On craint un péril humain dans la Cité religieuse de Ngueth, dans le département de Linguère, et pour cause. Les populations s’opposent catégoriquement à un lotissement de leur localité. Et préfèrent laisser leurs vies sur le site plutôt que de laisser les autorités municipales de Dahra Djolof procéder au découpage de centaines de terrains. La détermination des populations est d’autant plus forte qu’il y a un parfum de scandale derrière ce lotissement en gestation.
Mais si ces dernières font dans la résistance-tout-terrain, c’est parce qu’elles sont convaincues que des dizaines de parcelles ont été déjà morcelées puis vendues à des tiers et ce, avant même que le site ne fasse officiellement l’objet de lotissement. Dans ce lot, figure un vaste terrain attribué dans des conditions qualifiées de nébuleuses au richissime homme d’affaires, Marame Sall, responsable de l’Alliance pour la République à Mbeuleukhé.
L’homme d’affaires, Marame Sall : “Mon terrain est le fruit d’une délibération du Conseil municipal, je ne sais pas s’il fait partie du domaine de la Commune de Dahra ou de Nguéth
La controverse autour de cette parcelle est d’autant plus surréaliste que ce dernier dit avoir acquis le site en question, suite à une délibération de la Mairie de Dahra Djolof. Or, le terrain, octroyé au très liquide homme d’affaires, se trouve sur une aire non encore morcelée par les autorités municipales, d’après les populations. Mais Marame Sall dit détenir toutes les paperasses légales liées à l’attribution de son terrain par l’ancienne équipe municipale dirigée à l’époque par Aly Saleh.
Lequel terrain devait abriter un projet composé, entre autres, d’une Station Essence. Mais qui, in fine, ne le sera jamais.Dans tous les cas, dit-il : “mon terrain est le fruit d’une délibération du Conseil municipal. Je ne sais pas s’il fait partie du domaine de la Commune de Dahra ou du village de Nguéth”, se braque, au bout du fil, Marame Sall, accroché par Actusen.com
Le Président de la Commission domaniale, Birane Diop : “cette attribution remonte au magistère de l’ancien maire Aly Saleh. Mais cette partie n’est pas encore concernée par le lotissement en vue”
Joint par téléphone par Actusen.com, le président de la Commission domaniale de la Mairie, Birane Diop, explique : “il y a manifestement incompréhension de la part des populations. Car on avait pris le soin de laisser intacte la bande allant de la Station d’essence située à la sortie de Dahra, en allant vers Touba, jusqu’à la Dpv, en passant par l’antenne Hunger Project. Et on avait estimé qu’on n’allait pas y toucher, sans avoir terminé nos discussions avec les populations de Nguéth”.
En réalité, le richissime Marame Sall a pu se procurer des documents administratifs, alors que le site abritant son fameux terrain n’est toujours pas fait l’objet de lotissement
Mieux, ajoute Birane Diop, “on avait réservé une centaine de parcelles sur le site, en attendant l’issue des négociations entre la Mairie et le village de Nguéth”. Concernant le site où se trouve le fameux terrain de l’homme d’affaires Maram Sall ? Là, le président de la Commission domaniale se veut clair, net et précis : “c’est une attribution qui remonte au magistère de l’ancienne équipe dirigée par le maire Aly Saleh. Mais cette partie n’est pas encore concernée par le prochain lotissement de Nguéth”.
Alors, comment ce terrain-là peut-il se trouver sur un site qui n’a pas, jusqu’à ce jour, fait l’objet de lotissement par le Cadastre ? Birane Diop confie avoir vu lui-même le Plan du cadastre sur lequel il est établi que le terrain en question a été cédé à l’homme d’affaires Marame Sall. Mais ne sait pas, alors là pas du tout, comment sur une vaste superficie non encore morcelée par le Cadastre, les autorités municipales d’alors ont pu procéder à l’attribution d’un terrain à l’homme d’affaires en question.
