Une ville? Non, un pied à terre, hébergeur d’humanités rustiques, creuset des valeurs guerrières, jusque-là tranchée, bouclier et front contre tout conformisme douteux. Linguère des « nawétanes », Linguère des kermesses et parades nocturnes, sentiers aux aurores vers le labeur des pacages arides. Témoin savant des déséquilibres juvéniles du père, spectatrice inflexible des craintes de la mère, complice de l’enfant prodige, j’ai abusé de ta foi martiale, terre des ancêtres bénis.
Il vient des profondeurs du cimetière de Linguère Diambor, espérance d’éternité, j’entends ton cri familier, panache et franc. Tu portes la voix et de grand-mère et des oncles et des frères, lignées intemporelles. Djolof! Tu surprends, à chaque fois que, dans la torpeur sèche, surgissent les craintes insoutenables des lendemains, comme pour nous conforter. Dorénavant, je m’incline devant l’élégance de ton ardeur, de ta passion et des chaleurs fortuites. Une ville? Non, une âme loyale. Tu m’as instruit, dans ta plénitude, de la vanité des vagues sciences vagabondes. Leur inconsistance confirme l’exactitude et la force de tes promesses de retour à la terre promise, Linguère, recueil des connaissances directes.
Ferlo, quand vient le temps de t’associer aux peuls, fiers et timides, toi! Creuset d’initiation aux brassages fraternels, « Ma’ yatta », jamais tu périras, buisson en sanglot, clairière entre moult agitations contemporaines. Des cheveux crépus jusqu’au nez presque aquilin, tout accuse la connivence avec les pasteurs ridés au souffle des vents de l’harmattan, propriété des vallées plates. Dans les marigots, pataugeant, batifolant et simulant avec garçons, filles, bovins et autres créatures animées, j’ai hésité à répondre aux interpellations. Quand le peul s’exile de la bergerie et apostrophe : « cheddo », il entend wolof. Bon!
De l’inamovible panneau sur lequel est inscrit majestueusement le surnom du bled, à l’entrée des lieux, en passant devant l’entrepôt de l’ancienne ONCAD jusqu’aux vestiges du trafic ferroviaire, Louga-Linguère, la narration des produits de l'école des fils de chefs s’illustre comme pour dissiper l’effroi des désillusions. Linguère! Recours ultime des liens intimes, lien immobile avec père, génitrice, prochains et lointains, j’en appelle à l’esprit enfoui aux troncs creux des baobabs pour que, sans cesse, perdure la prime raison de ton indulgence. Tu nous accommodes de ta capacité d’intelligence à l’épreuve de nos futilités d’archivistes prétentieux dressés par divers complexes d’usage.
Stigmate de mon enfance, hospitalité de mon vécu, témoin discret des brutalités de mon orgueil, je reviens à ce pays mien, Linguère, refuge de mes souvenirs, sublimité et obsession d’excellence. Nous avons déjà entreposé à jamais les sourires charismatiques des ascendants, capteurs du fardeau des adversités et de la cruauté de la vie. Ils nous ont préservés pendant longtemps des maturités précoces. Longtemps protégés des sincérités cruelles, nous leur rendons hommage et honneur sur commandes et prescriptions renouvelées, en notre simple qualité de délégués.
Embrasse-moi sans crainte, Linguère, source de fierté. Si nous ne savons que parler, nous porterons le message pour que scintillent à jamais tes galons, grandeurs imprescriptibles. Gracieuse muse, séduisante sans caprice, ni fantaisie, ne cède pas au diktat du modernisme flou et débridé qui n’offre qu’anonymat, tout compte fait.
Birame Waltako Ndiaye
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Birame Waltako Ndiaye