Quand un ancien chef d’Etat écrit ses Mémoires, c’est une montagne d’histoire qui se raconte. L’ancien Président Abdou Diouf est un cas d’école. Dans son livre « Abdou Diouf, Mémoires » dont L’Obs s’est procuré des extraits, le successeur Wade a fait des révélations terribles sur les rivalités qui existaient entre certains de ses hommes : Moustapha Niasse, actuel Président de l’Assemblée nationale, feu Jean Collin et Djibo Kâ pour ne citer que ceux-là.
Extrait :
Je dois vous dire qu’en dehors de l’opposition Diouf-Wade, une forte rivalité personnelle opposait Djibo Kâ et Niasse. Tout le monde se souvenait de l’histoire du coup de point que Niasse avait donné à Djibo, lors d’une réunion du Bureau politique du Parti socialiste. J’en ai déjà parlé, mais je n’ai eu la version de Niasse sur cet incident qu’à la mort de Jean Collin. Je devais aller à la levée du corps et Niasse, alors revenu dans le gouvernement en qualité de ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, était dans mon bureau. Je lui ai dit:
-Moustapha, ça tombe bien, comme tu es là, je te prends dans ma voiture pour aller à la levée du corps de notre ami Jean Collin.
-Monsieur le Président, je ne peux pas aller à la levée du corps de Jean Collin, me répondit-il.
-Comment ça, tu plaisantes ?
-Non, non, je ne peux pas. Jean Collin m’a fait trop de mal. Est-ce que vous savez, Monsieur le Président, que ce que j’ai fait à Djibo Kâ au Bureau politique en 1984 est le résultat d’un complot entre Jean Collin et Djibo Kâ.
-Jean Collin est mort, dis-je. Qu’est-ce que tu me chantes sur lui ?
-Je vous l’affirme, répondit-il. Collin a dit à Djibo : « Il faut amener le Président à chasser Niasse du gouvernement. Il faut le couper du Président et la seule façon de le faire, c’est de le provoquer. Il est nerveux, il fera une bêtise, et le Président le fera partir. Il faut que tu insultes sa mère, il ne pourra pas le supporter, il te frappera et le Président le chassera ».
Je rapporte tels quels les propos de Niasse qui n’est pas donc pas allé à la levée du corps de Jean Collin. J’y suis allé sans lui. Je l’ai écouté poliment et je l’ai remercié ».