Le Président de la Commission domaniale : “Ni moi, ni le maire ne l’avons envoyé nous trouver ce document. On s’est réveillés un beau jour pour retrouver celui-ci sur la table de la Mairie”
S’agissant du document qu’on a fait signer au chef de village et qui prétend que la Cité religieuse a donné son accord de principe pour le morcellement de Nguéth, le Président de la Commission domaniale dégage en touche en ces termes : “nous, nous sommes réveillés un beau jour, pour retrouver la lettre dont vous parlez sur la table du maire”. Tout ce que je sais, c’est que ni moi, ni le maire n’avons envoyé le premier adjoint Adacoumba Ndiaye, dans la Cité religieuse, encore moins chez le chef de village et le khalife général pour nous amener ce document”.
Mais, dit Birane Diop, “puisque nous, nous ne souhaitions que cet accord de principe du chef de village et du khalife, nous avons applaudi des deux mains, quand on nous a présenté ce document, dans lequel il est dit que ces deux autorités ont donné leur aval pour le lotissement. C’est plus tard que nous nous sommes rendus compte que cela ne cadrait pas avec la réalité”.
Maintenant, souligne Birane Diop, “pourquoi et comment Adacoumba Ndiaye s’est rendu là-bas ? Je ne saurais franchement vous le dire, même si, lui, a dit qu’il a été appelé un jour par le khalife de Nguéth qui lui a remis ce fameux document, que le chef de village, Ousmane Thiane, qualifie de faux et usage de faux et abus de confiance. seule parcelle a lettre ni mais ni moi ne l’avons envoyé, on a retrouvé parallèlement cette fameuse lettre signée du khalife et du chef du village.
Le premier adjoint au maire, Adacoumba Ndiaye, mouille le khalife de Nguéth
Joint par téléphone, le premier adjoint au maire, Adacoumba Ndiaye accusé d’avoir floué le chef de village, pour lui faire le document de la controverse, a tenté de se dédouaner. “La vérité, c’est que c’est le khalife de Nguéth, qui m’a fait appeler, un jour. Quand je suis arrivé dans sa résidence, il m’a présenté un document attestant que la Cité religieuse souhaite que la Municipalité l’aide à procéder à son lotissement. Par la suite, il m’a demandé d’aller voir le chef de village, pour qu’il y appose sa signature. Ce que je fis par la suite”, se blanchit-il.
Poursuivant, le premier adjoint au maire ajoute : “si je savais que ce document allait faire couler autant d’encre, jamais je ne me rendrais au domicile du chef de village pour le lui faire signer. Car moi, je n’ai aucun intérêt dans cette histoire, qui a pris des proportions sans précédent. Et je suis retourné chez le khalife, quand ce différend a éclaté entre le Cadastre et la Cité religieuse, pour lui dire qu’il m’a causé beaucoup de tort”.
Deux actes lourds, mais aussi troublants posés par la Municipalité tout au début des années 2000
Dans la brouille entre les autorités municipales de Dahra et la Cité religieuse de Nguéth, on constate, pour s’en émouvoir, deux actes lourds et troublants. D’abord, parmi les deux décisions que la Mairie a prises, sans en parler au chef de village, figure le rattachement du village à la Commune. C’était début 2000. Ensuite, le découpage d’une partie des champs des villageois pour les affecter au quartier de Ndiobène
“Et pire encore, malgré le niet catégorique du chef de village, l’équipe municipale continue de vendre des terrains dans le site de Nguéth non encore découpé pour attribution, accusent les populations. Qui ajoutent : “ainsi, Préfets, gouverneurs, chefs de services, marabouts ont officieusement été attributaires de terrains en attendant un plan de lotissement”.
Ces quatre conditions sans lesquelles les populations de la Cité religieuse s’opposeront à tout lotissement
Pour rappel, en 2005, les populations de Ngueth avaient saisi, par correspondance, l’équipe municipale d’alors dirigée par l’ancien maire de Dahra, Aly Saleh, pour qu’on procède au lotissement de leur village. Sous réserve de quatre conditions. D’abord, le village étant une Cité religieuse accueillant des milliers de fidèles, lors des évènements religieux, que le lieu de prières (fêtes de Korité, de Tabaski…) jouxtant le cimetière, soit épargné par le lotissement sollicité.
