Bouna NDIAYE de son vrai nom Yelly Birayamb fut fils aîné du tout dernier résistant historique Bourba Djolof Alboury Birame Penda Diémé Ndioté (son père) et de la Linguère Madjiguène Bassine NDIAYE (sa mère). Il est né en 1878 à Yang-Yang dans le Cercle coloniale de Linguère. Il eut quatre (4) épouses, quatre (4) enfants (toutes des filles) mineurs dont une instruite à l’école française.

Bouna a vécu une jeunesse difficile à cause des turpitudes qui ont marqué la fin du règne de son père. Lors de la bataille du 29 juillet 1890 qu’Alboury livra aux envahisseurs français sur son chemin vers le Soudan, il sera pris par Dodds et ramené à Saint-Louis. A l’âge de 12 ans, le Gouverneur du Sénégal l’inscrivit alors à l’«École des Fils des chefs et des Interprètes». En 1894, il fut envoyé au «Collège de Tunis» qui était à l’époque la structure fédérale française d’accueil des sortants de l’«École des Saint-Louisiens». Son séjour y sera bref pour des raisons de santé. Si l’histoire a retenu son nom, c’est parce qu’au-delà de la noblesse de sa descendance patriarcale, il constituait admirablement une référence sans conteste pour la génération montante.

Par les temps modernes aux décloisonnements planétaires voire interplanétaires, un rappel du parcours de Bouna NDIAYE peut s’avérer inspirateur pour les générations du XXIème siècle. Pour rappel, au plus fort des mauvais temps, Bouna a toujours refusé de baisser les bras à travers son courage, sa foi son attachement indéfectible à la dignité de ceux de son peuple, à l’honneur et au dévouement pour les grands ensembles géopolitiques constitutifs du Sénégal.

L’intronisation de Bouna Ndiaye à l’âge de 18 ans

L’arrestation et la déportation du 10 août 1895  de Samba Laobé Penda rend vacant le trône du Djolof.
L’Administration coloniale décida de restituer le pouvoir à son ayant droit légitime. Le mardi 17 décembre 1895, Bouna NDIAYE fut investi à Yang-Yang à l’âge de 18 ans comme le plus jeune Bourba NDIAYE de l’histoire du Djolof; et ce, après Bokanjan Yago qui régnait de 1850 à 1851.

Une tâche ardue pour un jeune de 18 ans devant diriger un royaume aussi cosmopolite que le Djolof, même s’il a pu s’imposer pendant 40 ans grâce à sa lucidité et ses qualités de rassembleur.

Les débuts de son règne furent marqués par des difficultés qui ont conduit à des réformes politiques et des réaménagements territoriaux vers 1900. Cependant  ni les intrigues, ni les passions pouvoiristes de ses ennemis n’ébranlèrent sa conscience. S’il avait pris la tête de cet immense empire sans versement de larmes et sang, ainsi que la sueur de ses habitants, c’est grâce à son seul  génie rassembleur, il a ainsi fait plus que ses devanciers, c'est-à-dire hisser le Djolof au rang d’État riche et prospère. Ancien élève du «Collège des Fils de Chef» de Saint–Louis et du «Collège de Tunis», il fit creuser de nombreux puits dans la perspective du développement des activités agropastorales, construire un chemin de fer  d’une longueur de 128 kilomètres joignant Louga à Linguère, introduire de nouveaux spécimens de chevaux d’Afrique du Nord, des chèvres du Niger et de nouvelles variétés de cultures. Il ramena la paix et installa le Djolof dans la modernité, en ouvrant des écoles avec cantine, à ses frais dès 1896.

Ce prince, capturé par les Français au cours de l’exil de son père, s’était donné comme priorité de sa politique l’Instruction Générale, la Justice Sociale, la promotion des couches défavorables, le développement rural, et à cet effet, il cédait volontiers la moitié de sa solde pour l’aménagement des terres de forages et de puits. Il se refusait de toucher aux multiples dons en bétail que le peuple lui fournissait  de plein gré, parce qu’il ne voulait jouir de rien qui soit illicite.
Face à la famine de 1929, il sut renoncer à son pèlerinage à la Mecque qu’il s’apprêtait à effectuer avec 10 personnes en charge et préféra redistribuer l’argent de ses maigres économies pour l’approvisionnement en céréales  des pauvres paysans démunis  et souffrant de la disette; et ceci en guise de prêts non remboursables.

De telles œuvres témoignent ainsi de la grandeur de cette âme du Djolof hors-pair, imbu de l’intérêt général lui tenait plus à cœur que l’intérêt personnel, quoique le pèlerinage lui fût apparemment une obligation spirituelle.

Membre Conseil Privé du Gouvernement de 1906 à sa mort, il devait renoncer à la chefferie traditionnelle le 30 juin 1935 pour s’installer hors du Djolof. À Louga il se consacrait uniquement à Dieu; de ce retranchement, il se vit distinguer par la France de la Dignité de Commandeur de la Légion d’Honneur et du Titre de Chef  de Province

Honoraire.

