Dans un entretien avec Intelligences Magazines du mois d’août le Premier ministre Mahammed Ben Abdallah Dionne fait l’annonce de la réalisation de quelques infrastructures figurant parmi les 27 projets phares du Plan Sénégal émergent (PSE) dont la mise en service de la première phase du nouveau parc industriel de Diamniadio. Ces infrastructures seront livrées en 2015, a indiqué le Premier ministre Dionne. Nous félicitons le Premier Ministre Dionne, qui commence dans son style de communication d’indiquer à l’opinion des dates butoirs dans le cadre de la conduite de son équipe gouvernementale et dans la réalisation des projets du chef de l’état. A défaut de travailler dans un système classique d’élaboration de projet avec des plannings finement élaborés, je ne trouve pas mal qu’il amène les ministres et directeurs d’agence à travailler en rétro-planning, au moins la pression du résultat sera exercée et à haut niveau. Nous trouvons excellent de retrouver dans la communication de ce technocrate qui nous est inconnu, la mise en avant d’une grandeur importante dans la réalisation de projets : le délai, qui est un facteur clef de succès du moment où on acquiert la culture de le respecter.
Au cours de l’entretien le Premier Ministre renseigne que 2015 sera l’échéance pour la mise en service de la première phase du nouveau parc industriel, une SODIDA (Société du domaine industriel de Dakar) en plus grand, destinée à héberger à Diamniadio, les entreprises chinoises candidates à la délocalisation de milliers d’emplois au Sénégal. J’espère seulement que c’est un défaut de formulation de la pensée du Premier Ministre parce que ne prévoir que de travailler avec les entreprises chinoises me semble être risqué. Car il ne peut être admis qu’un site comme celui-ci ne puisse être conçu qu’aux fins de la délocalisation chinoise. Et ceci pour plusieurs raisons : si les chinois se retirent du projet celui-ci deviendrait alors un projet « mort-né ». Et il faudra redéployer une énergie conséquente et des moyens financiers énormes pour retrouver d’autres partenaires crédibles afin de redémarrer et atteindre les objectifs liés au projet. Il est important pour chaque action stratégique de cette ampleur que le Sénégal multiplie le partenariat stratégique, qui aura l’avantage de déceler le mieux disant pour les appels d’offres à venir et d’amoindrir les risques d’échec, tant il est dangereux de faire reposer un projet de relance de croissance économique sur un seul partenaire, les relations diplomatiques et commerciales, n’étant pas toujours prévisibles et stables. Dans ce cadre-là, nous sommes surpris que ne soit mentionné le début de mise en place du volet offshoring du PSE d’autant plus que la société ATOS[1], semble déjà s’y intéresser avec l’annonce de son PDG Thierry Breton reçu par le Président de la République le vendredi 11 Avril 2014 à Dakar[2], annonçant à sa sortie d’audience un début de délocalisation de certaines de leurs activités avant la fin de cette année avec un premier niveau de staffing de 50 ingénieurs au moins.
Au cours de son entretien, dans la même veine le Premier ministre a par ailleurs assuré que 2015 devrait également être l’année de lancement du Tramway et Train Express Régional (le TER) reliant l’aéroport international Blaise Diagne de Diass à la ville de Dakar via Diamniadio, Rufisque, Mbao et Pikine. En voici encore une annonce qui nous ravit, et du fait du sérieux de l’homme (sa réputation lui donne un a priori positif), je pense que nous verrons des travaux de grande envergure débutait en 2015 dans notre capitale au grand bonheur de notre marché d’emplois et surtout pour la tranche jeune. A l’entame de l’année 2015, alors que les dossiers auront été mieux ficelés et le cadrage du projet plus avancé, j’espère qu’on aura des précisions sur le budget, les dates de début et de fin de cet énorme projet qui en soit sera un défi technologique et de savoir-faire en espérant l’intégration d’un transfert de technologie. Ce qui amènera une fluidité dans la mobilité urbaine, sujet que le Think Tank Ipode a bordé dans une autre tribune, et nous disions[3] : « nous attendons un projet de plus grande envergure et bien ficelé (que de construire 891 logements comme en avait fait l’annonce le ministre de la Restructuration et de l’Aménagement des zones d’inondation en Décembre 2012). Nous voulons la