La série d’ennuis judiciaires subie à l’heure qu’il est par certains anciens membres du pouvoir issu de l’alternance du 19 mars 2000, avec ses conséquences très politiques, est naturellement sujette à lectures diverses.

Parmi celles-ci, la seule qui mérite notre attention reste la comédie qui est en train d'être jouée et dont la principale actrice n’est autre que notre classe politique, le régime de Macky Sall et un groupuscule de caciques du PDS réunis. Pendant que l’un joue les victimes et l’autre prétend être dans son rôle de moraliser la vie politique, l’on se demande qui doit-on croire, tellement des non-dits peuplent leur propos. Refusant de jeter l’anathème sur aucune des deux parties, je mets à profit mon droit citoyen de liberté d’expression pour réagir sur la question. Me voilà donc entre le marteau du pouvoir et l’enclume de l’opposition. Ce qui est de moindre mal, comparativement aux méthodes des « militants aveugles » qui, se tapissant derrière leur écran, se contentent d’insultes et de commentaires acerbes sur les sites web pour dissiper leur courroux ou, à la limite, divertir l’opinion. Malheureusement cela n’enrichit aucunement un débat. Je choisis donc cette forme d’expression, sel de toute démocratie envieuse.

Commençons par le dossier Karim Wade, celui-là dont nous sommes dans l’incapacité de défendre. Ce, par honnêteté, mais aussi pour ces propos dont il avait confié tout dernièrement à l’un de ses proches : « Je sais que je vais aller en prison ». N’empêche, l’affaire mérite une analyse objective à laquelle nous nous livrons au cours des lignes suivantes.

Novice aux affaires en tant que conseiller de son président de père, puis bombardé gérant de la boite à milliards que fut l’Anoci, avant d’être parachuté au MICITIE, Karim Wade doit être invité à rendre compte et justifier l’étonnante aisance financière qui lui est prêtée. Obligatoirement. En conséquence, la manière par laquelle la justice y procède m’a toujours paru normale. Jusqu’aux premières heures de son arrestation, moment durant lequel je me suis rendu compte qu’une forte dose politique couve l’affaire. Au fait, le cueillir de chez lui manu militari s’avère grossier et oiseux pour deux choses. Primo, ce n’est pas par cette mesure que l’affaire s’élucidera. Secundo, résidant à Point E et interdit de sortir du territoire, Wade junior présente de sérieuses garanties de représentation en justice. Qu'est-ce qui justifie un tel acte si ce n’est aggraver la situation aux yeux de l’opinion ? Cela enfreint même le principe de présomption d’innocence, bien développé par les experts en droit. J’aurais mieux compris qu’on lui convoquât pour ensuite ordonner son arrestation.

Il n’y a pas que cela. La propagation de son document justificatif de 42 pages à travers l’espace public viole les dispositions de protection des secrets d’une enquête qui n’a pas encore connu son épilogue. Cette politisation aux relents de revanche nous laisse inquiets quant au bon déroulement des prochaines procédures judiciaires le concernant. Il y a lieu de le dire, puisque le cas Idrissa Seck est encore frais dans nos mémoires. Malgré tout, je souhaite une indépendance totale de la justice, particulièrement de la CREI, surtout pour le reste de la procédure.
Par ailleurs, ce n’est pas seulement sur l’affaire Karim Wade que des défaillances de l’Etablishment ont été décelées. La semaine dernière, nous avons assisté à un fait consécutif à l’arrestation de l’ancien ministre aux attributions kilométriques. Il s’agit des arrestations des libéraux Bara Gaye, Mamadou Lamine Massaly et Thierno Lô, lesquelles interpellations ont pour cause soit entrave à l’exécution d’une décision de justice, soit tenue de propos déplacés à l’endroit de Macky Sall. Bien que Thierno Lô ait bien tort s’il s’avère vrai qu’il est l’auteur des propos qui lui sont prêtés, sur les cas Massaly/Bara il y a double problème. Car ni les libéraux incriminés ni le président ne se sont bien conduits.

En effet, un chef d’État, nous en sommes d’accord, doit éviter l’adoption d’une conduite latitudinaire dans la manière de cautionner les piques de ses opposants. Mais ne doit-il pas faire non plus recourt à l’admonition pour se voir réhabiliter dans son statut d’institution sacrée. La politique se présente comme une mare à crocodile dans laquelle chaque acteur qui s’y baigne est appelé à donner et recevoir des coups. Et à vagir également. C’est là donc que réfléchir sur la question de « président et chef de parti » est pertinent. Certes la fonction de président est à monopoliser, mais la scène politique est à partager. Démissionner de la tête de son parti est donc plus facile que de convoquer incessamment les nombreux auteurs de critiques que l’entourage présidentiel préfère appeler « offenses au chef de l’État ». La chance de Macky Sall d’être un président né après l’indépendance, qui voit la gouvernance de manière plus autonome doit se faire sentir dans la manière de voir les choses. La rupture dont il nous parle ne rime pas avec son statut-paradoxe de chef de parti et du pays. Si manquer de respect à un Président est intolérable, on ne peut pas comprendre qu’un chef de parti soit exempt de critiques et diatribes.

En dernier lieu, je tiens à rappeler l’Etablishment doit tenir compte de ces constats. Il y va de son intérêt et de celui de la nation sénégalaise qui souffre. La presse toute confondue ne cesse d’égrener au quotidien le chapelet des maux dont souffrent les Sénégalais. La flambée des prix des denrées de consommation courante fait l’actualité des marchés ; le retour des coupures d’électricité suscite l’ire des imams de Guédiéwaye et d'autres populations ; les médecins du Sénégal refusent de travailler pour 48 heures à compter d’aujourd’hui ; les syndicats d’enseignants multiplient grève et débrayage, les étudiants les suivent au pas ; les routes accidentogènes continuent de faire des ravages ; chacune des différentes capitales régionales qui ont déjà accueilli son conseil des ministres décentralisé attend les milliards à elle promis. Donc, le Président Sall et ses collaborateurs doivent comprendre par là que l’urgence est ailleurs. La répression de l’enrichissement illicite est, bien sûr, une demande sociale, mais n’en est pas plus pressante que les urgences susnommées.
Mansour Gaye
gayeetma@yahoo.fr

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