Dégoûté de l’avoir espérée fidèle et constante, elle s’est révélée fourbe au grand jour. Cette vie, démolisseuse des innocences ainsi que des prévisions de sublimités et d’humanités, n’enseigne humilité que pour nous surprendre surchargés et nous défaire allègrement. Maintenant que le temps s’est emparé de moi et que sa morsure m’infecte et me condamne aux dénonciations inutiles, la vie s’illustre, espiègle ogresse, au sommet de mes désillusions. J’aime ma grand-mère, je raffole de son flair collant, mais voilà que les aventures lointaines me confisquent l’ardeur des certifications, des connexions et des cautions claires.
Voilà un testament à l’existence. Vie surprenante, instigatrice et dépouilleuse de rêve et des consécrations, tu te chargeras de la vulgarisation de cet aveu d’impuissance. C’est tout ce que tu sais faire quand vient le temps d’engloutir froidement les proies appâtées par tes promesses de promotion, de probité et de plénitude. Jusqu’au patrimoine des savoirs et connaissances contradictoires, tout t’accuse de mystification. En vérité, tu ne te laisseras jamais déchiffrée et comprise, il y va de ton mystère ensorcelant.
J’ai compris ton manège : tu segmentes pour rire des grands écarts des uns et des autres condamnés à la tristesse du résigné ou au malheur de l’insoumis. Ping-pong entre le renoncement à l’intelligence et l’exercice des jugements forcément culpabilisants. C’est précisément là, en ballotage, que la vie, toute impassible, rend fou d’aigreur et de ressentiment. Le piégé finit par se dire : pourquoi tant de peine? Maintenant, je me rends compte de mon imbécilité, mais je suis déjà imbécile. Bingo! C’est la résistance à cette imbécilité infuse qui fait faibli, fou et forcené.
Traitre de vie, j’ai seulement voulu être artiste. Je voulais d'embrasement frotter ma verge, et je me suis éparpillé, pris dans des préliminaires érotiques de séducteur émasculé. Hey! J’aime la vie comme le poisson qui aime l’eau de la mer. Sans elle, point de souffle. Avec elle, que des péchés qui suivent le pêché. Je ne demande qu’à vivre, et elle, toute possessive, me prive de douceur. La vie exige toujours un choix sec entre l’enivrement et la soumission. Ni l’un ni l’autre ne délivre des angoisses de la mort, unique déclic des énergies de survie et de prolongement.
Traite de vie, maintenant que je suis fou de toi, mon existence est devenue cycle et programmation : enfant vierge, adolescent rebelle, adulte liquidé et vieillard solitaire, je récuse l’itinéraire toute tracée des pronostics amers. Voilà le sens de ma folie : agitation, lassitude et capitulation dans le tapage des préjugés de sénégalais comprimé, autoritaire et tout aussi vecteur des aberrations subies. Quitte à demeurer fou, je pense en sénégalais de souche, noir chagriné puis émigré déréglé, avant toute autre affiliation au prosélytisme et à l’idéologie.
Birame Waltako Ndiaye
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