construction d’une nouvelle ville. Une ville bien pensée avec un cadre de vie amélioré. Des maisons écologiques bien équipées (toilette viabilisée, cuisine aménagée, espace de vie familial plus convivial). Avec un travail d’assainissement sérieux à la base et un aménagement d’infrastructures adéquats aux besoins de ses futurs habitants : espaces verts qui nous font tant défaut, centre de santé, aires de jeux pour enfants, infrastructures culturelles comme des salles de cinéma et de théâtre, salles de sport équipées, structures pour les futures associations qui sont un moteur du développement local, banques, commerces, marché, etc. Beaucoup d’experts ont imaginé la ville entre Dakar et Thiès. Il faudra mettre en branle tous les départements gouvernementaux pour y réfléchir et penser ce projet ambitieux en améliorant la mobilité urbaine et en intégrant dans la commande publique la notion de développement durable à tous les échelons du projet. »
Pour finir le Premier Ministre indique que dans la rénovation urbaine, ils verront comment sera Diamniadio à chaque étape de l’avancement des travaux d’ici 2017 évoquant la construction déjà entamée de 21 immeubles par la société immobilière Getran qui est déjà entamée. Nous attirons sur ce point une nouvelle fois sur l’usage des de certains concepts importés parlant de la rénovation urbaine. Certes en France la rénovation urbaine lancée par Jean Louis Borloo dite loi Borloo (à ne pas confondre avec le plan Borloo), est un programme ambitieux qui fait un grand bien et améliore nettement le bien être des cités et banlieues qui étaient délaissées et qui offrait un cadre de vie peu reluisant et entrainant vers la réussite des couches sociales qui les occupent[4]. Mais s’agissant de Diamniadio a en lieu et place de plancher sur « une rénovation urbaine » il me semble plus judicieux de réfléchir sur les axes de création d’une nouvelle ville et y impliquer la grandeur environnementale, culturelle, sportive et de mobilité inter et intra urbaine.
Il y a aussi un autre sujet qui nous tient particulièrement à cœur et qui est d’un enjeu sociétal structurant. C’est « Le maintien et le renforcement du lien social » dans l’élaboration de notre habitat avec la création de nouvelles villes et l’extension de celles existantes. J’apprécierai naturellement que nos nouvelles villes soient au standard international sur les questions de la salubrité, des infrastructures de pointe pour faciliter le déplacement des handicapés, dans la sécurité civile, aussi bien dans la modernité et le respect de l’environnement pour un cadre de vie décent. Mais je ne veux pas d’une ville « Dakar comme Paris » en termes de lien social. J’aimerai que l’amélioration de nos conditions de vie s’accompagne du renforcement de nos spécificités africaines positives de cohabitation verticale harmonieuse, de renforcement de la solidarité par le voisinage, du maintien des liens sociaux comme l’ont connu nos ainés. Et pour conserver ceci, il ne suffit pas d’embellir, d’élargir et de rendre verdoyant. Il faudra plancher sur la question de façon sérieuse, avec tous les experts de la question, de l’anthropologue, à l’architecte, l’urbaniste en passant par le sociologue etc. Cet enjeu est important, car il est important pour nous, qu’on n’en arrive pas vu l’évolution de nos sociétés africaines et les valeurs vivantes auxquelles elles s’adossent, à construire des maisons de retraite, (ou seront parqués certaines personnes du troisième âge, par déficit de lien social et de leur asséchement) , tellement l’habitat mal approprié conjugué d’une vie économique prenante et étouffante et d’un recul des liens sociaux nous y pousseront. Il serait dommage que ces 21 beaux bâtiments promis par l’Etat aboutissent au fait qu’on ne connaisse pas son voisin avec qui on partage le pallier ou le même pied de porte depuis plusieurs années. Que les enfants ne connaissent pas comme nous, les étrennes du « Tadiabone » et de la Tabaski etc. qu’on ne puisse plus solliciter la cour de son voisin pour le baptême ou le mariage de sa fille, tellement que ce voisin ne serait plus « un parent » mais un inconnu du fait de l’aménagement de nos villes. Certains me diront que cette déconfiture sociale de certaines de nos valeurs africaines a déjà commencé, nous demandons qu’elle puisse être conjurée car on en encore a les moyens.
Mohamed LY