Ensuite, que le cimetière, dont l’aire est trop petite, soit élargi sur une longueur de 50 mètres, afin que les populations n’aient plus besoin de recourir, dans le futur, à l’érection d’un autre cimetière ; que le lieu de “ziarra” se trouvant prés de l’Ong Hunger Project soit étendu sur une longueur de 100 mètres et une largeur de 50 mètres.
Enfin, que l’Association “Wa Sillatou Rahim” composée des descendants du fondateur de la Cité religieuse puisse bénéficier de 200 parcelles pouvant être octroyées à ces derniers. Mais, au détours d’une réunion du Conseil municipal du 16 novembre 2006, Aly Saleh et son équipe ont opposé une fin de non-recevoir à cette dernière requête du khalife général et du chef de village de Ngueth. Même si, par ailleurs, le Conseil municipal se dit d’accord pour protéger le lieu de culte.
Comment on a fait signer à un chef de village analphabète un document aux relents de faux
Depuis lors, personne n’a plus reparlé du lotissement du village. Mais, coup de théâtre, en 2013. Car, le 28 décembre 2013, les autorités municipales de Dahra Djolof ont fait signer au chef de village qui a passé 50 ans à la tête de Ngueth, un document, dans lequel il est établi que les populations de Ngueth ont maintenant donné leur accord, pour que soit procédé au lotissement.
C’est ainsi qu’un jour, on a dû présenter à Ousmane Thiane, chef du village, le fameux document de trop. Ce dernier, n’ayant pas compris la langue française, précisa à son interlocuteur que les populations n’acceptent d’adhérer au lotissement que sous réserve des quatre conditions citées plus haut. Là, son interlocuteur le rassura, avant qu’il n’apposât sa signature sur le papier.
Face à des dizaines de gendarmes lourdement armés…
Quelques jours plus tard, leur surprise fut grande, quand les populations de toute la Cité religieuse aperçoivent des agents du Cadastre en train de procéder à des mesures. Après s’être transportés sur les lieux, les habitants se feront notifier que le chef de village a donné l’onction, en leur nom, de procéder au lotissement. Et c’est l’étincelle de trop qui menace de brûler toute une localité.
A peine ont-ils été informés de la volonté des autorités municipales de procéder au lotissement, les habitants ont fait une descente sur les lieux, pour s’y opposer. Face à leur détermination, les agents du Cadastre reculent et l’équipe municipale reculent. Mais juste pour mieux sauter. Car, en début de cette semaine, ils sont revenus à la charge, avec des dizaines de gendarmes lourdement armés.
…une Cité religieuse prête à être enterrée sur le site…,
Mais là aussi, la Cité religieuse, avec à sa tête son chef de village et le khalife général, préfère enterrer ses habitants, plutôt que de laisser prospérer le lotissement. D’autant que ces derniers restent convaincus aujourd’hui plus qu’hier que ce sont des personnes véreuses à la boulimie foncière insatiable qui sont derrière ce dur désir de découper leurs terres. Et qu’à ce titre, ils préfèrent y laisser leurs vies. A cet effet, il a encore été reporté le découpage en question.
Les populations sont d’autant plus décidées à s’opposer à tout morcellement de leurs terres qu’elles croient dur comme fer que des gens qui ont déjà encaissé l’argent d’autrui, tiennent coûte que coûte, à quelques semaines des prochaines élections locales, à tout mettre en oeuvre pour que le lotissement ait lieu, qu’ils puissent obtenir des terrains qu’ils devront ensuite filer à ceux dont ils ont déjà bouffé les sous. Vrai ou faux ?
…plutôt que d’être expropriée par des gens véreux à la boulimie foncière insatiable
En tout cas, la Cité religieuse en a fait sa religion. Dans tous les cas, le risque d’un conflit aux conséquences inimaginables prend corps à pas de géant dans cette bourgade jadis paisible. Et dont l’existence des populations a commencé à être vampirisée, depuis que la localité a été rattachée à la Commune de Dahra Djolof.