’information, d’éducation et de divertissement du citoyen ne saurait être remplie que par des journalistes ou des hommes de média bien formés et bien imprégnés des principes éthiques et déontologiques qui régissent leur noble profession

Dans notre pays le Sénégal, la presse en général, semble faillir à cette mission citoyenne d’informer juste et vrai, d’éduquer le peuple à la citoyenneté. Notre presse est envahie par des opportunistes en quête de popularité, de maîtres chanteurs à la solde de lobbies politiques tapis dans l’ombre, d’hommes d’affaires peu scrupuleux œuvrant pour des intérêts bassement matériels. C’est pourquoi, on assiste aujourd’hui impuissant à une presse en dérive qui met plus l’accent sur le sensationnel, le ludique que sur le factuel ou l’essentiel. Notre presse sacrifie dangereusement le réel, altère les faits au profit de l’émotionnel, du scoop, de l’exclusivité. Elle s’empresse de diffuser l’information à chaud, qu’elle déforme souvent pour « vendre » ,sans se soucier des impacts négatifs sur le devenir de la nation. De ce fait, les informations diffusées par nos organes de presse sont le plus souvent l’objet de démenties de telle sorte qu’on ne sait plus à quelle information se vouer. C’est ainsi que d’honnêtes ou de respectables citoyens sont sans cesse victimes de diffamations de la part d’une presse peu soucieuse de l’information avérée, et sont à jamais touchés dans leur dignité et leur respectabilité. L’une des manifestations les plus perverses et les plus symptomatiques de la déliquescence de notre presse est sans doute la façon spectaculaire voire théâtrale dont les revues de la presse sont faites à travers les ondes radiophoniques ou les télévisions.

Ces animateurs des « revues de la presse » sont devenus de véritables stars, et tiennent en haleine les auditeurs ou les spectateurs avides de « nouvelles scandaleuses» ou d’informations sensationnelles, à travers un» griottisme» hystérique, des commentaires burlesques dont l’objectif est plus de promouvoir leurs organes de presse ou d’amuser le peuple que d’informer juste et vrai. Or, l’une des maximes d’or du journalisme stipule que « Les faits sont sacrés, le commentaire est libre », cela signifie qu’on a beau vouloir toucher les sensibilités par des commentaires enflammés, il faudra au préalable exposer la réalité des faits avec une rigueur sans faille. De plus , le niveau de langue et d’analyse de certains journalistes est tellement lacunaire qu’on est en droit de s’interroger sur le sérieux de leur formation, si bien sûr elle existe. En lisant leurs articles et en écoutant leurs analyses, on est souvent frappé par les tares au niveau langagier et l’impertinence des analyses. D’ ailleurs , leurs thèmes de prédilection ce sont la politique politicienne, la lutte, les faits divers et la vie des célébrités ou le « people ». Obsédée par le « Buzz »,la presse méprise des sujets aussi cruciaux que le devenir de nos braves paysans, l’avenir de l’éducation, la question de la pauvreté ,la réflexion sur la démocratie et les droits de l’homme. Elle amplifie ou atrophie les faits à sa guise, et manipule l’opinion publique selon sa vision intéressée et déformante de l’actualité « brûlante ».Elle est même passée maîtresse dans l’art d’inventer de faux événements de l’imposer au public, de monter de toutes pièces une «actualité» dérisoire , de ressusciter des’’ cadavres politiques’’, des criminels notoires ,de promouvoir des personnalités médiocres ou vicieux, de passer sous silence des actions méritoires de personnalités valeureuses de la nation.

Certains hommes d’affaires, politiques et même religieux ont tellement compris cette arme redoutable que constitue la presse qu’ils ont créé ou financé des organes de presses lesquels sont à leurs soldes. La boulimie de certains journalistes à traiter les questions liées à la politique se justifie par une aspiration à mettre la pression sur le pouvoir afin de bénéficier de ses largesses ou de devenir son allier. Ancrée dans le laxisme et la paresse éditoriale, notre presse est championne du» copier-coller». Gangrenés par une malhonnêteté intellectuelle, certains journalistes se contentent de reprendre honteusement à leur compte les écrits de leurs confrères ou des autres organes de presses étrangères. C’est pourquoi, dans plusieurs journaux et surtout dans la presse en ligne on retrouve les mêmes articles au point que le plagiat est devenu monnaie courante. La frénésie avec laquelle les organes de presse sont créés, la guerre larvée à laquelle se livrent les média concurrents par journalistes ou animateurs interposés, la corruption et le clientélisme ambiants, le défaut de formation sont autant de maux qui rendent notre presse inefficace et moribonde. Et pourtant, notre pays n’a pas toujours été médiocre d’un point de vue journalistique, dans un passé récent, notre presse faisait partie des meilleurs d’Afrique et comprenait en son sein des journalistes de qualité.

Certes actuellement, il y a toujours des journalistes chevronnés, rompus aux taches qui tirent leurs épingles du jeu dans un environnement médiatique peu reluisant, mais ces derniers se font voler la vedette par des arrivistes (communicateurs traditionnels, comédiens, animateurs fantasques) ou par des « show men » mus par l’argent et la célébrité. Pour que notre presse redore son blason et retrouve sa liberté d’expression dont elle est si jalouse, mais pourtant altérée par le défaut de formation ou confisquée par des lobbies politico-économico-religieux; il ne s’agit pas seulement de mettre en place un code de la presse, de dépénaliser les délits de presse ou de pourvoir aux organes de presse des aides financières et autres; mais il faudra surtout assainir le milieu médiatique, renforcer ou élever le niveau de formation des hommes de média, retourner à l’orthodoxie journalistique, renouer avec l’éthique et la déontologie, baliser les limites de la liberté d’expression en dotant aux organes de régulation de l’audiovisuel des pouvoirs de contrôle et de coercition. Il faudra surtout que la société civile joue sa partition afin de forger l’esprit de discernement des citoyens pour les amener à regarder d’un œil critique les informations qui leur sont fournies .En réalité « trop de libertés tuent la liberté »,alors au nom de la liberté d’expression on ne doit pas cautionner ces dérives de la presse pour ne pas courir le risque de déstabiliser notre chère patrie ,de saper la quiétude et l’unité nationale afin de ne pas vivre le syndrome du génocide rwandais attisé par une presse de propagande, dangereuse et irresponsable à l’image de la radio tristement célèbre « les milles collines».

Ciré Aw

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