Le président de la république se serait aisément séparé de ses alliés, n’eut été la majorité parlementaire confortable qu’ils lui garantissent. Cette coalition, gage et exigence de stabilité, convainc de la santé et de la vigueur du système politique sénégalais. Les vrais critères d’une Assemblée de rupture renvoient à la compétence, à l’initiative et au dévouement des députés. Leur rôle de contre-pouvoir n’est pas tant dans des emballements tapageurs que dans la capacité à saisir les enjeux et à prévenir la démesure des gouvernants, adversaires ou alliés politiques.
Comme d’habitude, l’assemblée nationale sénégalaise est sur la sellette au motif qu’elle constitue une froide chambre d’enregistrement. En vérité, l’institution n’est pas en cause, c’est l’émanation élective sous la bannière politique qui veut que la discipline de parti préside aux positionnements forcément électoralistes. Cette fatalité n’est pas un frein à l’efficacité de l’Assemblée législative. Elle doit impulser une tendance responsable de charme et de satisfaction des électeurs. Pour ce faire, la responsabilité du parlementaire doit être engagée en lieu et place des vagues et futiles controverses sur la nature des régimes.
Régime parlementaire ou régime présidentiel, la puissance d’une majorité solidaire sur une minorité nécessairement trouble-fête reste de mise. Si l’électorat opte pour une majorité parlementaire identique à la mouvance présidentielle, c’est une aspiration à la stabilité qui est ainsi exprimée. Les missions de représentativité, de contrôle et d’information ne s’incarnent qu’au rythme des complicités ou hostilités à un projet politique. Voilà une posture inhérente, et jusque-là insurmontable, du régime démocratique.
Seule l’Afrique reste coincée et fanatique des principes républicains conçus et proclamés, mais jamais authentifiés. Imaginons le scénario d’une Assemblée majoritairement opposée au camp présidentiel. Une telle cohabitation impliquerait forcément des tiraillements parfois rédhibitoires au sommet de l’État. Au moins, les électeurs l’auraient commanditée, et toute serviabilité aurait bafoué la plénitude du choix populaire.
Il s’agit de reconnaitre la réalité et la force des résolutions citoyennes ainsi que l’expression libre et liante des suffrages. Les réformistes se débattent, perdus et engoncés dans des principes aléatoires et désincarnés de séparation des pouvoirs. Ils ont tort de croire que la logique des contre-pouvoirs échappe au jeu politique entre acteurs propulsés par des intérêts légitimes de parti. C’est dans l’exercice individuel de la charge de député que le regard, le jugement, la sanction et la rupture doivent être envisagés.
Les idéalistes prônent une Assemblée de rupture en faisant abstraction des connivences et hostilités partisanes, moteurs et modalités du pluralisme politique. C’est une énormité que d’espérer des représentants du peuple d’actions manifestes, zélées et gênantes contre les lignes de parti, censées tout de même rejoindre l’intérêt général. C’est la démocratie qui le veut, chaque camp cherche à juste titre la capacité de légiférer librement. La séparation formelle des pouvoirs de même que la poursuite de l’intérêt général ne suffisent pas à aplanir les liens de solidarité et de camaraderie.
Birame Waltako Ndiaye
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