De violentes échauffourées et des pillages ont éclaté lundi soir, après la décision de ne pas poursuivre un policier blanc qui a tué un jeune Noir.

De violentes échauffourées et des pillages ont éclaté lundi soir dans la petite ville américaine de Ferguson, après la décision d’un grand jury populaire de ne pas poursuivre un policier blanc qui a tué cet été un jeune Noir sans arme. Les policiers ont été victimes de nombreux tirs et une douzaine d’immeubles ont été incendiés. « Pas de justice, pas de paix », ont scandé des manifestants en colère après l’exonération du policier Darren Wilson, malgré les appels au calme lancés par le président Barack Obama et la famille du jeune Noir Michael Brown. « Arrêtez de lancer des pierres », a crié un policier à l’adresse des manifestants massés dans les rues de Ferguson. Des vitrines étaient brisées et les nombreuses caméras de télévision montraient des voitures en feu dans cette banlieue de Saint-Louis, où de graves émeutes raciales avaient déjà éclaté en août après la mort de Michael Brown, abattu en plein jour de six balles par un policier.

Après trois mois de délibérations, le procureur du comté de Saint-Louis a annoncé que l’agent de police ne serait pas inculpé, comme l’espérait la communauté noire. « Le devoir d’un grand jury est de séparer les faits de la fiction », a déclaré à la presse le procureur Robert McCulloch, les jurés « ont déterminé qu’il n’y a pas de raison suffisante d’intenter des poursuites contre l’officier Wilson ». Peu après l’annonce de la décision, le président Obama et la famille de Michael Brown ont exhorté la foule à manifester dans le calme et à la police de faire preuve de « retenue ». Protégés de casques à visière et de gilets pare-balles, les policiers ont utilisé du gaz lacrymogène pour disperser des manifestants. La police a fait également état de plusieurs scènes de pillages au nord de cette banlieue de Saint-Louis.

L’enquête fédérale se poursuit

Ailleurs, aux États-Unis, notamment à Times Square à New York mais aussi dans la capitale fédérale, des milliers de manifestants ont protesté contre, selon eux, ce déni de justice. Devant la Maison-Blanche, la foule brandissait des pancartes réclamant « Justice pour Mike Brown » et scandant « les mains en l’air, ne tirez pas ». « Il n’y a pas de doute que l’agent Wilson a causé la mort » de Michael Brown, 18 ans, a déclaré le procureur, parlant de « décès tragique ». Mais les douze jurés, neuf Blancs et trois Noirs, ont mené une instruction « complète et profonde », entendu une soixantaine de témoins 70 heures durant, examiné des centaines de photos et d’éléments à charge et écouté trois médecins légistes.

Parallèlement, l’enquête fédérale se poursuit, « elle est indépendante de l’enquête locale depuis le début et le restera », a déclaré le ministre de la Justice Éric Holder, prévenant que les autorités fédérales se garderaient de tirer des « conclusions hâtives ». La famille du jeune Noir s’est dite « profondément déçue que le tueur de notre enfant ne soit pas confronté aux conséquences de ses actions ». Aussitôt après la décision et devant les nombreuses caméras de télévision, la foule en majorité noire a commencé à jeter des pierres, à briser des bouteilles et à secouer une voiture de police, face à des dizaines de policiers exhortant : « Vous êtes illégalement rassemblés, prière de vous disperser immédiatement ou vous serez arrêtés. » Le gouverneur du Missouri Jay Nixon avait décrété l’état d’urgence, déployé la garde nationale et renforcé les effectifs de police en prévision de possibles échauffourées.

Le risque était grand tant la mort du jeune homme avait réveillé le spectre du racisme aux États-Unis et éclairé de manière très crue les relations très tendues dans cette ville à majorité noire où policiers et édiles sont quasiment tous blancs. Dans son message, le président Obama a d’ailleurs mis en garde contre la tentation de « dissimuler les problèmes » liés au racisme aux États-Unis. « Dans trop de régions du pays, il existe une profonde défiance entre les forces de l’ordre et les communautés de couleur », a-t-il souligné. Le jeune Noir de 18 ans – qui n’était pas armé – a été tué par Darren Wilson en plein jour dans une rue de Ferguson le 9 août d’au moins six balles. Le corps du jeune homme avait été laissé à la vue des passants pendant plusieurs heures, en plein soleil, ajoutant à la colère des manifestants qui y ont vu un signe de plus du mépris des forces de l’ordre pour la population noire. Une vingtaine de minutes avant cette confrontation, Michael Brown avait été filmé dans une supérette en train de voler une boîte de cigarillos.

Les mains en l’air ?

Retraçant dans le détail le déroulé des incidents qui ont conduit à la mort du jeune homme, le procureur a expliqué que plusieurs témoins oculaires s’étaient rétractés devant le grand jury ou que leur récit n’était pas compatible avec les prélèvements matériels. Le jeune Noir a été touché « à six ou sept reprises », la plupart des témoins affirmant que les coups de feu ont été tirés alors qu’il s’avançait vers le policier. Et si certains témoins ont maintenu que Michael Brown avait les mains en l’air, « plusieurs » ont dit qu’il ne les avait pas levées ou seulement brièvement, selon le procureur.

Le procureur a annoncé que la quasi-totalité des éléments examinés par les jurés serait publiée. La mort de Michael Brown avait provoqué des émeutes violentes cet été, au point qu’un couvre-feu avait été imposé plusieurs jours à Ferguson. De nombreux commerçants et entreprises de Ferguson ont placardé leurs devantures avec de grands panneaux de bois et plusieurs écoles ont avancé le long week-end de la fête de Thanksgiving jeudi en fermant leurs portes toute cette semaine.

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