Bouna NDIAYE et le service militaire

Quand éclata la Première la Guerre Mondiale 1914-1918, Blaise fut nommé Commissaire de la République pour le recrutement des tirailleurs en Afrique Occidentale Française et Afrique Équatoriale Française (AOF et AEF). Les Chefs de Province avaient entre autre mission de désigner des contingents devant partir au front. Bouna trouva injuste d’envoyer les autres et de se dérober, ainsi il s’inscrit le premier et confia l’intérim de la province à Toubé Bamba Ngouille NDIAYE jusqu’à son retour en 1917, date à laquelle il rentra au Sénégal avec le grade d’Adjudant-chef et la décoration de la CROIX DE GUERRE. Cette marque de courage ne peut surprendre pour qui connaît son père

Alboury NDIAYE, héros de la bataille de Guilé.

Bouna Ndiaye  propulseur du développement  économique et social du Djolof

Dès son investiture, il a compris que le premier jalon pour le développement est la lutte contre l’ignorance. Il demanda et obtint de l’Administration coloniale la création de la première école du Djolof à Yang-Yang en 1897.

S’il a pu réussir ce projet dans un milieu réfractaire à tout contact  avec l’Occident, c’est grâce à sa patience et à son art de convaincre. Visionnaire, Bouna s’était décidé de sortir le Djolof de son isolement économique. Déjà lors du voyage du Gouverneur général Van VOLENHOVEN dans le Djolof et le Baol le 30 septembre 1917, ce dernier était convaincu par les idées de Bouna sur l’opportunité  de la construction d’une ligne de chemin de fer entre Louga et Linguère. Le 6 août 1926, le tracé définitif du chemin de fer fut adopté. La ligne est estimée à 140 km nécessitant un investissement de 30 millions de francs  et 5 années de travail. Si la colonie pouvait assurer le financement, la participation populaire à la réalisation du projet revenait au Chef de la province du Djolof sans annihiler sa liberté. Bouna s’était engagé à fournir l’alimentation nécessaire à tous ceux qui œuvraient dans le travail. Il nourrit lui-même 3000 travailleurs pendant 3 ans de Louga à Linguère et supervise personnellement les travaux km par km. Le premier octobre 1931 l’ensemble de la voie ferrée Louga-Linguère était complètement achevée et inaugurée. La communication entre le Djolof, Dakar, Saint-Louis et la province voisine du Ndiambour  était devenue plus réellement conséquente au bonheur de toutes les populations. La promotion sociale  de son peuple était souci quotidien, dans une région à vocation pastorale où le manque d’eau constituait un handicap sérieux pour le développement de l’élevage; aurait-il consacré des sommes importantes pour la multiplication des puits et des points d’eau.

Bouna et la société sénégalaise

Bouna NDIAYE a réellement marqué son époque. Au-delà de la considération qu’il a portée à son Djolof natal, il a su développer et entretenir de parfaites relations avec les hommes et les femmes de sa génération, une fois nommé Conseiller colonial de 1920 à 1924. C’était avec beaucoup de talent qu’il défendait ses idées à côté de ses collègues dont entre autres Blaise DIAGNE, Galandou DIOUF, Ely Manel FALL, Coumba Ndoffène DIOUF…

Bouna était d’un commerce facile. Son sens profond des relations lui valurent l’estime de tous les autres chefs de provinces mais également des hauts administrateurs coloniaux dont le Gouverneur général Marcel DECOPPET qui, bien qu’ayant terminé son séjour au Sénégal, était revenu spécialement à Louga en 1952 lui rendre visite et s’enquérir de sa santé. Mais Bouna refusa de se faire soigner en France.

Si Bouna a su assurer, avec beaucoup de dignité son pouvoir temporel à l’endroit de ses administrés, c’est parce qu’il était animé d’un sentiment religieux extrêmement élevé. «A part le règne de Dieu, disait-il, toute gloire est éphémère. Quand on la croit nôtre, elle s’envole et il ne nous reste plus rien».

Ses rapports avec les grandes figures de l’Islam sénégalais sont patents. Au-delà de l’affection qu’il a toujours vouée au grand apôtre du tidianisme El-Hadji Malick SY, Bouna a développé et entretenu cette parenté séculaire issue de leurs liens de cousinage.

Ses rapports avec Cheikh Ahmadou Bamba MBACKÉ ont été des plus respectueux. Et c’est avec beaucoup d’éloquence que la tradition orale décrit les faits. A la fin de sa résidence surveillée à Thiéyenne de 1907 à 1912 dans le Djolof, l’Administration coloniale avait requis le Chef de province Bouna à faire part de la nouvelle au vénéré marabout. L’occasion était donnée à ce dernier  pour lui signifier sa joie eut égard aux nombreuses marques de considération que Bouna lui a prodigué durant son séjour. Préférant sa bénédiction plutôt que le cadeau offert, il demandera trois choses au saint homme.

-Désenclaver le Djolof par la traversée du rail entre Louga et Linguère.

-Vivre dans la dignité;

-Mourir dans la dignité.

Masse Ndiaye

Masse Ndiaye, correspondant permanent à Linguère

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