Les prestations de la Mutuelle de santé des agents de l’État (MSAE) sont suspendues dans plus de 30 sections départementales sur les 46 que compte le Sénégal. Et pour cause, souligne Source A, « des cas de fraude et de surfacturation entraînant des paiements irréguliers sont notés » par le Bureau exécutif de ladite mutuelle. La dette dépasse 67 millions de francs CFA, estime la source.
Des adhérents ont contacté le journal pour exprimer leur courroux, dénonçant « des retenus sur leur salaire à hauteur de 4000 voire 4500 F CFA par mois sans bénéficier des prestations de la mutuelle ». En l’état, soufflent-ils, « ils sont contraints de payer eux-mêmes leurs frais médicaux avant de demander à se faire rembourser », pour des « délais d’attente excessifs », en « violation flagrante de leurs droits à une couverture médicale adéquate et à un accès aux soins ».
Pire, rapporte le quotidien d’information, certains mutualistes qui ont ébruité l’affaire ont été « sanctionnés à travers des suspensions provisoires pouvant aller jusqu’à un an ».
Pour en avoir le cœur net, Source A s’est déplacé au siège de la mutuelle. Interrogés par le journal, les services de Babacar Ngom, président du Bureau exécutif de la MSAE, se lavent à grande eau et font de graves révélations. « Au sujet des surfacturations dans les hôpitaux, les montants dus sont souvent multipliés par 4 voire 5 », balance le responsable des prestations de la mutuelle, Malick Sall. Ainsi, chiffre l’interlocuteur du journal, « les montants indus sont passés de plus de 13 millions en 2021 à 40 millions en 2022 puis à 13,6 millions en 2023.
A ce jour, évalue-t-il, « le montant total des paiements indus est arrêté à 67 113 226 F CFA, réparti entre Bakel, Tivaouane, Tambacounda, Saint-Louis, Ziguinchor, Louga, Kaolack, Kolda, Sédhiou, Bignona, Mbour, Matam, Thiès, Bambey, Burkilane, Bounkiling, Dagana, Diourbel, Foundiougne, Gossas, Goudomp, Guédiawaye, Guinguinéo, Kaffrine, Kanel, Kébémer, Kédougou, Koumpentoum, […] ». A cela s’ajoute, poursuit le responsable, « la somme de 29 035 106 F CFA payés entre 2021 et 2023 à des adhérents inscrits à Dakar mais en service dans les régions ».
Il soutient que les adhérents ne sont pas exempts de tout reproche. La preuve, regrette-t-il, « il arrive qu’un adhérent soigne tout un quartier. Alors qu’ils (mutualistes) ne peuvent prendre en charge que leur famille, ils font des substitutions de nom ». Par exemple, explique Sall, « ma femme s’appelle Fatou, si sa soeur Khoudia est malade, je lui dit : ‘mets le nom de Fatou tout de même’. »
Pour une meilleure transparence, selon ses services, Babacar Ngom a entamé la digitalisation de la mutuelle, qui compte plus de 50 000 adhérents, à travers la mise en place d’un logiciel dénommé « Bon de commande », qui a « démasqué les fraudeurs ». La source signale que la mutuelle et certaines de ses structures partenaires « qui refusent d’utiliser le logiciel » se regardent en chiens de faïence.
« Ceux qui dénoncent par voie de presse, ils le font parce que le système de formalisation ne les arrange pas. Il a mis à nu tous les cas de fraude », pointe Sall. Qui ajoute : « Nous avons noté que les pharmaciens de Louga se sont regroupés pour demander à leurs collègues de boycotter la mutuelle. »
Le responsable indique toutefois que « sur 23 000 dossiers de remboursement [traités], 20 800 ont été payés ». Ainsi, « pas plus tard que la semaine dernière, la mutuelle a remboursé à hauteur de 40 millions aux adhérent », jure Sall. Par contre, avertit ce dernier, « les dossiers qui ne remplissent pas les conditions d’éligibilité feront l’objet de rejet ».