Elu avec 65% des suffrages, Macky Sall endosse officiellement le boubou présidentiel lundi, avec la cérémonie de son investiture. Ce sera un grand moment de solennité républicaine durant lequel le nouveau chef de l’Etat mettra aussi en exergue son verbe, avec des phrases qui seront – pour certains – le baromètre de son action politique à venir.
Au contraire de son prédécesseur Abdoulaye Wade, qui avait choisi en 2000 le stade Léopold Sédar Senghor de Dakar pour sa prestation de serment devant le président du Conseil constitutionnel Youssoupha Nidaye, le président élu le 25 mars veut inscrire les choses dans ’’la sobriété’’, en tenant sa cérémonie d’investiture à l’hôtel King Fahd Palace Soleil (ex-Méridien Président) de Dakar, qui a abrité deux sommets de l’Organisation de la conférence islamique (OCI).
‘’J’ai pris le choix d’inscrire cette cérémonie dans le cadre strict de la solennité républicaine, des règles du protocole d’Etat et la sobriété requise pour la situation du pays’’, écrit Macky Sall dans un message adressé à ses ‘’compatriotes, électeurs, alliés, militants et responsables politiques’’.
Devant le président du Conseil constitutionnel Cheikh Tidiane Diakhaté, le nouveau chef de l’Etat prononcera la formule suivante : ‘’Devant Dieu et devant la Nation sénégalaise, je jure de remplir fidèlement la charge de président de la République du Sénégal, d’observer comme de faire observer scrupuleusement les dispositions de la Constitution et des lois, de consacrer toutes mes forces à défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité territoriale et l’indépendance nationale, de ne ménager enfin aucun effort pour la réalisation de l’unité africaine’’.
Le 1er avril 2000, après avoir passé 25 ans dans l’opposition, Me Abdoulaye Wade prêtait serment devant ‘’des milliers de personnes, souvent au bord du délire’’, lit-on dans le numéro des ‘’Cahiers de l’alternance’’ (CESTI-FKA) consacré à l’élection présidentielle de la même année.
Le jour-J, de jeunes militants du Parti démocratique sénégalais (PDS) d’Abdoulaye Wade se mettent aux bretelles et au crâne rasé, histoire de ressembler autant qu’il est possible au président élu de l’époque.
‘’C’est dans une ambiance euphorique que s’est déroulée la prestation de serment du président Wade. Jamais de mémoire de Sénégalais, le stade Léopold Sédar Senghor n’avait accueilli autant de monde. Même pour certains grands évènements sportifs ou concerts, le stade n’avait jamais connu une telle affluence. Même la pelouse du stade a été prise d’assaut par les jeunes venus de Dakar et de certaines régions du pays’’, rapporte le numéro déjà cité des ’’Cahiers de l’alternance’’.
Devant ses invités Yahya Jammeh (Gambie), Kumba Yalla (Guinée-Bissau), Omar Bongo (Gabon), Blaise Compaoré (Burkina Faso), Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya (Mauritanie), Alpha Oumar Konaré (Mali) et Robert Gueï (Côte d’Ivoire), le nouveau chef de l’Etat avait prononcé ‘’un discours panafricaniste, avec des airs de donneur de leçon à l’endroit de ceux qui [pensaient] que le continent africain n’est pas mûr pour la démocratie’’, rapportent ’’Les Cahiers de l’alternance’’.
‘’La démocratie est donc accessible aux peuples africains. Il suffit d’en payer le prix patiemment, le prix en termes de privations souvent arbitraires et de liberté, parfois de brutalité et de vies humaines […]’’, disait Abdoulaye Wade.
D’autres phrases de ce discours sont depuis lors très célèbres : ‘’La disponibilité de notre jeunesse a plus de valeur que les milliards de l’étranger’’, ‘’Il n’y a pas de secret : il faut travailler, beaucoup travailler, toujours travailler’’. Une phrase – la dernière, qui porte sur le travail – que des gamins se plairont de griffonner sur des murs de salles de classe et d’autres édifices publics. Des artistes-chanteurs en font leur refrain.
La cérémonie d’investiture d’Abdoulaye Wade a été suivie de l’exécution d’un hymne qu’il a lui-même dédié à l’Afrique : ‘’Surgis de nos campagnes, des villes et des faubourgs/A l’appel de la patrie/Voici le Sénégal […]’’. Avant même l’hymne national du Sénégal, une inspiration du poète-président Léopold Sédar Senghor. Son lointain prédécesseur.